Economie
La montagne face à la prédation

Isabelle Doucet
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Conditions des bergers, statut du chien de protection et du loup, partage des espaces : la multiplication des moyens de protection pour faire face à la prédation perturbe profondément la pratique du pastoralisme.

La montagne face à la prédation
Denis Rebreyend, président de la FAI, à gauche d'Arnaud Rousseau, développe les difficultés du pastoralisme face à la prédation. Photo : ID TD

Jeudi 1er août, la rencontre en Belledonne avec Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, était fortement marquée par la question de l’économie agricole montagnarde.
Bouleversée dans ses pratiques, interrogée par la société, l’activité pastorale est un sujet sensible. À la manœuvre, la Fédération des alpages de l’Isère travaille avec les professionnels et notamment la FDSEA de l’Isère, représentant des employeurs.
Car les bergers et aides bergers n’ont jamais été aussi nombreux dans les alpages - besoin de protection contre le loup oblige - et font valoir, via leur syndicat de salariés, un certain nombre de revendications.
« Nous souhaitons mettre de l’huile dans les rouages », a déclaré Jérôme Crozat, le président de la FDSEA, au sujet des négociations.
« Les alpages, c’est de l’économie avant tout », lance Denis Rebreyend, le président de la FAI.
Il souligne que « de gros efforts sont faits par les communes en matière de logements » pour les bergers. La fédération est toujours en recherche de financements pour améliorer ces hébergements, notamment les cabanes secondaires auxquelles les bergers ont de plus en plus recours en raison de la prédation.
Il indique aussi qu’à l’origine, ces logements n’étaient pas prévus pour autant de personnes qu’aujourd’hui en impose la protection des troupeaux.
La FAI, c’est aussi « un gros travail de médiation car des situations peuvent être difficiles à gérer dans certains massifs en raison de la présence de meutes de chiens de protection », leur effectif étant lui aussi une réponse à celui du loup.
Les incidents se multiplient avec les chiens en montagne « ce qui fait peser une chape sur notre activité », estime encore Denis Rebreyend qui reprend l’expression « patous fonctionnaires ».


Les patous font partie des moyens de protections imposés aux éleveurs pour faire face à la prédation.

Il s’inquiète du comportement de « l’Administration qui s’est dotée de moyens humains pour travailler sur les chiens mordeurs » et dénonce « une vision très descendante et très froide » des contrôles « qui ne passe pas. On va avoir de vrais soucis », appréhende-t-il.
Puis il insiste « sur les effets induits de la prédation ». « Le but n’est pas de faire bouffer nos bêtes par le loup. C’est une atteinte profonde que nous subissons. »
Il ajoute que la prédation s’étend désormais aux bovins, une espèce non protégeable en dépit d’essais... peu concluants. « Ce qui modifie totalement le type d’élevage de nos territoires ».

Changement de statut

« 70 millions d’euros par an, c’est ce que coûte le loup à la Nation », appuie Arnaud Rousseau qui dénonce « une pression psychologique absolument effroyable » sur les éleveurs.
Le loup est « un sujet humain et de production », reprend-il, décrivant une réalité où « le loup n’est plus sous contrôle ».
Il fait valoir les avancées européennes pour le rétrograder du statut d’espèce « strictement protégée », à « protégée » (convention de Berne).
« Nous nous inscrivons dans un État de droit, mais si l’État ne fait pas ce qu’il faut, les gens font le boulot tout seul et ce n’est pas ce que nous voulons. »

Se protéger, essuyer des attaques, s’en remettre, faire face aux tracasseries administratives : « nous avons de l’énergie pour le faire, mais pendant combien de temps ? Cela pose la question de la pérennité des exploitations », interroge pour sa part Sylvain Thilly, maire du Haut-Bréda et éleveur ovin, qui recevait les agriculteurs dans la station du Pleynet.
Hubert Avril, référent faune sauvage à la FDSEA de l’Isère, constate que « le loup est partout et touche tout le monde. C’est une remise en cause forte de l’élevage ».
« Les alpages sont un outil économique. Quand les espaces se referment et à la fin, ça brûle », ponctue de son côté Arnaud Rousseau.
Isabelle Doucet