Blocage de l’A43
Les agriculteurs installés à Coiranne sont partis
Ils n’avaient pas très envie de partir, mais contraints par la levée générale des blocages, les manifestants présents sur le site de Coiranne ont aussi quitté les lieux vendredi 2 février.
Quand ils ont commencé à bloquer l’A43 vendredi 26 janvier au niveau de Coiranne, entre Grenoble et Lyon, les agriculteurs ne pensaient pas être aussi nombreux. Une semaine après, ils sont toujours sur place et ils reconnaissent qu’ils n’auraient jamais imaginé rester aussi longtemps. Mais en ce vendredi 2 février, il est temps de partir, les représentants nationaux de tous les syndicats l’ont validé.
Pour autant, la levée du blocage n’a pas fait l’unanimité. Certains seraient bien restés. Les annonces du Premier ministre, Gabriel Attal, n’ont pas encore vraiment convaincues.
« Ce sont des mesurettes qu’on nous promet pour nous faire partir », évoque Sébastien Pérouze, l’un des leaders du site.
« Beaucoup sont déçus en effet. Ils estiment que si les mesures concrètes arrivent dans six mois, ce sera trop tard », déclare Adrien Muet, un des agriculteurs à l’origine du blocage.
Pour André Coppard, très investi aussi sur le barrage, sa levée laisse un sentiment un peu amer. « C’est dommage. Mais le mouvement a permis de faire prendre conscience au gouvernement, à la population, l’importance de l’agriculture. Il y a encore de quoi faire, mais ces manifestations ont donné lieu à des avancées. Il faut prendre le temps d’analyser tout ça et de voir ce que les rencontres avec les préfets vont encore permettre », estime-t-il.
« C’est grave »
La veille, à midi, ils étaient encore plus de 100 à s’être retrouvés pour écouter les nouvelles annonces. Les jeunes installés qui se posent des questions sur leur avenir, côtoient les pères de familles qui s’interrogent, eux, sur celui de leurs jeunes enfants, déjà contaminés par le virus de l’agriculture.
Installé à Saint-Agnin-sur-Bion, Sébastien Loup est venu avec ses deux aînés, Benoît, 13 ans, et Remy, 11 ans. « On est venu pour défendre nos intérêts et ceux de nos enfants. Je suis associé avec ma femme. Notre exploitation fonctionne, mais nous ne pouvons pas embaucher des salariés qui nous permettraient de prendre quelques jours de vacances. Mes enfants ne sont jamais allés au ski. En trois ans, nous avons pris trois jours de vacances. On aime notre métier mais on ne veut plus vivre uniquement pour lui. Est-ce qu’on aide nos enfants à marcher dans nos pas ? Ou est-ce qu’on les encourage à aller dans une autre voie ? », résume ainsi l’agriculteur.
Au milieu des manifestants, il y avait aussi des agriculteurs plus âgés et même des retraités, qui de toute leur carrière « n’avaient jamais vu une telle manifestation ». « C’est grave. Nous, ça allait encore. Mais eux, ils travaillent pour presque rien », s’alarment ainsi Martial Cécillon et René Cotte, anciens exploitants à Vignieu.
Dans un coin du rassemblement, Gilles Drevet, Frédéric Verger et Anthony Martin, trois agriculteurs de Saint-Chef, discutent avec le maire de leur commune, Alexandre Drogoz. Ils lui expliquent que leurs produits sont vendus au même prix qu’il y a 25 ans. « Quels produits à part les produits agricoles, sont vendus au même prix qu’il y a 25 ans », s’interrogent-ils.
Malaise agricole
La manifestation a aussi attiré plusieurs élus, venus apporter leur soutien au monde agricole. Le président de la Capi, Jean Papadopoulo, est venu à plusieurs reprises échanger avec les agriculteurs. « J’ai le sentiment que durant de nombreuses années, l’agriculture était le fondement de la société française, mais qu’à l’heure actuelle, elle n’est plus que l’auxiliaire d’un système qui ne la comprend plus », estime-t-il. Plus concrètement, il avance qu’« il faudrait que le préfet soit le seul interlocuteur de l’organisation étatique ».
Si les agriculteurs avouent être déçus, résignés, ils éprouvent tout de même beaucoup de reconnaissance pour tous ceux qui les ont soutenus et ils se réjouissent de l’engouement qu’ils ont suscité auprès de la population, de toutes les marques de sympathie dont ils ont bénéficié, de tous les dons qu’ils ont reçus aussi. « Il y a eu une vraie prise de conscience du malaise agricole. Nous nous sommes vraiment sentis soutenus », estiment-ils. Si ce n’est clairement pas suffisant, c’est déjà une première étape.
Isabelle Brenguier