ACCORDS COMMERCIAUX
Les filières agricoles plaident pour des clauses miroirs

Dans la perspective des prochaines élections au Parlement européen, les filières agricoles françaises se prononcent sur la généralisation des clauses miroirs dans les accords commerciaux que l’Union européenne pourrait signer avec les pays tiers.

Les filières agricoles plaident pour des clauses miroirs
Pascal Canfin, président de la commission environnement, milite pour l’introduction de clauses miroirs dans tous les accords commerciaux que l’Union européenne pourrait signer avec les pays tiers. ©UE2019_source_EP

« On est en flagrant délit d’importation de l’agriculture qu’on ne veut pas » a déploré Frank Laborde, le président de l’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), lors d’une conférence organisée par Interbev, l’Institut Veblen et la Fondation pour la Nature et l’Homme, le 31 octobre à Paris sur le thème « Politique commerciale européenne contre Green Deal ». En viande bovine par exemple, « on a perdu un million de vaches en sept ans, 200 000 en un an. En deux ans, le Brésil et l’Argentine ont accru leur cheptel de l’équivalent du troupeau français », a observé Patrick Bénézit, le président de la Fédération nationale bovine (FNB). « Toute l’augmentation de la consommation de poulet est faite par l’import. Un quart des importations de poulet provient du Brésil, de l’Ukraine et de Thaïlande où les coûts de production sont plus faibles et la réglementation sanitaire moins contraignante », a déploré Jean-Michel Sander, le président de l’interprofession volaille (Anvol). La filière fruits et légumes paie également un lourd tribut à la mondialisation.  « Elle a vu son taux d’approvisionnement s’effondrer de 70 à 50 %, en 20 ans », a souligné Daniel Sauvaitre, le président de l’interprofession, Interfel. Et de citer les importations massives de fruits et légumes de Turquie, de tomates du Maroc qui ont déstabilisé les filières françaises. Contrairement à ce qui se passe en Europe, « tout ce qui n’est pas interdit est autorisé chez nos concurrents »,a-t-il observé. Les filières d’excellence qui étaient jusqu’à présent épargnées commencent à s’inquiéter. C’est notamment le cas d’Intercéréales, l’interprofession céréalière, qui redoute l’octroi de contingents d’importation d’amidon au Brésil dont le potentiel est énorme, dans le cadre du Mercosur.

La bataille culturelle

Une prise de conscience est en train de s’opérer. Les sujets de la réciprocité des normes, des clauses miroirs qui étaient considérés comme secondaires, il y a seulement quelques années, sont désormais en haut des agendas internationaux. Ainsi un règlement sur la déforestation importée a vu le jour, sous la présidence française de l’Union européenne en 2022. « La bataille culturelle a été gagnée », a indiqué Jean-François Guihard, le président d’Interbev. En témoigne la position de l’association de consommateurs, UFC que Choisir. Sa présidente, Marie-Amandine Stévenin a plaidé pour l’extension des clauses miroirs. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, est aussi convaincu mais ne cache pas la difficulté de la tâche. « Avant de vouloir imposer nos normes aux autres, il faudrait que nous les partagions au niveau européen », a-t-il déclaré. Ce qui est loin d’être le cas, à cause de la tendance bien française à surtransposer les règles européennes. Une fois négociées, « encore faut-il les contrôler ces normes chez nos fournisseurs », a-t-il précisé. Et plutôt que d’avoir une position défensive dans les négociations internationales sur la réciprocité des normes, il serait préférable de jouer la carte du climat, plus porteuse. « On ne peut accepter d’importer des produits qui ne respectent pas l’environnement et qui contribuent au dérèglement climatique », a-t-il résumé. Au Parlement européen, Pascal Canfin, président de la commission environnement, milite pour l’introduction de clauses miroirs dans tous les accords commerciaux que l’Union européenne pourrait signer avec les pays tiers. Idem pour Anne Sander et Jérémy Decerle qui se prononcent dans ce sens : « On ne peut signer le Green Deal d’une main et le Mercosur de l’autre », a insisté le député. La difficulté à ce stade est de recueillir une majorité au Parlement européen. En espérant que les prochains députés qui seront élus au printemps prochain en seront convaincus.

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