Fromage
« Rester optimiste »

Morgane Poulet
-

Le 26 mars, le C2MF a tenu son assemblée générale à Chatte et a dressé un constat en demi-teinte pour le saint-marcellin IGP et le saint-félicien.

« Rester optimiste »
Le C2MF s'est réuni le 26 mars à Chatte en assemblée générale.

L’année 2023, fortement marquée par l’inflation, n’a pas épargné le saint-marcellin IGP et le saint-félicien. Au cours de son assemblée générale, tenue à Chatte le 26 mars, le C2MF est revenu sur l’année écoulée. Entre difficultés rencontrées et optimisme pour la suite, 2024 devrait être dynamique en termes
 
L’inflation en cause
 
En raison de l’inflation, le fromage emblématique du territoire saint-marcellinois a moins été vendu, en 2023. Même constat pour le saint-félicien. « Même si l’année commençait bien, elle a connu une diminution des ventes à partir du mois de juin, avec un net décrochage à partir de septembre par rapport à 2022 », explique Sylvie Colombier, chargée de mission pour le C2MF.
Un peu moins de 43 millions de litres de lait ont été collectés en 2023 par les fromageries (fabrication laitière, hors fermiers) pour fabriquer le saint-marcellin et le saint-félicien, contre un peu plus de 44 millions en 2022. La collecte a donc ralenti de 3 % par rapport à 2022, alors qu’elle était plutôt stable ces dernières années.
Les ventes ont aussi connu une décroissance, cette fois de 3,5 % : 2 742 tonnes de saint-marcellin ont été vendues en 2023 contre 2 841 tonnes en 2022. Même constat côté saint-félicien : dès le mois de juillet, une baisse des ventes est enregistrée. Pour autant, Bruno Neyroud, président du C2MF, souhaite « rester optimiste ».
 
Faire évoluer les fromages
 
Pour Roseline Izquierdo, qui travaille avec le C2MF, « le public est en demande de découvrir les fromages du territoire, c’est pourquoi il faudrait maintenir des visites d’exploitation, d’autant plus qu’il y a une méconnaissance de la filière fromagère ». Ce projet de découverte et de visites est en cours. Elle ajoute « chercher un local facilement accessible, en ville ou pas », pour accueillir une sorte d’espace muséographique fixe. Tout au long de l’année, différents événements, dont de nombreuses visites d’exploitation, auront ainsi lieu en Isère, notamment pour fêter les dix ans de l’obtention de l’IGP pour le saint-marcellin.
Il est également question de parvenir à protéger le saint-félicien. En septembre 2023, un dossier a été déposé auprès de l’Inao pour demander sa reconnaissance en IGP, en même temps qu’un dossier était déposé par l’Association de défense du caillé doux de saint-félicien (Ardèche) pour demander sa reconnaissance en AOP. « L’Inao nous a proposé de regrouper nos démarches et de nous associer pour créer une IGP ou bien de déposer nos demandes auprès de la Commission européenne, ce qui supposerait une évolution du nom ‘saint-félicien’. Nous penchons pour la première option mais l’association ardéchoise n’est pas du même avis, nous sommes donc pour l’instant dans l’attente », précise Bruno Neyroud.

Morgane Poulet

Dix ans et 80 grammes

L’année 2024 marque les dix ans de l’IGP saint-marcellin. Retour sur ce petit fromage emblématique du territoire du Sud-Grésivaudan.

En 2024, l’IGP saint-marcellin fête ses dix ans. Pour mettre en lumière cette décennie de protection par une Indication géographique protégée, le Comité du saint-marcellin et du saint-félicien (C2MF) a organisé en janvier, à Saint-Marcellin, des échanges sur l’histoire de ce fromage.
 
Une longue histoire
 
« Il était important de protéger le saint-marcellin, nous ne voulions plus le voir fabriqué ailleurs car il appartient à notre patrimoine local », explique Bruno Neyroud, président du C2MF. Jusque dans les années 1990, notamment, ce petit fromage de 80 grammes n’était pas seulement transformé dans la zone actuelle de l’IGP, mais il l’était aussi en Vendée ou encore dans le Rhône, essentiellement à Tarare.
 
Un tournant
 
Il y a dix ans, le saint-marcellin entrait dans la famille des IGP. Sa zone concerne 274 communes. Les animaux élevés doivent obligatoirement pâturer pendant au moins 180 jours dans ce secteur. Plus de 50 % de leur consommation annuelle doit être de l’herbe, et en hiver, 15 % de leur ration doit être constituée de foin. 80 % de la matière sèche de leurs aliments doivent être issus de la zone de l’IGP, « mais dans les faits, nous approchons plutôt les 90 % », explique Bruno Neyroud, président de l’IGP saint-marcellin.
Si aucune race n’est définie, 80 % des effectifs sont constitués par les montbéliardes. Selon Bruno Neyroud, le choix a été « un peu imposé, dans le sens où à l’époque où nous avons monté l’IGP, il y avait un resserrement des exigences par l’Inao, qui n’acceptait alors plus que les AOP soient faites avec du lait en partie thermisé ». Les producteurs de saint-marcellin ne souhaitant pas « se priver de produire en cas de risque sanitaire », l’IGP a été retenue.
 
Dans l’air du temps
 
Des études ont été menées depuis les débuts de l’IGP. Elles ont permis de voir que le saint-marcellin était consommé à plus de 80 % dans l’ancienne région Rhône-Alpes et à Lyon, en plus du secteur historique de fabrication du saint-marcellin. « Lorsque nous avons voulu exporter ce produit, nous nous sommes aperçus qu’il y avait une perte de volume dans les plateaux de fromage », précise Bruno Neyroud.
Une grande différence apparaissait en effet selon les fêtes, Noël et Pâques représentant les pics d’achat de ce fromage. « S’il y a encore quelques années, les restaurateurs achetaient du fromage en quantité relativement importante, cela diminue de plus en plus, car ça leur demande du temps, il y a des déchets… », ajoute-t-il. Dans les familles, les repas de fin d’année représentent un pic d’achat de fromages, selon lui.
Pour remédier à cela, « il faut innover, comme d’autres produits fromagers l’ont fait. Ils ont su créer des recettes pour se mettre en avant ». La marcelline a ainsi été créée en 1999 et est aujourd’hui réalisée par un seul fabriquant. Le plat isérois nouvellement créé, la tourte iséroise, est aussi composée de saint-marcellin. Pour Bruno Neyroud, « c’est grâce à ce type de démarche que l’on s’aperçoit que les habitudes évoluent, car auparavant, le fromage n’était pas mêlé aux plats. C’est une façon de montrer le dynamisme et l’adaptation du produit ».

MP