RAPPORT
La consommation française d’eau pourrait doubler d’ici 2050

Avec l’effet du changement climatique, la consommation d’eau en France pourrait doubler d’ici 2050, selon un rapport de France Stratégie. L’agriculture, particulièrement touchée, devra composer avec des besoins croissants en irrigation, dans un contexte sous tension.

La consommation française d’eau pourrait doubler d’ici 2050
Éric Frétillère, président des Irrigants de France, plaide pour que l’agriculture soit considérée comme « une activité d’intérêt général majeur dans les arbitrages sur les usages de la ressource en eau ». ©Irrigants de France

La consommation en eau pourrait doubler d’ici 2050 en France, si le réchauffement climatique s’intensifie et si les tendances d’usage actuelles se poursuivent, en raison notamment de l’augmentation des besoins liés à l’irrigation, estime France Stratégie dans un rapport publié le 20 janvier. D’ores et déjà, l’eau douce renouvelable a diminué de 14 % en dix ans, selon France Stratégie qui constate « des tensions entre usages dans certains territoires et à certaines périodes de l’année ».

Trois scénarios

Commandé à l’automne 2023 par la Première ministre de l’époque, Élisabeth Borne, ce travail présente l’évolution de la demande en eau en France selon trois scénarios : « tendanciel » qui prolonge les tendances passées ; « politiques publiques » qui simulent la mise en place de politiques publiques récemment annoncées ; et « de rupture », qui se caractérise par un usage sobre de l’eau. Y figurent également différentes projections de réchauffement climatiques, avec des printemps et étés secs ou humides. En cas de réchauffement climatique mondial de 2,4 °C entre 2041 et 2060, selon l’un des scénarios du Giec, les consommations en eau pourraient augmenter de 102 % entre 2020 et 2050, selon le scénario « tendanciel », et augmenter de 72 % dans le scénario « politiques publiques », indique le rapport. Seul le scénario de rupture contiendrait la hausse à 10 %, avec des variations parfois fortes selon les régions et les moments de l’année. Selon le rapport, l’agriculture est le secteur pour lequel l’évolution du climat jouera un rôle essentiel. Une diminution des précipitations engendrerait « une augmentation de la demande en eau d’irrigation pour maintenir les mêmes rendements, exacerbée par l’augmentation des surfaces irriguées », souligne Hélène Arambourou, co-autrice du rapport. Avec cette prépondérance de l’agriculture dans les prélèvements, la demande en eau sera également davantage concentrée en été, où la ressource est contrainte.

Des retenues aux effets limités

« Le changement climatique, dont le monde agricole est la première victime, bouleverse nos façons de produire », s’alarme de son côté le président des Irrigants de France (FNSEA), Éric Frétillère. À ses yeux, il ne faut fermer la porte « à aucune solution viable comme le développement des solutions de stockage en fonction des spécificités de chaque territoire ». En outre, le syndicat plaide pour que soient menés des travaux de recherche et développement (génétiques, numériques, technologiques) pour « renforcer la trajectoire d’amélioration de l’efficience de l’eau d’irrigation ». Reste que les retenues de substitution n’auront qu’un « effet modéré » pour réduire les prélèvements entre les mois de mai et septembre, précise le rapport. À titre d’exemple, ces retenues ne permettent de réduire que de 2 % les prélèvements en 2050, à l’échelle de la France métropolitaine, selon le scénario « politiques publiques ». Plus précisément, dans le bassin-versant de la Charente, où plus de trente retenues de substitution pour un volume de 7,5 M m3 sont construites, portant le volume de substitution globale à 10,1 M m3, 6,8 % des prélèvements estivaux seraient décalés en période hivernale. « Autrement dit, même en considérant un remplissage complet des ouvrages de substitution, leur effet demeure limité, eu égard à la demande future », souligne le rapport. Aussi, France Stratégie augure-t-il de potentiels conflits d’usage dans certains bassins-versants, notamment en période estivale. Afin d’anticiper ces conflits d’usage, Éric Frétillère plaide pour que l’agriculture soit considérée comme « une activité d’intérêt général majeur dans les arbitrages sur les usages de la ressource ». Le service prévoit d’étudier dans un prochain rapport les tensions entre la ressource en eau potentiellement disponible en 2050 et la demande.

J.J