Énergies renouvelables
Vers du foncier agricole renouvelable

Morgane Poulet
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Le 6 décembre, l’Ofpi organisait une visioconférence pour présenter des données liées au foncier agricole.

Vers du foncier agricole renouvelable
Chaque année, en Isère, un peu plus de 900 ha de terres sont soustraits de leur fonction agricole primaire, ce qui peut mettre l’activité agricole en péril.

Afin de sensibiliser le plus de personnes possible aux problématiques liées au foncier agricole, l’Ofpi (Observatoire foncier partenarial de l’Isère) organisait le 6 décembre une visioconférence. Les énergies renouvelables ont été le thème central des discussions.
 
Consommation potentielle
 
La consommation potentielle de foncier agricole peut être masquée, rappelle l’Ofpi, car au moment d’une vente ou de l’achat par un particulier d’une résidence ou de terrain non-bâti d’un bien ayant un usage agricole, il est possible qu’il y ait un risque que l’usage agricole ne perdure pas dans le temps. Il n’y a en effet pas de certitude que le nouvel acquéreur mette en place un bail rural auprès d’un exploitant agricole.
C’est pourquoi des cahiers des charges sont mis en place et encadrent les ventes. Des engagements sont donc pris par les nouveaux acquéreurs par la signature d’un contrat, comme l’obligation à conserver le rôle agricole d’un terrain pour un minimum de 15 ans.
Aujourd’hui, le marché du foncier est particulièrement dynamique, avec une augmentation régulière du nombre de ventes et des superficies vendues.
 
Développer le renouvelable
 
Depuis cinq ans, le Cetiac (Compensation et études d’impact agricole conseil) travaille au développement de projets portant sur les énergies renouvelables et le foncier agricole. Margot Vanrenterghem, ingénieure agronome au Cetiac, précise qu’aujourd’hui, en France, « les projets photovoltaïques sont soumis à des études préalables » et que sur l’ensemble des projets, « environ la moitié sont ciblés sur le photovoltaïque au sol ».
Or, des problèmes posés par le photovoltaïque ont été relevés par la structure : un nombre très important de développeurs s’est emparé du sujet, ce qui rend le traitement des informations plus difficile, et le Cetiac a accompagné 185 projets représentant en tout 4 000 ha mais en a observé 350 autres. « Le souci est que 100% des développeurs qui prônent faire de l’agrivoltaïsme ont finalement des ambitions différentes nettement visibles », explique Margot Vanrenterghem.
Du côté de la région Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), 75% des projets sont concentrés dans l’Allier, qui fait ainsi partie des trois premiers départements français en termes de projets photovoltaïques. En Isère, de premiers projets sont en cours et une augmentation devrait avoir lieu. En tout, dans la région Aura, des projets à hauteur de plus de 1 500 ha de terrain sont en cours de développement.
 
Différentes visions
 
Et le développement du photovoltaïque dans la région se décompose en quatre catégories principales : les centrales au sol, souvent dans des élevages d’ovins ; les ombrières fixes, souvent dans des élevages de bovins ; les ombrières mobiles, souvent dans des domaines arboricoles ou viticoles ; les serres, notamment en maraîchage.
Et pour que les projets photovoltaïques soient menés à leur terme dans les exploitations, des moyens ont été mis en place, car aujourd’hui, un projet sur deux est abandonné au stade de l’audit par manque d’intérêt bénéfique pour le terrain agricole. Un système d’audit permet ainsi aux développeurs de projet d’accompagner l’exploitant sur le terrain afin de réaliser l’étude la plus précise possible.
Mais pour certains, comme Alain Pajon, responsable du groupement mutuel de Chartreuse, une difficulté peut tout de même subsister : « le temps n’est pas le même dans les projets agricoles et photovoltaïques ». Selon lui, une activité agricole n’est pas assurée d’être pérenne et il est plus certain que la structure photovoltaïque reste trente ans sur place que l’activité agricole en elle-même. « Un agriculteur ne se projette pas forcément à dix ou à vingt ans, surtout s’il est proche de la retraite », ajoute-t-il.
 
Mais une demande forte
 
Pour autant, la demande de photovoltaïque se fait de plus en plus importante en Isère. « Face à ce constat de développement des demandes, nous constatons une volonté de la profession agricole d’adopter une doctrine régionale », explique Camille Grassies, de la Chambre d’agriculture de l’Isère.
Et d’ajouter que d’ici 2030, il pourrait y avoir l’équivalent de 6,5 gigawatts installés dans le département sous forme de panneaux photovoltaïques, soit une énergie supérieure à six fois la puissance installée aujourd’hui. Chaque année, un peu plus de 900 ha de terres sont soustraits de leur fonction agricole primaire, ce qui peut mettre l’activité agricole en péril.
Pour lutter contre cela, la profession s’est donc dotée d’une doctrine régionale en plusieurs points, comme la surveillance de l’anticipation des projets photovoltaïques. La Chambre d’agriculture de l’Isère s’est d’ailleurs positionnée pour décliner des objectifs régionaux.
En Isère, un important travail de prospection des friches a d’ailleurs lieu avec la Safer pour évaluer la capacité de ces terrains à pouvoir recevoir des centrales photovoltaïques au sol. « Pour nous, l’activité électrique doit apporter une plus-value à l’activité agricole, elle ne doit pas détruire des surfaces alimentaires, qui doivent continuer d’assurer leur fonction nourricière », relève Camille Grassies.
C’est ce que confirme Antoine Boulleau, chef de projet à la Safer Aura. Après avoir cartographié le foncier agricole à l’échelle départementale à l’été et à l’automne 2021, la Safer Aura souhaite réaliser des visites de terrains complémentaires sur des gisements pré-ciblés pour définir au mieux les parcelles permettant le maintien d’une activité agricole tout en menant à son terme un projet photovoltaïque.

Morgane Poulet