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Pédagogie au Mottier

Morgane Poulet
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Le 2 octobre, la Chambre d’agriculture de l’Isère et Bièvre Isère Communauté organisaient une randonnée au Mottier pour sensibiliser le public au travail accompli par les agriculteurs situés sur une zone de captage prioritaire.

Pédagogie au Mottier
Valérie Gonon a animé un atelier pour parler de son installation au regard de la zone de captage prioritaire.

Le 2 octobre, la Chambre d’agriculture de l’Isère ainsi que Bièvre Isère Communauté ont organisé au Mottier une « rand’eau agricole » de 3,6 km à l’intention du grand public. Valérie Gonon, agricultrice à l’Earl des Trois hameaux, David Ferrand, agriculteur à l’établissement David Ferrand et Thierry Barbier, agriculteur à l’Earl Les Peupliers, ont tous trois animé des ateliers différents pour faire valoir le travail qu’ils réalisent en compagnie d’autres agriculteurs du secteur.
Le territoire de Bièvre Isère Communauté compte huit captages prioritaires. « L’objectif pour Bièvre Isère Communauté est de protéger les surfaces agricoles. A ce compte, les agriculteurs mettent de nombreuses pratiques en place pour protéger les nappes et les sols, ils font du préventif depuis de nombreuses années », explique Sylvain Granger, chargé de mission aux captages prioritaires du bassin Bièvre-Liers-Valloire. Concrètement, deux paramètres sont particulièrement suivis : les teneurs en nitrates et en molécules phytosanitaires, comme les fongicides et les herbicides. Et pour garantir des sols et des eaux propres, les agriculteurs installés sur les zones de captage prioritaire multiplient les actions.
 
Désherbage mécanique
 
« Le captage prioritaire a fortement influencé le fonctionnement de mon exploitation, explique Thierry Barbier, qui met en valeur 120 hectares, dont 40 de prairies, et des bovins allaitants. Je suis passé en agriculture biologique en 2015. »
Son passage en bio s’explique par sa volonté de préserver la ressource en eau tout comme sa propre santé. « Il y a quelques années, j’avais beaucoup plus de problèmes de santé, à force de manipuler des produits chimiques », constate-t-il. « Je n’ai pas fait ça pour l’argent mais pour les animaux, qui ont désormais une meilleure alimentation et qui sont moins consommateurs de frais vétérinaires. »
En effet, si les rendements en agriculture biologique sont moins importants qu’en agriculture conventionnelle, l’éleveur explique y avoir gagné au change. Il est passé d’environ 6 000 euros de frais vétérinaires par an à environ 200, grâce à l’alimentation plus saine qu’il peut fournir à son cheptel. Mais pour parvenir à cela, « il vaut mieux être autonome pour nourrir ses animaux ».
Pour y arriver, il recourt au désherbage mécanique, mais aussi aux faux-semis. « Cela met les adventices en germination alors qu’il n’y a pas de culture », précise-t-il. Selon lui, l’utilisation de couverts végétaux est également une solution, mais elle est plus difficile à gérer, car pour les retirer, « il faudrait qu’ils gèlent avant de pouvoir passer un rouleau cranteur, je préfère donc labourer. » A ce compte, il ajoute tenter de se « passer de labour pour éviter de trop tasser les sols, mais, en agriculture biologique, c’est assez difficile de faire sans. J’essaye donc de faire le labour le plus superficiel possible. »
Et du côté de l’engrais, Thierry Barbier explique utiliser « du fumier pour fertiliser les cultures arables ». Avant d’ajouter qu’il est rare d’en avoir suffisamment pour en utiliser aussi dans les prairies naturelles. « C’est pourquoi il est plus facile pour un éleveur de passer au bio que pour un céréalier, par exemple, car l’éleveur a un fertilisant naturel grâce à ses bêtes. »
 
Récolte des eaux usées
 
Mais pour les agriculteurs installés en conventionnel, l’utilisation de produits phytosanitaires reste nécessaire. Pour éviter de polluer les eaux des captages prioritaires, une aire de lavage et de remplissage des pulvérisateurs a été mise en place en 2018. « En cas de fuite, il n’y a aucun problème de pollution car les eaux sont recyclées directement, explique David Ferrand. L’eau est récupérée dans un couloir creusé dans le béton et est envoyée dans des bacs contenant de la terre. »
Ce système permet, lors de l’évaporation de l’eau, de récupérer les molécules de produits phytosanitaire dans la terre, qui les absorbe et leur permet de se désagréger. « Ce sont les bactéries présentes dans le sol qui détruisent les traces de produit », précise-t-il. Les bacs doivent en principe être renouvelés tous les dix ans, mais étant donné qu’ils sont peu utilisés, ils pourront tenir plus longtemps. D’autant plus qu’ils ont été dimensionnés pour être utilisés par 25 agriculteurs et qu’ils sont utilisés environ quatre fois par an.
Cette démarche, qui n’est pas obligatoire, a été entamée par sept agriculteurs. Le remboursement du prêt pour les travaux a été échelonné sur cinq ans et Bièvre Isère Communauté ainsi que l’Agence de l’eau ont subventionné les agriculteurs.
« Ce sont les pratiques qui ont eu lieu il y a des années et des années qui polluent, et maintenant, il faut agir pour que cela ne se reproduise pas », explique David Ferrand. Avant de rappeler que lorsque les agriculteurs traitent, ils ne le font pas forcément avec des produits chimiques. « Il peut s’agir d’engrais et lorsque nous passons les produits tôt le matin ou bien tard le soir, ce n’est pas pour nous cacher mais bien pour jouer avec l’efficacité du produit et pour éviter de détruire la faune. »
 
Adaptation
 
Mais s’installer à proximité d’une zone de captage prioritaire peut faire émerger des difficultés. Valérie Gonon, agricultrice installée depuis mai 2022 dans l’exploitation de son oncle a dû s’adapter.
« Cela a forcément eu une influence sur la création de la fromagerie », constate-t-elle. Pratiquant une agriculture raisonnée, elle explique prendre en compte les aspects environnementaux dans son travail. Pour autant, elle ne souhaite pour l’instant pas passer en bio, car « il y a plein d’impacts qui s’en suivent et nous ne sommes pas convaincus par tout ce qui est bio, surtout qu’aujourd’hui, le bio est presque payé comme le conventionnel ».
Une micro-station est en revanche utilisée pour traiter les effluents d’élevage. « Il y a un bassin de stockage pour gérer ce que nous n’avons pas le droit d’épandre dans l’année, comme le petit lait, qui est polluant parce qu’il contient une forte concentration d’azote. »
C’est finalement en faisant preuve de « bon sens » que David Ferrand explique que les agriculteurs pourront préserver les ressources naturelles du territoire.

Morgane Poulet