Education
Les MFR à l'heure du numérique

Installés massivement dans le quotidien des jeunes, les Smartphone et autres joujoux numériques ouvrent des possibilités immenses d'apprentissage. Encore faut-il savoir les utiliser positivement. C'est le message que s'attachent à faire passer les MFR.
Les MFR à l'heure du numérique

Souvent virtuelle aux yeux des adultes, la planète Internet est un monde bien réel pour les adolescents. Elle leur livre l'accès à une foule d'informations, d'histoires, d'images, disponibles en tout lieu, à tout moment, loin du regard des adultes. Une liberté démesurée, dont ils ne savent pas toujours faire usage. « Comme tout établissement, nous avons des problèmes à gérer des outils de type Facebook, surtout avec les plus jeunes : ils n'ont pas conscience de l'impact des mots et des images », observe Sophie Queyron, formatrice à la MFR de Mozas. Les nouvelles circulent à toute vitesse sur les Smartphones, parfois fausses mais toujours plaisantes, souvent cocasses, émouvantes, violentes, choquantes. « Nous avons beaucoup de soucis avec les messages que les jeunes s'envoient sur tout et tout le monde durant le week-end. Après on règle ses comptes à l'école... », témoigne Nicolas Elzear, de la MFR de Vif. D'où le travail engagé depuis quelques années par les MFR qui, comme toutes les structures éducatives, s'attachent à accompagner les jeunes dans l'apprentissage et la maîtrise des technologies de l'information et de la communication (TIC). En effet, le numérique a beau être reconnu depuis 2006 par la Commission européenne comme l'une des huit « compétences clés pour l'éducation », il reste beaucoup à faire pour permettre aux jeunes une utilisation bénéfique et critique des TIC.

Formation ou déformation ?

« Le branchement permanent de nos jeunes aux Smartphones et aux autres technologies du numérique, écrans de toutes sortes et réseaux sociaux, font qu'ils reçoivent beaucoup d'information qu'ils ont du mal à trier, à exploiter. Ils additionnent beaucoup d'informations de toute nature, certaines contribuent à leur formation, d'autres peut-être à leur déformation », a rappelé Elisabeth Jean lors de la dernière assemblée générale des MFR de l'Isère, le 11 mai dernier. Le même jour, la fédération nationale des Maisons familiales et rurales lançait un appel à expérimentation, destiné à alimenter la plateforme pédagogique W-alter (1). Il n'y a pas de hasard...
En Isère, les MFR ont franchi le cap numérique depuis un moment. « Le numérique bouleverse notre rapport aux savoirs, ce qui bouleverse notre pédagogie, reconnaît Alain Merlin, directeur de la fédération départementale. On a connu l'époque où les téléphones portables étaient enfermés dans une boîte à chaussure au début du cours. Aujourd'hui on les sort et on s'en sert : les formateurs leur ont trouvé un intérêt pédagogique. » Un peu partout, les initiatives fleurissent. Ici, on rend visite à un agriculteur qui utilise le GPS pour conduire son tracteur et ses cultures. Là, on initie les jeunes au maniement d'une gamme de logiciels de type Isagri, qui permettent de e-piloter une exploitation. Les moniteurs utilisent toute une palette d'outils pour former les jeunes aux TIC, mais l'un d'entre eux remporte tous les suffrages : la vidéo. « C'est plus facile parce que les jeunes sont hyper sensibles à ça. Pour eux, c'est accrocheur », analyse Sophie Queyron. Il suffit de voir la mobilisation d'une équipe de jeunes sur un projet vidéo pour s'en convaincre.

Pédagogie de projet

Les équipes pédagogiques engagées dans de telles démarches travaillent généralement de façon transversale, de manière à intégrer plusieurs « disciplines » dans un même projet. A la MFR de Vif par exemple, Nicolas Elzear, moniteur chargé de l'éducation socio-culturelle, s'est appuyé sur un cours de lecture de l'image à destination des Bac pro « Gestion des milieux naturels » pour réfléchir sur quelques photos choc. De fil en aiguille, les 19 étudiants ont été invités à imaginer un projet de montage (photo ou vidéo) sur le thème du civisme et de l'incivisme. « Nous avons travaillé en binôme avec le moniteur d'informatique pour aborder le tournage et le montage. J'en ai profité pour présenter aux jeunes la notion de droit à l'image, leur faire un peu d'histoire du cinéma et leur apprendre à rédiger un scénario. Nous leur avons également donné les bases pour filmer, cadrer, mettre en scène... » Cette pédagogie de projet a rencontré un franc succès auprès des jeunes : « Ça fonctionne du tonnerre, confime le formateur. Ce genre de projet demande beaucoup de temps, d'organisation, mais les jeunes sont très investis et n'hésitent pas à faire des heures supplémentaires le soir pour peaufiner un montage. » Des efforts récompensés par une sélection en finale du concours Jeunes talents, organisé par la fédération du Rhône et la Métropole lynonnaise.
Les MFR de Vignieu, Saint-André-le-Gaz et Mozas se sont engagées dans des démarches similaires. Le bilan dépasse généralement le simple succès d'estime. Pour preuve, la MFR de Mozas  s'est vu confier par le comice de Pont-de-Beauvoisin le soin de réaliser un film grand public sur la filière lait dans le canton. Un autre est prévu sur le blé cette année. « C'est un travail en groupe très riche, qui permet aux jeunes de faire preuve de rigueur, d'apprendre à penser en amont et de travailler avec différents partenaires du territoire », traduit Sophie Queyron qui, avec un brin d'humour, se demande si la MFR de Mozas ne va pas se retrouver au festival de Cannes l'an prochain...

(1) Espace numérique de collaboration, d'échange de pratique et de diffusion de ressources pédagogiques des MFR.

 

Marianne Boilève

 

L'activité des MFR de l'Isère se maintient en dépit d'un contexte tendu

En 2014, les dix MRF de l'Isère (1) qui proposent des formations relevant du ministère de l'Agriculture ont accueilli plus de 1 500 jeunes. Si les effectifs par filière se maintiennent, la filière Service à la personne et le secteur Analyse biotechnologie en BTS voient leur recrutement baisser, alors que l'agro-alimentaire est toujours en tension. A noter : le nombre d'apprentis est également en baisse, les filières professionnelles suivant pour la plupart les courbes d'évolution de l'économie locale avec un contexte particulièrement défavorable dans le bâtiment, l'automobile, le paysage et l'agroalimentaire. Côté formation continue, les MFR iséroises font preuve de réactivité, proposant, entre autres, des formations courtes répondant aux besoins des entreprises : stage en trufficulture à la MFR de Vif, certificat au métier de fleuriste et au métier de paysagiste à la MFR d'Eyzin-Pinet... Pour Alain Merlin, directeur de la fédération départementale, « la formation continue, qui vient souvent en appui à la formation initiale, constitue un axe de développement fort pour les MFR ».
MB
(1) Chatte, Coublevie, Eyzin-Pinet, La Grive, Le Village, Moirans, Mozas, Saint-Barthélémy, Vif et Vignieu.