Installation
La techno oui, mais la bonne

En agriculture comme ailleurs, les nouvelles technologies exercent un fort pouvoir d'attraction chez les jeunes. La journée de l'installation qui s'est déroulée à la MFR de Mozas le 13 mars leur a donné quelques clés pour faire le tri entre le bon grain et l'ivraie numérique.
La techno oui, mais la bonne

Smartphone en poche, les futurs installés n'entendent pas se déconnecter de la réalité. D'autant qu'aujourd'hui, la réalité agricole se vit en mode 2.0. C'est ce qui a conduit les organisateurs de la journée de l'Installation, orchestrée à la MFR de Mozas le 13 mars, à axer les débats sur le thème de l'innovation technique, commerciale ou organisationnelle.

Appliqué à l'agriculture, le web 2.0 désigne l'appropriation par les agriculteurs de nouveaux outils numériques pour piloter leur exploitation. Comme l'a rappelé Virginie Thouvenin, conseillère en valorisation des produits fermiers auprès de la chambre d'agriculture, « l'agriculture 2.0 englobe tout un panel d'outils, certains 100% digitaux et dématérialisés, d'autres plus "physiques", mais qui font appel à une technologie pointue, comme les stations météo ». Chaque filière a les siens, plus ou moins adaptés au profil de chaque exploitation. Il s'agit donc de faire le tri.

« Le digital n'est pas une fin en soi : il est pertinent s'il est créateur de valeur, c'est-à-dire s'il a un impact positif sur le quotidien du producteur, que ce soit sur son bien-être, ses pratiques, ses revenus ou son environnement », souligne la conseillère qui propose régulièrement des formations pour se familiariser aux outils multimédias. Technophile mais pas technolâtre, Virgine Thouvenin rappelle que le numérique peut être facteur d'innovation pour se démarquer et « bien vivre son métier », mais qu'il n'est pas le seul. « Il y en a plein d'autres : des techniques de production, de transformation, de nouveaux débouchés, du packaging... »

Ferme connectée

Ce préalable posé, les futurs installés ont été invités à suivre quatre ateliers présentant chacun une famille d'innovations numériques. Deux d'entre eux étaient consacrés aux outils en lien avec la ferme connectée, les deux autres aux questions de financement et de commercialisation. Chaque séquence a été pensée de façon à susciter un échange entre « apprenants » et jeunes installés. Dans l'atelier dédié aux innovations technologiques en grandes cultures, c'est Nathan Gomes, gérant de l'Earl de Domaine de la plaine, à Tignieu-Jameysieu, qui est venu parler de son expérience de terrain.

Comme un agriculteur sur deux aujourd'hui, le jeune homme utilise un GPS, mais pas seulement. Son exploitation fait la part belle à la diversification et l'optimisation des cultures via les outils de pilotage numérique. Après avoir passé en revue les différentes technologies (drone, Isobus, guidage aérien, capteurs...), le jeune agriculteur décrit le système de modulation avec lequel il gère la fertilisation de ses parcelles. Il en apprécie le confort de travail : « Ça s'ouvre tout seul, ça se ferme tout seul : il n'y a plus rien à faire ! La limite, c'est le signal : quand tu le perds, c'est rideau. L'épandeur à engrais se coupe : il ne peut plus calculer la modulation. » Nathan Gomès fait valoir l'intérêt du système : « Nous avons diminué de 20% la dose de fertilisation. » Et d'ajouter, la tête sur les épaules : « Le nerf de la guerre, c'est l'économie. Nous, en engrais, nous avons gagné 7 000 euros. En un an, nous avons rentabilisé le système. Je ne travaille plus comme mon grand-père. Il faut vivre avec son temps. Nous ne sommes plus paysans, mais c'est aussi le monde qui veut ça : il faut être compétitif. Et pour cela, il faut baisser les charges, notamment au niveau de la mécanisation et des intrants. »

Tâches facilitées

En élevage, l'utilisation de logiciels et de matériels innovants sont présentés aux élèves comme des moyens de « gagner du temps et d'optimiser le suivi du troupeau ». Démonstration au Gaec de Sarapin, à Panissage, où quatre innovations ont été mises en place : suivi technique via Boviclic et Mil'Klic, installation d'un robot repousse-fourrage et identification en salle de traite (reconnaissance des animaux par un collier d'identification puis tri à l'aide d'une porte intelligente). Pour chaque outil, Julien Gentil, l'un des associés du Gaec, pointe atouts et inconvénients. Tous sont conçus pour faciliter le travail, mais ils ont un coût (9 000 euros par an pour Boviclic par exemple), ne sont pas forcément compatibles entre eux (d'où la nécessité de saisir plusieurs fois les données) et doivent être régulièrement mis à jour. « Le 2.0, c'est parfois un peu compliqué, juge Julien Gentil. Il faut se l'approprier. Avant de se lancer, mieux vaut se demander de quel outil on a vraiment besoin, dans quel but et ce qu'on veut en faire. » Une bonne antisèche pour apprendre à résister aux sirènes digitales.

 

Financement participatif et coup de pub

En agriculture, les banques n'ont plus le monopole du financement. Des plateformes numériques de type Miimosa, Agri-Lend, Blue-Bees ou Kisskissbankbank sont en train de leur tailler des (petites) croupières. Invités à faire part de leur expérience, Antoine Cleenewerck (ferme des Sapins à Queige) et Steven Clavel (Gaec des Terres froides à Biol) ont évoqué deux systèmes distincts. Le premier a expliqué comment il a obtenu un prêt de 300 000 euros via des prêteurs recrutés par mail. « Nous avons envoyé le mail à tous nos contacts, explique Antoine. Nous avons présenté le projet et établi un questionnaire demandant de préciser la somme prêtée, le taux (de 0 à 1,5%), la durée et la date voulue de remboursement. Nous avons reçus 60 réponses en trois semaines. » La démarche sidère les étudiants. « Moi je ne vois personne à qui emprunter une telle somme ! », s'exclame une jeune-fille. 
Communication gratuite
Pour financer son installation au sein de la ferme familiale et démarrer trois nouveaux ateliers (bière, noix-noisette et miel), Steven Clavel a "classiquement" lancé un appel aux dons sur la plateforme Miimosa. « Il faut bien préparer le projet en amont, conseille-t-il. Pour accéder au financement, les dons doivent atteindre au moins 60% du budget que l'on a fixé au départ. Plus on s'approche des 100%, moins la plateforme prend de commission. » Le jeune agriculteur prend la précaution de préciser que le système fonctionne mieux avec des petits montants. Lui demandait 6 000 euros, il en a obtenu 6 265 grâce à 79 contributeurs. « Les premiers pourcentages sont très difficiles à obtenir, prévient-il. Il faut beaucoup en parler autour de soi. » Mais une fois que la dynamique est lancée, le jeu en vaut la chandelle. Car non seulement le candidat finance son projet, mais il s'offre en prime un plan de communication gratuit. « Miimosa, c'est un bon coup de pub au démarrage, assure Steven Clavel. Dans la description de notre projet, nous avions mis un lien vers notre page Facebook : la fréquentation a très vite explosé. »
MB