Santé animale
Des centaines de cas de FCO en Isère

Face à l'explosion de cas de FCO 8 en Isère, le GDS a organisé en urgence une réunion d'information à Saint-Siméon-de-Bressieux. Les éleveurs se sont déplacés en masse, révélant une situation départementale dramatique.

Des centaines de cas de FCO en Isère

Emotion et technique, deux caractéristiques qui en général ne se côtoient pas. Pourtant, la réunion d’urgence demandée par Jean-François Gourdain, président des éleveurs ovins de l’Isère, à Saint-Siméon-de-Bressieux, mardi 20 août, illustrait bien ces deux qualificatifs.

Le premier était révélé par Jean-François Gourdain lui-même, extrêmement ému et très fatigué par la catastrophe qui atteint son troupeau : 25% de pertes ovines en une quinzaine de jours dues à la propagation soudaine de la FCO 8. Un vrai coup de massue. Cédric Ruzzin, éleveur à Cras, lui aussi, lançait un vrai cri de détresse au regard de ses pertes : « 55 ovins morts dans un troupeau de 150 bêtes, auxquels vont s’ajouter une trentaine dans les jours qui arrivent. » Le calcul est vite fait : il pourrait atteindre la disparition de la moitié de son troupeau. Ces deux éleveurs sont représentatifs des plus de 200 de leurs homologues présents dans la salle. Il manquait des chaises. La crise est réelle.

Les caprins épargnés

Du côté technique, Aurore Tosti, directrice du Groupement de défense sanitaire du cheptel de l’Isère (GDS 38) a mené d’une main de maître cette rencontre attendue autant par les détenteurs de bovins que d’ovins. Les questions étaient nombreuses. Aux signes cliniques déjà connus par la plupart des éleveurs, l’un d’eux signale l’apparition de croutes sur les trayons des vaches : « Cela rend difficile la traite parce que l’animal a mal. » Alors combien de temps durent les symptômes ? Chez les bovins il faut compter une bonne dizaine de jours, alors qu’une semaine semble la règle chez les ovins. Les caprins ne semblent pas infectés par cette épidémie de FCO 8.

Difficultés d'abreuvement

Si la température paraît plus élevée que la normale, les cas ont démarré à un moment de canicule. Difficile de faire la part des choses. En revanche, un vétérinaire du Groupement technique vétérinaire (GTV 38) attire l’attention des éleveurs sur la nécessité de surveiller l’abreuvement des animaux. « Certains peuvent avoir le nez toute la journée dans l’abreuvoir sans boire plus de 4 litres d’eau. Certains animaux ont de réelles difficultés à boire. Il faut surélever l’abreuvoir. Cela les aide beaucoup. »

L'Isère premier département touché dans la région

En ce qui concerne la propagation, un mystère règne sur les causes de l’explosion de cas en quelques jours à peine. Les premiers se sont révélés les 4 et 5 août puis ont essaimé comme une traînée de poudre. Le 22 août, 60 foyers de FCO 8 étaient confirmés, tandis que 280 suspicions étaient en cours d’examen. Trois prélèvements par troupeau étant réalisés, cela laisse augurer l’apparition de 90 foyers. « La plupart des suspicions seront confirmées », estime Aurore Tosti.  Jusqu’au mardi 20 août, l’Isère semblait isolé au milieu des départements rhônalpins. Mais ce jour-là des alertes révélant des suspicions ont été rapportées par les autorités sanitaires en Savoie (2 cas), Drôme (explosion), Ardèche et Ain. 

La transmission est réalisée par le moucheron culicoides. Son rayon d’action tourne autour de 10 à 15 kilomètres, mais il est très léger et est emporté facilement par le vent. « L’an dernier, il a traversé la méditerranée à la faveur de vent de sable », rapporte un technicien. Le moucheron va être porteur du virus toute sa vie à partir du moment où il est contaminé. Il vit un mois, et il est possible qu’il le transmette à sa descendance. Etre en alpage pour un troupeau n’est pas une garantie : la présence de l’insecte est confirmée à 1 600 mètres d’altitude, mais les éleveurs concernés disent être moins touchés. 

Désinsectisation par dessous

La protection préconisée est de désinsectiser les bâtiments et les animaux. « Un professeur de l’Ecole vétérinaire de Toulouse insiste sur le traitement des pattes et du dessous des bêtes, pas seulement le dessus », indique un vétérinaire dans la salle. 

Le traitement insecticide est une manœuvre d’urgence. La vaccination est totalement préconisée par le GDS car les dégâts lorsque la maladie se déclare sont considérables. Selon un vétérinaire, « on peut connaître un taux de mortalité de 70% des animaux atteints dans certains lots ». Chez les mâles, on peut assister à une stérilité temporaire en raison de la hausse de la température corporelle. Il faut en tenir compte dans les périodes de reproduction. Il n’y a pas de stérilité pour les femelles, mais certains praticiens constatent un écart plus grand entre deux vêlages.  

