Méthanisation
Les six ont des couleurs

Isabelle Doucet
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En fonction depuis 18 mois, le méthaniseur Couleurs Métha des Avenières-Veyrins-Thuellin est porté par un collectif de six agriculteurs du Pays des couleurs.

Les six ont des couleurs

Aux Avenières, le méthaniseur agricole Couleurs Métha est entré en service au mois d’août 2022. Son inauguration, le 15 mars dernier, a été l’occasion de revenir sur ses 18 mois de fonctionnement.
Le collectif, composé de six exploitations et onze agriculteurs, portait le projet depuis 2018.
« C’est un petit projet agricole que nous avons mené avec Arkolia et GEG suite à l’abandon du projet de territoire d’Aoste », explique Bruno Gentil, de la SARL du Plateau et président de l’unité de méthanisation.

Le site Couleurs Métha aux Avenières ©ID_TD

Six fermes, trois en bovin lait, deux en bovin viande et une en céréales, situées dans un rayon de cinq kilomètres, ont pensé cet équipement « comme un prolongement de nos exploitations », indique le président.
Il décrit le cercle vertueux propre à la production de biogaz : gestion des effluents d’élevage, production de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), coproduits de cultures, absence de cultures dédiées et retour à la terre du digestat.

Travailler ensemble

Pour mener à bien leur projet, les agriculteurs ont dû repenser leurs assolements.
« Les Cive d’hiver nous obligent à décaler nos semis de printemps, donc c’est un risque supplémentaire que nous prenons car les cultures sont davantage exposées à la sécheresse », précise le président. Une question d’adaptation.
De plus, les chantiers d’ensilage se font désormais en commun.
« Nous nous connaissions tous, mais il faut apprendre à travailler ensemble. Nous avons eu beaucoup de réunions », ajoute-t-il.
Le site s’est imposé de lui-même : un terrain agricole de 2 ha appartenant à la SARL du Plateau.
« Le choix du lieu d’implantation est important », indique Myriam Boiteux, la maire des Avenières-Veyrins-Thuellin, qui rappelle la crainte des riverains de voir les routes communales fréquentées par des camions lors de sa construction. Mais hormis les travaux d’ensilage et d’épandage, le trafic est limité.
« Il faut sensibiliser les habitants aux contraintes et obligations des acteurs économiques dont font partie les agriculteurs,  insiste l’élue. Ils sont à la base de notre alimentation. Il faut les conserver. »

Faire évoluer l’outil

Le méthaniseur a aujourd’hui atteint ses objectifs. Il emploie l’équivalent de deux temps plein sans compter les astreintes des agriculteurs sur le site.
En outre, Bruno Gentil est chargé de la gestion et de l’administration du site et Florent Bernardaud, des entrées et sorties, ainsi que du planning des travaux agricoles. Un groupe WhatsApp permet de mobiliser les associés.
Si les apports en Cive et effluents sont suffisants pour faire tourner l’unité, les agriculteurs souhaitent faire évoluer leur outil en accueillant les biodéchets des industries agroalimentaires du secteur.
Un nouvel enregistrement ICPE a été demandé.
Le méthaniseur devrait également être équipé dans l’année de panneaux photovoltaïques d’une capacité de 11 kWc de façon à générer sa propre électricité.
« Si c’était à refaire, je repartirai, assure Bruno Gentil qui a été moteur du projet. De toute façon, il faut y aller. Nous sommes des agriculteurs méthaniseurs. Il faut se forcer un peu pour sortir de la seule agriculture car c’est un métier en plus, mais c’est très bien pour les agriculteurs, vertueux pour les fermes et Couleurs Métha est une petite entreprise qui participe au développement local. »
« C’est du vrai circuit court, renchérit Nicolas Flechon, directeur de GEG Ener, avec des agriculteurs à la fois propriétaires et exploitants. »
Il reconnaît cependant que les énergies renouvelables, qui sont « le pilier le plus fort de la transition énergétique », peuvent être confrontées à la question de l’acceptabilité sur le terrain.

16 méthaniseurs

Pour autant, l’Isère comptera à la fin de l’année 16 méthaniseurs en fonction, ce qui place le département au premier rang régional. Il n’y en avait aucun en 2019.
Sans doute le soutien du Département et la mise en place d’un comité technique ont aidé à l’émergence des nombreux projets qui attendaient dans les cartons.

