Emploi
Des employeurs de main-d'œuvre plus sereins

Morgane Poulet
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Lors d’une rencontre avec ses adhérents, Agri Emploi 38 veut détecter les besoins des agriculteurs vis-à-vis du salariat afin qu’ils puissent recourir à de la main-d'œuvre plus sereinement.

Des employeurs de main-d'œuvre plus sereins
Une quinzaine d'adhérents d'Agri Emploi 38 s'est réunie pour faire part de ses besoins et de ses difficultés à travailler avec des salariés.

« Nous sommes là pour vous écouter, pour entendre vos besoins, mais nous ne dirons rien », a annoncé Gabrielle Rossi, directrice d’Agri Emploi 38. Au cours d’une rencontre organisée avec ses exploitants adhérents, le 18 janvier à l’abattoir de Grenoble (Abag), Agri Emploi 38 a demandé aux exploitants de s’exprimer quant à leurs éventuelles difficultés vis-à-vis du salariat.
Sur les 105 chefs d'exploitation du groupement d’employeur, une quinzaine s’est déplacée pour ce premier rendez-vous entre exploitants.
 
Besoins ponctuels
 
Les échanges entre agriculteurs font ressortir des besoins communs qui varient essentiellement en fonction des saisons. En arboriculture, en grandes cultures et en maraîchage, les périodes de récolte nécessitent des besoins accrus en personnel. Et il est important pour les exploitants de donner envie aux salariés de revenir l’année suivante, notamment « en étant humain avec eux, en leur montrant un métier qu’on aime », constatent certains chefs d'entreprise.
D’autres relèvent qu’il s’agit aussi pour eux de surcharges de travail ponctuelles et qu’il peut être difficile de trouver un salarié rapidement. C’est notamment le cas lorsque les cultures doivent être irriguées ou qu’il y a des travaux d’innovation dans l’exploitation.
Autre cas de figure, les absences imprévues : accident ou encore maladie. « Il faut pouvoir créer un nouveau poste relativement rapidement. » Et lorsqu’un salarié est déjà présent dans l’exploitation, « il faut qu’il ait certaines capacités d’adaptation s’il se retrouve seul », remarquent des agriculteurs.
 
Améliorer le bien-être
 
Les exploitants relèvent avant tout certains problèmes pour conserver leurs salariés agricoles. Raphaël Jourdan (vérifier prénom), agriculteur à Murinais, explique embaucher un berger d’avril à novembre depuis environ huit ans. « Le travail est payé environ 2 000 euros net par mois, mais il faut réussir à trouver quelqu’un qui soit prêt à travailler le samedi et le dimanche de manière quasi-continue », constate-t-il.
Pour Alexandre Escoffier, nuciculteur à Beaulieu et élu à la Chambre d’agriculture de l’Isère, « l’éloignement du lieu de vie du salarié de son lieu de travail peut s’avérer compliqué, car plus le salarié est loin, plus c’est difficile pour lui de gérer sa vie personnelle et cela ne pousse pas à chercher du travail loin ». D’autant plus que les contrats précaires – ceux à courte durée et avec des salaires relativement bas – « ne donnent pas envie, mais un exploitant ne peut pas forcément se permettre de payer plus que ce qu’il propose ».
« En maraîchage, les intempéries constituent une difficulté, dans le sens où le travail est plus dur à faire, moins agréable, et où la mécanisation n’est pas assez développée pour faire face aux sols mouillés, aux terrains glissants… », ajoute Nathalie Faure, présidente d’Agri Emploi 38 et agricultrice à Saint-Blaise-du-Buis. Des conditions parfois compliquées qui, en plus, ne permettent pas de gérer les journées avec précision, notamment en ce qui concerne les horaires.
 
Personnel qualifié
 
D’autant plus que trouver des salariés ayant déjà des compétences est parfois difficile. Les exploitants expliquent que l’afflux de main-d’œuvre étrangère est une réponse « au manque de main-d’œuvre que nous connaissons dans le département ». Tout comme les formations ponctuelles qui peuvent être proposées aux salariés « en guise de complément, par exemple, la Chambre d’agriculture de l’Isère en organise, et les contrats d’apprentissage sont bénéfiques à tous », relève Nathalie Faure.
Les emplois partagés pourraient constituer « l’avenir du salariat agricole », pour certains agriculteurss. En effet, travailler dans plusieurs exploitations à la fois permettrait à un salarié de gagner en savoir-faire et en connaissances, mais aussi de créer un lien entre agriculteurs. « A condition que le salarié travaille dans un petit rayon d’exploitations », précisent-ils. Et cela permettrait de diversifier les tâches, car même si elles sont généralement variées dans une ferme, passer d’un élevage à de la grande culture engendre plus de disparités.
 
Fidéliser la main-d’œuvre
 
Pour les exploitants adhérents, différentes causes peuvent tout de même constituer un obstacle pour conserver les mêmes salariés dans leur ferme.
Certaines saisons sont aussi plus propices à une forte activité, ce qui contraint les équipes à dépasser le temps légal de travail. « On arrive à une dualité entre ce qui est légal et les besoins, par exemple, pendant l’Aïd, la préfecture nous demande de faire plus d’heures, mais si nous ne sommes pas plus nombreux, nous sommes bloqués par la règlementation fixée à 12 heures de travail par jour », remarquent certains.
Le matériel parfois inadapté, souvent par raisons financières, « peut refroidir un salarié qui a plus de mal à faire un travail, qui met plus de temps, que si le matériel était fait pour ce qu’il a à faire », relèvent d’autres. Lorsque l’ergonomie des postes de travail n’est pas non plus optimale, les risques de blessures augmentent, ce qui a également du mal à convaincre un même salarié de rester longtemps dans l’exploitation.
Le dialogue est aussi très important pour eux. « C’est grâce à lui que nous créons un lien et que nous faisons comprendre au salarié qu’il est considéré, et là, il s’implique plus », relèvent certains.
« Et si l’on fait faire au salarié ce que l’on ne voudrait pas faire faire à son enfant, c’est-à-dire ce qu’il y a de moins ragoûtant dans l’exploitation, il ne faut pas s’étonner qu’il ne revienne pas », constatent des chefs d'exploitation. Et cela est d’autant plus vrai lorsque la règlementation est mal connue des exploitants, « qui donnent alors du travail à faire à une seule personne au lieu de plusieurs ».

Morgane Poulet