Apprentissage
Une réforme en cours d'apprentissage

Dans son Tour de France de la formation professionnelle, Catherine Fabre, rapporteuse de la loi éponyme, a posé ses valises en Isère, à la MFR de Saint-Barthélémy le 7 juin dernier.
Une réforme en cours d'apprentissage

« Tout le travail commence quand la loi est promulguée ». Ce ne sont pas la cinquantaine d'acteurs de la formation professionnelle du département assis dans la salle qui vont contredire Catherine Fabre, rapporteuse de la loi sur l'apprentissge. Promulguée en fin d'année 2018, la « révolution copernicienne » de l'apprentissage s'applique étape par étape. « On a déjà 11% d'apprentis de plus en Isère comparé à 2018, se félicite Monique Limon députée de la 7ème circonscription de l'Isère, c'est au-dessus des 7% relevés au niveau national ». Cette nouvelle loi vise à « désadministrer et libéraliser l'apprentissage », selon Catherine Fabre qui en a présenté plusieurs mesures phares. Parmi elles, l'accès à l'apprentissage jusqu'à 29 ans et la possibilité d'intégrer à n'importe quelle période de l'année la formation permettent l'assouplissement à l'entrée. La rupture de contrat est aussi facilitée en ne demandant pas le passage par les prud'hommes pour chaque situation. Le mode de financement des contrats a également changé passant du modèle forfaitaire géré par la collectivité régionale à un financement par contrat géré par les organismes paritaires de compétences (Opco). « On évite ainsi les déficits dans les centres de formation et on est sûr que l'argent destiné à l'apprentissage y va bien », explique Catherine Fabre.

Incertitude pour la rentrée

Le projet motive les troupes, convaincues des débouchés professionnels apportés par l'apprentissage. Malgré tout, selon Jean-Claude Darlet, président de la chambre d'agriculture de l'Isère, il y a quelques trous dans la raquette. Actuellement, c'est la région qui gère les financements au forfait pour chaque centre de formation jusqu'à décembre. Ensuite, ce sera au tour des organismes de compétences (Opco) de chaque filière de prendre les choses en main pour gérer les financements au contrat. « Aujourd'hui, les contrats d'apprentissage sont gérés par les chambres consulaires par délégation régionale jusqu'à fin 2019 mais pour 2020 je ne sais pas ce que va devenir le service dédié à l'apprentissage ». Même constat pour Philippe Tiersen, président de la chambre des métiers et de l'artisanat.
Du côté des centres de formation, l'incertitude est également de mise. « Pour la rentrée 2019, je ne sais pas comment ça va se passer. J'ai des contrats à faire signer maintenant pour deux ou trois ans mais je ne sais pas comment cela va être financé », explique Fanny Poirier, directrice du centre de formation professionnelle et promotion agricole (Cfppa) de La Côte-Saint-André. Sans tarifs, les centres de formation ont fait part de leurs difficultés à rassurer les entreprises.
Jean-Claude Darlet craint également pour l'avenir de certains centres de formation : « Avec le financement au contrat, certains CFA risquent de se retrouver avec peu de contrats et devoir fermer alors que les besoins de la filière professionnelle sont faibles, mais bien présents ».

Payer la facture

Pour les collectivités territoriales employeurs publics, c'est aussi compliqué : en Auvergne-Rhône-Alpes, le conseil régional finançait les contrats des collectivités et s'occupait de la gestion des effectifs. La Région n'étant plus responsable, les collectivités territoriales vont devoir financer la formation de leurs apprentis. « Dans les collectivités, il n'y a pas vraiment de service dédié à l'apprentissage, donc il faut déjà savoir à qui s'adresser », explique une gestionnaire d'établissement. Certains craignent la fermeture des classes. La phase de transition s'annonce délicate mais ce sera aux Opco de se réunir et d'organiser les acteurs de chaque filière car en plus de la gestion des contrats, ils ont aussi voix au chapitre sur les programmes d'apprentissage. « Il faut que les compétences soient en accord avec les besoins des entreprises », confirme la rapporteuse de la loi.
Pour être raccord aux besoins, c'est pas gagné. La loi supprime les aides à destination du niveau BTS. « 35% des apprentis viennent du niveau BTS en agriculture, précise Jean-Claude Darlet, et ce sont eux qui deviendront peut-être de futurs chefs d'exploitations et assureront le renouvellement des générations ». Pour plusieurs gestionnaires d'établissement, les BTS représentent une quantité non négligeable de leurs apprentis en fonction des demandes spécifiques des entreprises. « Les demandes décollent assez vite après le bac. La difficulté de la filière apprentissage se trouve au niveau bac et infrabac. On doit répondre aux 1,3 million de jeunes sans emploi et sans formation. Or, le budget n'est pas infini », explique Catherine Fabre. « Et tous les emplois ne demandent pas forcément ce niveau scolaire dans une entreprise », précise Monique Limon. Il existe une aide aux tuteurs possible mais celle-ci devra être déterminée par les Opco.

Amener les jeunes au BAC

Le chaînon manquant pour faire connaître l'apprentissage et limiter les ruptures de contrat ensuite serait la découverte des métiers, et surtout l'orientation selon les deux députées présentes. « Actuellement, l'orientation est prescrite en fonction du bulletin de notes et sur des matières qui sont différentes des métier qu'ils feront plus tard. Cela n'a rien à voir avec leur envie », explique Catherine Fabre. Pour la députée, la France manque d'une culture métiers. La loi comprend donc davantage de stages, plus tôt pour faire découvrir les compétences et les métiers aux jeunes. « Ce ne sont pas les établissements scolaires qui freinent la filière apprentissage, c'est juste qu'à 15 ans, le jeune ne sait pas ce qu'il veut faire », explique le proviseur du collège Jacques Brel à Beaurepaire. Et si par chance le duo est trouvé, le contrat engagé, il reste un frein. « L'enfant, mineur, n'a parfois par les moyens de se rendre dans son lieu de travail car il n'y a pas de bus ou de transport. C'est un crève-cœur pour tous », déplore Catherine Aubert, la principale du collège Marcel Mariotte à Saint-Siméon-de-Bressieux. « C'est vrai que les administrations sont très bien desservies, mais les lieux de formations et les pôles économiques sont parfois oubliés des transports du quotidien », confirme Catherine Fabre. « Une aide est prévue au permis de conduire dans la loi mais pour les mineurs c'est plus compliqué... on va le faire remonter pour la loi sur la mobilité ».

Virginie Montmartin