Le méthaniseur a été réalisé par Arkolia ©ID_TD

« 140 communes en Isère bénéficient des infrastructures gaz de GRDF », déclare Véronique Pinet, déléguée territoriale Nord-Isère GRDF. De quoi raccorder beaucoup d’autres méthaniseurs.
Elle fait valoir le savoir-faire français de ce type de production à 80 % hexagonale, qu’il s’agisse du béton, de la toile ou des installations mécaniques.
« C’est une réalité économique qui s’exporte » et qui rassemble aussi en mobilisant nombre d’entreprises du territoire pour sa construction et en générant des emplois.
Jean-Pierre Barbier, le président du Département, qui avait jugé urgent en 2017 d’instaurer une charte sur la méthanisation en Isère, se félicite de faire désormais la course en première position.
Il insiste sur le besoin d’union de tous les élus pour faciliter l’acceptabilité de tels projets.

Isabelle Doucet

Les six exploitations agricoles de Couleurs Métha 

Sarl du Plateau à Les Avenières-Veyrins-Thuellin
Sébastien Poncet, à La Bâtie-Mongascon
Gaec de Closel, à Faverges-de-la-Tour
Gaec Fly à Corbelin
Gaec de la Goyardière à Corbelin 
Lionel Girerd-Chanet à Granieu

Méthaniseur au féminin
Victoria Picot Guéraud est la responsable de l'unité de méthanisation.

Méthaniseur au féminin

C’est une jeune femme qui dirige le méthaniseur des Avenières.

« Pourquoi ne pas essayer, s’est dit Victoria Picot Guéraud lorsqu’elle a découvert l’offre d‘emploi de responsable de l’unité de méthanisation Couleurs Métha. C’était un défi, un nouveau but. »
Après un Bac Pro CGEA équins obtenu à Yssingeaux et un BTS Acse à La Côte-Saint-André, la jeune femme originaire de Faverges-de-la-Tour où ses oncles sont toujours agriculteurs, souhaitait s’installer en élevage équin.
« Je travaillais dans la grande distribution en attendant que mon projet aboutisse », confie-t-elle. Mais l’installation n’a pas pu se réaliser. « Je voulais retourner dehors », explique-t-elle lorsqu’elle a trouvé ce job.
Essentiellement entourée d’hommes, Victoria Picot Guéraud, reconnaît qu’en tant que femme, « il faut faire sa place ».
Elle travaille en permanence avec les différents associés du méthaniseur, dont la fourchette d’âge est très large, de 30 à 60 ans. « Dès qu’il y a un problème, ils sont tous présents », apprécie-t-elle.
La responsable décrit un métier technique « où chaque jour est différent ». Les tâches sont multiples : suivi mécanique, biologique, administratif, gestions des intrants, des entrées et sorties etc.
Souvent seule dans la centrale, elle sait qu’elle peut compter à tous les instants sur Bruno Gentil, le président de Couleurs Métha, qui passe ou appelle « au moins deux fois par jour ».
Pour le reste, elle est en relation avec les autres méthaniseurs de l’Isère, réunis en association, et qui disposent d’un groupe WhatsApp. Une autre ressource très utile.
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Technologie de l’infiniment mélangé
Technologie de l'infiniment mélangé.

Technologie de l’infiniment mélangé

Conçue par Arkolia, Couleurs Métha est une unité centrale de production de biogaz qui utilise la technologie de l’infiniment mélangé. Avant leur introduction dans un des deux digesteurs anaérobies, la matière est effectivement prémélangée et broyée.
Il faut entre 30 et 50 jours pour produire du gaz. Le gaz est directement injecté dans le réseau GRDF.
Le digestat obtenu fait l’objet d’une séparation de phase par une presse à vis pour isoler la matière solide et la matière liquide stockée dans des cuves. Le digestat (matière solide) permet de fertiliser environ 700 ha.
Le bâtiment de réception des effluents d’élevage a été fermé et dispose d’un système d’aération afin de prévenir les odeurs.

Couleurs Métha en chiffres

Production : 11 000 MWh/an de biométhane injecté dans le réseau gaz GRDF
Soit l’équivalent de 2 750 logements chauffés au gaz
Gisements (effluents, Cive et coproduits) : 10 900 tonnes
Budget : 5,4 millions d’euros
Participations : Région 900 000 euros ; Département de l’Isère 200 000 euros ; Ademe 172 000 euros. 
Capital de la SAS Couleurs métha détenu à 81 % par les agriculteurs, GEG Ener 14 % ; Ak Green solution 5 %

Lors de l'inauguration du site. Crédit photo : ID_TD