Lait
« Nous perdons de l’argent en travaillant »
Le 31 janvier, la Fédération départementale des producteurs de lait de la Drôme (FDPL), la FDSEA de l’Isère et Jeunes agriculteurs 38 ont manifesté devant Etoile du Vercors pour réclamer des prix qui couvrent leurs charges.
Trop, c’est trop. Pour les producteurs laitiers drômois et isérois livrant leur lait à la fromagerie Etoile du Vercors, appartenant à Lactalis et située à Saint-Just-de-Claix, les manifestations agricoles qui paralysent la France sont aussi l’occasion de protester contre le non-respect de la loi Egalim pratiqué par Lactalis. « Il s’agit du groupe qui paye le moins en France », constatent les agriculteurs présents devant le site le 31 janvier.
Ce jour-là, des producteurs venant de la Drôme et de l’Isère, ainsi que des collecteurs des alentours, se sont réunis devant l’usine pour la bloquer. Le mouvement, impulsé par la Fédération départementale des producteurs de lait (FDPL) de la Drôme, la FDSEA de l’Isère et JA 38, a réuni une quarantaine de personnes.
Pente descendante
« En bio, en 2023, la moyenne du prix de base sur l’année était de 480,93 euros, explique le Gaec Ferme de la tour Saint-Martin (26), alors que dans la ferme, nous cela nous a coûté 518,73 euros tout compris ». En ce qui concerne le conventionnel, « il s’élevait à 452,5 euros en janvier 2023, mais les 1000 litres sont aujourd’hui payés 401 euros, explique Michel Belissard, exploitant au Gaec du Soleil levant (38). Nous travaillons pour gagner 50 euros de moins que l’an dernier tous les 1 000 litres produits, c’est absolument scandaleux, et nous travaillons au mois, c’est-à-dire que nous ne savons pas combien notre lait nous rapportera le mois suivant, ce qui est d’autant plus anxiogène ». D’autant plus que cela représente rapidement jusqu’à 2 000 euros de pertes par mois au regard du volume de production. « Concrètement, nous perdons de l’argent en travaillant », se désole Michel Belissard.
Ainsi, « si la loi Egalim était respectée par Lactalis, il faudrait que les prix de base soient d’environ 600 euros les 1 000 litres pour le bio et de 500 euros les 1 000 litres en conventionnel, ce qui nous permettrait de couvrir nos charges », précise le Gaec Ferme de la tour Saint-Martin. Les producteurs laitiers regrettent d’autant plus que les grandes surfaces ne soient pas transparentes : « Elles ne disent pas où vont leurs marges », expliquent certains.
« Couvrir nos charges »
Selon Michel Belissard, « nous devons obtenir une hausse du prix du lait pour couvrir nos coûts de production ainsi que nos charges ». Les exploitants demandent également le respect de la loi Egalim. « Lactalis paie le moins en France et tire les prix vers le bas. Nous sommes des numéros alors que nous devrions travailler main dans la main », se désolent-ils. D’autant plus que les consommateurs paient de plus en plus cher. Le prix du beurre, par exemple, s’est envolé depuis la pandémie : + 40 %. Le prix payé aux producteurs de lait, en revanche, a diminué de 10 %.
« Pourtant, toutes nos charges ont augmenté, rien n’a baissé pour nous », constatent-ils. L’électricité, notamment, coûte désormais 10 % de plus que l’an dernier. Les assurances ont également flambé, leur prix augmentant de 7 à 8 %.
Ne pas s’arrêter là
Le groupe d’agriculteurs a finalement pu s’entretenir avec la fromagerie. Alors que 480 euros les 1 000 litres étaient demandés, « la réunion n’a pas abouti à quelque chose de concret, explique Sébastien Ageron, président de la FDPL, mais nous programmons une réunion le vendredi 2 février car les représentants de Lactalis n’ont pas voulu négocier sous la pression ».
« Il a été difficile de leur faire comprendre la détresse des élevages laitiers aujourd’hui et nous sentons dans les discours de Lactalis que s’il est possible pour le groupe de tirer davantage les prix vers le bas, ce sera fait », se désole le président. Le jour même, une réunion au niveau national était organisée. Prévue le matin, elle a été reportée à l’après-midi et « Lactalis ne s’est même pas rendu au report », explique l’exploitant. Les agriculteurs se disent ainsi déçus « de la façon de faire du groupe » mais espèrent que la fromagerie Etoile du Vercors « fera le geste attendu ».
« Nous les avons avertis que si le 2 février, nous ne trouvions pas d’accord acceptable, à partir du 5 février, nous mènerions d’autres actions, et cette fois-ci, plus virulentes et devant la fromagerie de Têche également », précise Sébastien Ageron. A la suite de la réunion du 2 février, « les représentants de Lactalis nous ont expliqué qu’ils ne feraient rien tant qu’il n’y aurait pas de changement de prix à un niveau national, ajoute-t-il. Un communiqué du groupe est également paru en guise de justification auprès des consommateurs, mais nous le prenons très mal car l’Unell est clairement ciblée comme étant la « méchante » de l’histoire ». L’union laitière a en effet refusée l’augmentation de 15 euros les 1 000 litres en conventionnel pour les deux premiers mois de 2024, estimant que cela n’était pas suffisant. Une réunion de producteurs laitiers est organisée le mercredi 7 février pour décider de la suite à venir.