Claude Rimaud a reçu la médaille du travail pour ses 20 ans d’ancienneté au Service de remplacement de l’Isère. Cet agriculteur a fait le choix assumé du salariat.
« Je voulais rester dans l’agriculture. J’ai fait un bilan de compétences et j’ai été embauché au service de remplacement du Pays viennois en 2003. »
Claude Rimaud a reçu la médaille du travail pour ses 20 ans d’ancienneté au Service de remplacement de l’Isère (SRI) lors de la journée annuelle des salariés organisée mi-novembre 2023 à Charavines.
L’homme se décrit comme « le mauvais exemple » du SRI. Car il a d’abord été exploitant agricole pendant dix ans en Gaec avec son frère, avant de faire le choix du salariat.
« Les anciens agriculteurs que je côtoyais m’ont embauché. Je les connaissais. » Il peut ainsi comparer les deux statuts.
Relation de confiance
« Ce ne sont pas les mêmes contraintes. On a moins de soucis quand on est salarié. La journée est terminée, le soir, quand on rentre à la maison. Mais on a des comptes à rendre à son patron. » La stabilité et une relation de confiance font que chaque partie s’y retrouve.
« Cela fait 20 ans que je travaille avec les mêmes personnes, six ou sept exploitations dans les secteurs Vienne nord et sud et du côté de Beaurepaire. C’est de la polyculture élevage, mais principalement du lait. »
Il n’y a pas d’atelier qui échappe au savoir-faire de Claude Grimaud : bovins lait et viande, moutons, volaille, ETA, « j’ai même fait des chèvres et de la pépinière ! » ajoute-t-il.
Mais le salarié reconnaît un faible pour les prim’holstein, pour leur belle robe noire et blanche et leur vêlage facile.
« L’expérience joue un rôle important »
L’an dernier, le Service de remplacement de l’Isère a remis deux médailles pour 30 ans d’ancienneté, preuve que l’on peut faire carrière dans le salariat agricole, et qui plus est, en affrontant parfois des situations un peu tendues.
« Il faut être débrouillard, savoir prendre ses responsabilités, s’adapter à toutes les situations. Lorsqu’on arrive dans une exploitation pour dépanner, c’est là où l’expérience joue un rôle important », confie Claude Grimaud.
C’est parfois plus qu’un sixième sens dont il faut faire preuve pour s’y retrouver dans une ferme. « Les adhérents oublient souvent de donner les consignes, y compris les plus simples. La place des clés, du disjoncteur : ce qui est évident pour eux ne l’est pas pour le salarié. Mais il y a toujours un numéro de téléphone pour appeler. »
Et le changement quasi quotidien d’exploitation ne le dérange pas non plus. « Lorsque j’en ai assez d’être sur une ferme, je sais que le lendemain, je serai ailleurs. J’aime bien changer, il n’y a pas de routine. »
Pas de semaine type, mais un emploi du temps connu une semaine à l’avance et du service un week-end sur deux.
Rester pro
« J’ai déjà des week-ends réservés en juillet et on m’appelle pour savoir quand je prends mes vacances au mois d’août », sourit-il. Les employeurs invités à des mariages doivent s’y prendre très longtemps à l’avance pour être certains d’être remplacés ce jour-là.
C’est aussi l’occasion de joindre le travail à l’agréable. « Cette année je travaillais alors qu’il y avait un anniversaire à la ferme. J’ai eu droit à ma coupe de champagne et au gâteau au chocolat à la traite », raconte Claude Grimaud.
Pour autant, le salarié a une ligne de conduite : rester pro en toutes circonstances. En fréquentant de nombreuses fermes, il observe pourtant ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré.
« Il y a des choses que l’on peut dire, mais pas tout. Les habitudes, ce n’est pas évident de les faire changer. Mais une bonne idée, on peut la partager. »
« Les fermes évoluent »
En 20 ans, il a vu le métier évoluer. Le salarié du service de remplacement n’est plus celui à qui on confie systématiquement le sale boulot, ou alors l’agriculteur s’y colle aussi.
« Les fermes évoluent, elles sont de plus en plus mécanisées et leur nombre a été divisé par deux. L’élevage aussi a changé. Il devient plus réfléchi. Ce n’est plus produire à tout prix, mais il y a une vraie réflexion sur la rentabilité des troupeaux, sur les coûts de production. »
Les chefs d’exploitation aussi changent. Avec le renouvellement des générations, les jeunes sont plus enclins à prendre des congés et notamment des congés parentaux.
« Mais certains n’aiment pas se faire remplacer ou payer 140 euros », glisse le salarié.
Jamais lassé de ce métier qui se renouvelle chaque jour, Claude Grimaud n’a qu’une seule inquiétude : « que la dépanneuse tombe en panne ! » Il appréhende de tomber malade alors que les autres comptent sur lui.
Isabelle Doucet
« Notre rôle est d’intervenir dans l’urgence »
Les besoins de remplacement dans les fermes sont nombreux et les salariés, qui interviennent au pied levé, son précieux.
Le Service de remplacement de l’Isère (SRI) est né il y a dix ans du regroupement de huit secteurs (1). Il emploie dix CDI et de nombreux CDD représentant 21 équivalent temps plein par an.
« Certains mois, nous établissons jusqu’à 60 fiches de paye », explique Jean-Marc Chevallet, son président. Congés, formation, maladie, accident, maternité, responsabilités professionnelles : les salariés du SRI interviennent pour assurer la continuité des travaux des agriculteurs qui le sollicitent.
Plus de 400 agriculteurs sont adhérents du service, dont 200 sont utilisateurs réguliers. « Notre rôle est d’intervenir dans l’urgence, explique le président. Certaines exploitations ont été sauvées grâce au service de remplacement. »
Mais il fait valoir avant tout « l’esprit coopératif », à l’opposé d’une attitude de consommateur. Car c’est là que réside l’équilibre du service : employer les salariés en dehors des périodes d’urgence et pas seulement pour les congés maternité et paternité.
Contact humain et changement
L’autre enjeu est celui du recrutement et de la fidélisation des salariés. « Les mentalités ont évolué. Il y a davantage de respect du salarié et s’il y a des corvées, elles se font à deux », reprend Jean-Marc Chevallet.
Il souligne l’intérêt d’un métier où l’on découvre la multiplicité des productions et des exploitations.
C’est aussi un bon réseau pour trouver une ferme à reprendre.
Le travail convient plus particulièrement aux profils qui aiment le changement et le contact humain, ont l’esprit d’initiative et savent s’adapter à tous les types d’exploitations.
Reste la difficulté, comme dans tous les métiers de l’agriculture où les salaires demeurent modestes, à recruter et fidéliser ces perles rares. Le SRI se tourne vers les écoles et essaie de proposer des formations, en partenariat avec Agriemploi.
ID
(1) Il y a actuellement trois services de remplacement en Isère : le SRI, le service de remplacement du Nord-Isère et celui du Vercors.