Vaccination impérative

La vaccination est la seule action efficace de prévention et doit être pratiquée sur des animaux non-symptomatiques. « Même si cela coûte un peu cher, il vaut mieux se prémunir contre la FCO 3, 4 et 8 », indique Aurore Tosti. La 8 est là, la 3 est en train de descendre vers le sud de la France, la 4 est une bonne précaution. Et tous les vétérinaires de rappeler que la vaccination n’empêche pas la maladie, mais atténue largement les symptômes quand elle est présente. Les pertes sont alors moins grandes. « Le vaccin ne tue pas, insiste Aurore Tosti répondant à une question, une bête meurt de la FCO, pas du vaccin. » Un retour d’expérience du GDS de l’Aveyron révèle que depuis mi-août les cas repartent dans ce département, mais surtout chez les bovins. Il semblerait que les ovins soient moins concernés car la vaccination des moutons aveyronnais a été massive en 2023. « Nos collègues ont peu de remontées quant aux conséquences du vaccin. Cela vaut vraiment la peine de vacciner », souligne Aurore Tosti. 

Prévention en alpages

Dès lors, l’accent est aussi mis sur les troupeaux en alpages. En prévision de la descente, il est préconisé de procéder à la vaccination dès maintenant. Car si les fabricants de vaccins donnent un délai de 42 jours pour atteindre l’immunité, elle peut être acquise beaucoup plus vite par les animaux. Se pose alors simplement la question de de la faisabilité de l’opération, car la contention n’est pas forcément facile en montagne. « Et il faut changer d’aiguille pour chaque animal », martèlent les techniciens sanitaires. L’aiguille agit comme le moucheron : elle pique. Si elle est infectée par un précédent animal, elle transmettra le virus. « Le flacon ouvert doit être passé dans la journée », rappelle Céline Savoyat, insistant sur la péremption rapide du contenu.  

« La vaccination contre la FCO 8 n’est pas prise en charge par l’Etat car il considère que les éleveurs ont largement eu le temps de vacciner depuis l’an dernier et que toute la France est en zone réglementée ».

Jean-Marc Emprin

 

Des conséquences économiques fortes

La FCO va laisser des exploitations exsangues. « Entre les pertes d’animaux, les soins supplémentaires et le renouvellement du cheptel, pour 150 bêtes que compte mon troupeau, je vais perdre au moins 50 000 euros liés à la mortalité que je connais », estime Cédric Ruzzin, éleveur à Cras. Un gouffre. Jean-François Gourdain, éleveur à Saint-Siméon-de-Bressieux, ne donne pas de chiffres mais est effondré par les pertes, les coûts vétérinaires et par le manque à gagner de la saison. Tous les éleveurs s’inquiètent aussi des conséquences périphériques sur la PAC, le taux de chargement…

« Le FMSE interviendra mais le dossier est lourd et les délais longs, souligne Jean-François Gourdain, mon exploitation ne tiendra pas jusqu’au versement ». 

Situation bloquée

Aurélien Clavel, secrétaire général de la FDSEA de l’Isère, indique « avoir déjà relevé le problème. Au regard des pertes directes et indirectes et des délais très longs, il faut que les aides financières interviennent au moins pour partie en dehors du FMSE et soient complémentaires. La demande soulignant le caractère exceptionnel a déjà été formulée au niveau national via la FNSEA. Nous n’avons jamais vu une propagation aussi rapide. Nous referons la demande même si nous savons que nous n’allons pas avoir une réponse rapide. L’absence de gouvernement bloque les décisions. »

Solidarité du conseil départemental de l'Isère

Cyrille Madinier, vice-président du conseil départemental de l’Isère, chargé de l’agriculture et de la forêt, tient à apporter son soutien à une assemblée en total désarroi. « Je ne peux pas vous dire aujourd’hui sous quelle forme nous vous accompagnerons, mais le conseil départemental n’a jamais lâché l’agriculture. Nous n’avons pas une compétence directe et nous agirons en concertation avec le conseil régional. »

Pour sa part Jean-Luc Delrieux, DDPP, a relevé les incidences sur les aides aux troupeaux et sur les conséquences sur les périodes de détention obligatoires. « On peut porter la demande de reconnaissance de cas de force majeure à Paris », avance-t-il, butant lui-aussi sur l’absence d’exécutif gouvernemental hormis les affaires courantes. 

 

Equarissage débordé

Hasard du calendrier, l’hécatombe provoquée par la FCO en Isère est arrivée juste avant le pont du 15 août. Les besoins d’évacuation des bêtes mortes ont explosé en quelques jours. Certains éleveurs se plaignent des délais d’intervention des services d’équarrissage, quelquefois jusqu’à 5 jours. 

« Ce sont des contrats encadrés de délégation de service public, explique Aurore Tosti, directrice du GDS. Ils sont prévus de longue date et prévoient 48 heures de délai maximum en jours ouvrés ». Mais la semaine la plus dure a cumulé un jour férié et un week-end. Aurore Tosti assure que les services ont fait le maximum, opinion partagée par Jean-Luc Delrieux, directeur départemental de la protection des populations chargé de chapeauter les services sanitaires du département. « On ne peut pas recourir à une réquisition qui est une procédure exceptionnelle et relevant du préfet. La société d’équarrissage a renforcé son personnel, mais sans sortir du cadre contractuel. Le cas échéant la facture ne serait pas du tout la même. »   

 

Bon rapport qualité / prix

Sébastien Simian, en réponse à une question sur le coût des cotisations au GDS, a rappelé « qu’en plus d’une dizaine années, le coût de l’adhésion au GDS n’a augmenté que deux fois. Qu’en contrepartie, les éleveurs ont des conseils et des formations gratuits chaque fois qu’ils en formulent la demande. Le GDS Isère est celui qui accompagne le plus les éleveurs dans la région. »