Le 16 septembre, Jeunes agriculteurs et la FNSEA ont organisé un temps d’échanges, dans la Drôme, au sein d’une exploitation ovine touchée par le loup. Cette rencontre a réuni une soixantaine d’éleveurs, de professionnels et d’élus, dont le préfet en charge du Plan national loup, Jean-Paul Célet.
« La bergère m’a appelé ce matin pour me dire que nous avons eu une attaque cette nuit… Si vous n’étiez pas là ce matin, je serais là-haut en train de chercher des brebis mortes ou disparues. » Alexis Breynet n’a beau avoir que 23 ans, ses mots n’en sont pas moins percutants. Cet éleveur drômois, installé en moyenne montagne à Saint-Nizier-le-Désert, a repris l’exploitation familiale il y a trois ans. La prédation du loup, le jeune homme la côtoie depuis son enfance. « Je perds près de 10 % de mon troupeau chaque année, affirme-t-il, face à un public composé d’une soixantaine de personnes. Tant que les brebis sont dehors, c’est un stress permanent. » Si l’agriculteur semble résigné, c’est surtout qu’il a mis en place tous les moyens de protection recommandés par l’État. Chiens de protection, berger, clôtures, colliers GPS sur certaines brebis… Rien n’y fait : son cheptel de 600 bêtes reste la proie des loups. « Il faut également avancer les aides que nous touchons avec un an de retard », déplore le jeune homme, qui attend toujours 28 500 € d’indemnités pour les pertes déclarées en 2023. « Cette somme, ce n’est pas une paille, c’est entre 70 % et 80 % des charges que nous payons. »
« Oser aborder le mot régulation »
Le témoignage d’Alexis est loin d’être un cas isolé. C’est d’ailleurs pour cette raison que les syndicats Jeunes agriculteurs et FNSEA ont tenu à convier aussi bien des éleveurs ovins, bovins, équins et plusieurs élus territoriaux. En juin 2024, le réseau syndical dénombrait 858 victimes indemnisables ou en cours d’instruction en Auvergne-Rhône-Alpes, pour une population lupine estimée à 1 104 individus sur l’ensemble du territoire national en septembre 2023. Si le statut protecteur du loup établi par la Convention de Berne autorise un prélèvement annuel à hauteur de 19 % de l’effectif moyen de la population, ce pourcentage est largement contesté par les syndicats et éleveurs présents. « Nous voulons que l’État français soit force de proposition sur la révision du statut international du loup, afin d’oser aborder le mot « régulation » et de savoir quelle place ce dernier souhaite laisser au pastoralisme et aux éleveurs dans nos territoires », n’a pas hésité à déclarer Bernard Mogenet, référent loup à la FNSEA et président de la FDSEA des Savoie.
Protéger davantage les bovins, équins et asins
Bien qu’il soit prévu que la révision du statut protecteur du loup fasse l’objet de débats aux prochains Conseils de l’Union européenne, les éleveurs réclament des mesures plus urgentes. Le Pacte et loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOA), mis à l’arrêt depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, devait notamment permettre d’assurer un statut juridique aux chiens de protection. Une attente qui crispe l’ensemble des représentants syndicaux. Outre le raccourcissement des délais d’indemnisation, ces derniers souhaitent également une dérogation de l’usage de lunettes de tirs à visée thermique et le recours systématique aux tirs de défense pour les éleveurs bovins, équins et asins. Autant de demandes, auxquelles le préfet référent du Plan national loup, Jean-Paul Célet, a tenté de répondre. « Nous avons œuvré afin que le tir de défense simple compte dorénavant 2 ou 3 tireurs et que le fait que les louvetiers éclairent le loup avant le tir soit supprimé », a-t-il déclaré, avant d’affirmer que le nouveau Plan national loup a pour ambition de donner une assise juridique à la protection des bovins via des tirs de défense « sur des territoires de prédation forte et avérée », écartant ainsi l’hypothèse d’une autorisation générale. « Deux décisions de justice sont venues contrecarrées ces ambitions, mais je suis assez confiant dans la défense de l’État pour qu’elle écarte l’ensemble de ces recours », a-t-il détaillé, assurant que les décisions seront connues au mois de janvier. Parmi les autres annonces faites par le préfet, figurent également la prise en compte de la valeur génétique des bêtes dans les pertes indirectes, ainsi que le doublement des prélèvements d’indices biologiques analysées, passant de 1 600 à 2 400. Enfin, le représentant de l’État a rappelé son soutien à l’expérimentation de comptage par drones sur l’ensemble du territoire aurhalpin.
Léa Rochon