Alpages
Sécheresse au sommet

Morgane Poulet
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La journée des alpagistes, organisée le 9 août par la Fédération des alpages de l’Isère au Charmant Som, a été l’occasion de revenir sur les conditions de travail difficiles des salariés.

Sécheresse au sommet
Olivier Bastien est le responsable de l'alpage du Charmant Som.

La Fédération des alpages de l’Isère (FAI) a cette année choisi l’alpage du Charmant Som comme lieu de rendez-vous de la journée des alpagistes, et ce pour une bonne raison : il s’agit du dernier alpage laitier du département dans lequel sont produits en direct de la tomme ainsi que du sérac.
Quatre éleveurs y travaillent tout l’été, pour un total de trois cheptels. En tout, 70 vaches et 50 à 60 génisses paissent sur 250 hectares d’alpages. L’emplacement, de plus en plus touristique, permet aux éleveurs de vendre jusqu’à 80% de leur production sur place.
Olivier Bastien, l’éleveur responsable de l’alpage, travaille au Charmant Som depuis 1992. Il explique que d’importants travaux de mise aux normes de la fromagerie ont été réalisés depuis son arrivée.
En tout, 500 000 euros ont été investis pour l’équipement des locaux en eau, mais également pour l’aménagement de la grange et de la salle de traite.
 
Un climat sec
 
Si dans toute la France, la sécheresse est omniprésente, les sommets du Charmant Som ne font pas figure d’exception. Il faut donc que les éleveurs s’adaptent, cet été comme depuis quelques années.
« Nous devons faire monter les vaches entre le 1er et le 10 juin », explique Olivier Bastien. Puis « l’alpage se décharge à partir de la fin du mois d’août et jusqu’à début octobre. Avec le changement climatique, nous sommes obligés de monter plus tôt car le 15 juin, l’herbe est déjà haute. »
Comme ailleurs, l’alimentation en eau est de plus en plus difficile. D’autant plus que cette année, les animaux consomment plus d’aliments secs qu’auparavant, ce qui les fait plus boire. « Et ils ne peuvent pas boire de rosée car il n’y en a pas en raison de la chaleur et de la sécheresse », remarquent les bergers présents.
En moyenne, il faut donc fournir trois litres d’eau par jour et par brebis, au moins dix fois plus pour un bovin. « La FAI devrait mieux anticiper cette question d’alimentation en eau, trouver des solutions pour répondre aux problèmes », constate Bruno Caraguel, directeur de la FAI.
« La massification des chantiers peut justement permettre d’alléger les coûts et de traiter plus de dossiers », précise Fabien Mulyk, vice-président du Conseil départemental en charge de l'agriculture, surtout lorsque l’on sait que « le transport d’eau par citerne n’est pas viable, économiquement parlant ».
 
Une nécessaire adaptation
 
Des sources de surface sont pourtant présentes dans les environs de l’alpage, mais elles sont « de mauvaise qualité », explique Olivier Bastien, car les vaches s’y abreuvent.
En 1998, la source des Sept bassins, en aval, a donc été captée et rendue potable pour servir à tous les usages de la fromagerie. « Elle n’est jamais à sec, précise Olivier Bastien, et nous utilisons environ 1,5 km de tuyaux pour la prélever. »
Jusqu’à il y a une dizaine d’années, la source suffisait pour l’abreuvement des troupeaux, mais, depuis une dizaine d’années, la quantité d’eau vient à manquer. « Il devenait nécessaire de trouver une autre source d’eau », ajoute l’alpagiste.
Les éleveurs ont donc dû se servir directement au Col de Porte, situé à quelques kilomètres de là.
Mais afin de trouver une solution durable pour alimenter l’alpage et la fromagerie en eau, Sylvain Turc, berger du Sénépy depuis 30 ans, a étudié le système de rétention d’eau du Charmant Som. Une retenue d’eau pouvant contenir 250 m3 d’eau a ainsi été installée. Elle s’alimentera grâce à une source en contrebas qui « se gonfle énormément lorsqu’il pleut et au moment de la fonte des neiges », explique le berger.
Le captage se fera uniquement lors de la traite, quand les capteurs constateront qu’il y a suffisamment d’eau disponible.
Ils détermineront également si le débit est suffisant, ou alors trop rapide, et le gèreront.
Un système de circulateur avec panneau solaire de 12 volts a aussi été installé afin de faire fonctionner la pompe d’alimentation en cas de tarissement de la source.

Morgane Poulet

L'embauche se tarit

La situation reste tout de même difficile dans les alpages, notamment pour les bergers, qui ont plus de travail à faire pour gérer les différents points d’eau. « Et nous avons beaucoup de mal à embaucher des bergers », explique Bruno Caraguel, « et pas seulement à cause de la difficulté du travail à faire, mais aussi et surtout parce que les conditions de travail deviennent très dures ».
Olivier Bastien confirme que même grâce aux aides et aux subventions reçues pour embaucher de la main-d’œuvre, il reste difficile de trouver des salariés.
En raison de la sécheresse, deux héliportages de bergers en difficulté ont eu lieu, cette année.
L’un d’eux a été admis aux urgences dans un « état second », précise le directeur de la FAI. Après analyse, il s’est avéré que cela était dû à l’escherichia coli, sans pour autant savoir si la bactérie était apparue dans la nourriture ou dans l’eau.
Bruno Caraguel rappelle néanmoins l’importance d’alerter les salariés et les responsables d’alpage sur la nécessité de faire attention au matériel qu’ils utilisent pour transporter l’eau, car des bactéries peuvent facilement se développer.
100 litres d’eau potable sont indiqués par personne, par jour et pour tous usages dans les alpages, mais en réalité, il n’est pas possible de fournir cette quantité-là car elle ne peut pas être transportée. 
Denis Rebreyand, le président de la FAI, rappelle que les bergers doivent tout de même bénéficier de suffisamment d’eau. « Il faut s’assurer qu’ils aient au moins 5 litres d’eau par jour.»

Une retenue pouvant contenir jusqu'à 250m3 d'eau a été installée au Charmant Som. Il ne reste plus qu'à pleuvoir.