Prix de l'Excellence agricole et rurale
« Une agriculture qui relève beaucoup de défis »

Isabelle Doucet
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Le Crédit agricole Sud Rhône Alpes est un partenaire de la première heure du PEAR. Son président, Jean-Pierre Gaillard, témoigne de son adhésion à cette initiative.

« Une agriculture qui relève beaucoup de défis »

Le Crédit agricole Sud Rhône Alpes est un fidèle partenaire du Prix de l’Excellence agricole et rurale. Que souhaitez-vous encourager à travers ce prix ?
Notre ADN est d’être proches de ce que fait l’agriculture, à travers des initiatives portées par les agriculteurs. Cet événement, organisé par Terre Dauphinoise, nous convient car l’esprit du trophée nous correspond. Il met en valeur une agriculture qui relève beaucoup de défis. Le premier est de créer de la valeur pour dégager une rentabilité sur une activité agricole plutôt bousculée. Les incertitudes de marché, climatique, de consommation génèrent beaucoup d’interrogations. Il convient de trouver des voies pour sécuriser l’activité agricole sur le long terme.

Quelles sont ces voies ?
Cela passe par l’adaptation, comme ça a toujours été le cas en agriculture : trouver de nouveaux modèles de production, de choix culturaux, de diversification. Le volet commercialisation est un axe que soutient le Crédit agricole Sud Rhône Alpes, qui passe par la notion de circuits courts, de transformation, de recherche de nouveaux marchés. C’est une réflexion permanente, que nous menons avec les OPA pour soutenir ces initiatives. Il n’y a pas une seule agriculture et la finalité est de bien faire vivre les exploitations.

Mais l’agriculture a besoin de moyens ?
Les investissements sont très liés aux exploitants et nul n’a le droit de les contraindre vers un seul modèle. À eux de trouver leur chemin. Et quand il est question d’innovation, elle n’est pas que technologique, mais aussi de positionnement. Pour relever les défis agricoles, il y a de nombreuses initiatives individuelles, mais aussi des démarches portées par des organisations qui sont en capacité d’apporter un peu de sécurité. C’est le cas de la sécurisation des productions et de la gestion de l’eau, où il y a beaucoup de choses à faire en termes de pompages, de retenues, de stockage. Il y a des gens qui ont une vision. Mais la difficulté vient de l’inertie des grandes orientations et de la capacité d’adaptation dans un environnement sociétal qui n’est pas simple.

Quel est pour vous l’état d’esprit de la profession ?
Les agriculteurs sont inquiets pour beaucoup de raisons. C’est notamment l’érosion des marges avec le surcoût des matières premières qui les préoccupe. Les modèles les plus fragiles sont ceux qui ne sont pas autonomes, comme c’est le cas en élevage avec les exploitations qui n’ont pas d’autonomie fourragère ; le problème n’est pas tant de payer le foin, mais le fait qu’il n’y en a plus. La ferme France a atteint un niveau de production très bas. Le prix, ce n’est pas seulement une question d’euros, mais aussi d’acceptation sociétale et d’une approche globale qui inquiète.

Commencez-vous à voir des situations fragiles ?
Nous n’observons pas encore de montée du risque car on connaît la capacité de résilience des agriculteurs. Nous aurons prochainement une rencontre avec les OPA sur ce sujet. Par exemple, les options prises en agriculture biologique, notamment sur le lait qui est aujourd’hui payé moins cher en bio qu’en conventionnel méritent toute l’attention de la profession. Nous devons être attentifs à la façon dont va se passer la rentrée ; l’agriculture est une économie à part entière et nous devons voir comment accompagner les exploitations dans la maîtrise des charges.

Comment le Crédit agricole Sud Rhône Alpes peut-il accompagner les exploitations dans cette période d’incertitudes ?
Nous agissons en proximité et voulons être un partenaire de conseil dans l’anticipation. Nous observons une forte décapitalisation des troupeaux car il n’y a plus de stock et les prix de vente grimpent. C’est pourquoi il est important d’avoir une vision globale de l’agriculture et observer, production par production, ce que vont générer les difficultés avec quels impacts. Il en va du maintien des agriculteurs avec un niveau de prix acceptable pour les consommateurs, mais aussi du renouvellement des générations.

C’est dans ce contexte que se met en place l’assurance récolte.
Je suis un fervent défenseur de l’assurance récolte. Mais il convient de sécuriser un revenu en fonction de ce que l’on veut et de ce dont on a besoin. Or, aujourd’hui, on assure des volumes, comme c’est le cas en viticulture. C’est plutôt un chiffre d’affaires qu’il faudrait assurer. Le système est imparfait. Les assurances ne couvrent que des gens qui connaissent des calamités, donc les primes montent. En tant que banquier, nous installons des jeunes qui ont plusieurs centaines de milliers d’euros d’investissement, sans filet. C’est une prise de risque qui n’est en rien structurante pour l’avenir de la profession, qui a besoin de marchés sécurisés. Il y a des débats et des solutions sont possibles.
Propos recueillis par Isabelle Doucet