Irrigation
Les irrigants isérois font preuve de transparence et de responsabilité

Isabelle Brenguier
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L’ADI 38 a tenu son assemblée générale le 30 janvier à Brézins. Ses responsables ont insisté sur la nécessité de poursuivre le développement de l’irrigation, indispensable à l’activité agricole, et de rester engagés dans ses processus de gestion. 

Les irrigants isérois font preuve de transparence et de responsabilité
Jean-Claude Darlet, le président de l’Organisme unique de gestion collective (OUGC) sur le point de passer la main, à côté des responsables de l'ADI, Luc Armanet et Jean-François Charpentier.

30 millions. C’est le nombre de m3 d’eau consommés en 2024 par les adhérents de l’Association départementale des irrigants de l’Isère (ADI) (1). Annoncé à l’occasion de l’assemblée générale de la structure tenue le 30 janvier à Brézins, le chiffre corrobore que la pression concernant la ressource en eau a été moindre l’an passé.

En tant que présidents de l’ADI et de l’Organisme unique de gestion collective (2), Jean-François Charpentier et Jean-Claude Darlet ont martelé que « l’eau était vitale pour les animaux et les plantes, que l’agriculture sans eau, cela n’existait pas, et qu’il fallait permettre à tous les agriculteurs d’irriguer selon leurs besoins, sans gaspillage ».

Pour Jean-François Charpentier, « le message concernant les besoins en eau des agriculteurs et la nécessité de développer l’irrigation commence à être entendu ».

Mettant en avant le travail réalisé par l’ADI (3), il enjoint ses adhérents à être présents dans les instances, notamment dans les bassins de la Bourbre et de l’Isle Crémieu. « Il y a du boulot. Et il y a besoin de forces vives. Cet investissement est indispensable au maintien de l’agriculture dans certains territoires », a-t-il insisté. Il salue également la transparence dont font preuve les irrigants, estimant qu’« elle est leur force » et rappelle encore une fois qu’il faudrait que tous les usagers de l’eau en fassent autant.

Intérêt de l'Organisme unique de gestion collective

Pour les adhérents de l’ADI, l’Organisme unique de gestion collective (OUGC) s’apparente à une « usine à gaz ». Mais en tant que guichet unique pour les prélèvements agricoles, il vise à définir des volumes équitables entre les agriculteurs et compatibles avec la ressource en eau.

Si les représentants de l’association conviennent que c’est une grosse machine, Jean-François Charpentier, Franck Doucet, l’ancien président de l’ADI, et Jean-Claude Darlet insistent sur son intérêt. « Oui, c’est compliqué. Oui, nous avons transpiré pour le mettre en place. Oui, les règles de répartition sont difficiles, pas toujours visibles et cohérentes. Mais nous devons appliquer ce que la loi nous impose. Si nous n’avions pas cet outil-là, si nous ne le maîtrisons pas, la situation serait encore plus complexe. Son intérêt est d’éviter que nous soyons hors des clous. Depuis ses débuts, l’OUGC a toujours été employé dans un objectif d’équité entre les irrigants, dans l’idée que les préleveurs obtiennent les volumes correspondant à leurs besoins », assurent-ils.

« Toutefois, dans le cas de situations trop tendues, quand les planchers sont atteints, les volumes trop petits ne sont pas attribués, car ils sont considérés comme non viables », explique Nathalie Jury, conseillère agronomie et environnement à la Chambre d’agriculture de l’Isère, mise à disposition de l’OUGC.

Jean-François Charpentier précise encore que le quota d’eau n’est pas propriété des irrigants. « Vous ne pourrez pas le vendre lorsque vous partirez à la retraite, leur dit-il. Et ce n’est pas parce que vous ne demandez pas de volume d’eau une année, que vous n’en aurez pas celle qui suit ».

Enjeu de renouveler l'Autorisation unique pluriannuelle

Ayant déposé sa demande d’Autorisation unique pluriannuelle (AUP) en 2018, l’OUGC sera contrainte de la renouveler en 2028. Mais si l’étude d’impact nécessaire à son obtention avait été aidée financièrement à hauteur de 80 % par l’Agence de l’eau à l’époque, ce ne sera pas le cas pour son renouvellement. La question se pose donc de trouver les moyens de financer cette étude estimée à plus de 170 000 euros.

Les responsables de l’OUGC ont fait le choix de plafonner la redevance payée par les agriculteurs à l’organisme à hauteur de 2,30 euros les 1 000 m3 (en plus de la part fixe de 55 € par dossier). Mais ce montant ne permet pas de payer cette étude.

« Il aurait fallu que l’augmentation soit de 2,50 euros. Mais nous n’avons pas voulu nous y résoudre. Si les produits agricoles étaient payés à leur juste valeur, la question ne se poserait pas. Mais ce n’est pas le cas. Pour autant, l’enjeu est important, car c’est bien grâce à l’existence de l’OUGC que les agriculteurs peuvent prétendre à l’obtention des volumes d’eau dont ils ont besoin. Et il n’est pas question de donner la main à des structures privées de gestion de l’eau. Il va vraiment falloir que nous négociions des financements », développe Jean-Claude Darlet.

Préservation et usage équilibré de l'eau

Présent à la rencontre, Christophe Revil, vice-président du Département de l’Isère délégué à la gestion de l'eau, a assuré aux irrigants isérois que la collectivité serait pleinement mobilisée à leur égard.

Aussi, elle continuera de les accompagner financièrement et techniquement, en étant présente au niveau des projets agricoles (soutien des ASA (4)), en déployant des dispositifs pour les projets qui ne sont pas aidés par d’autres, et en conduisant des études sur la ressource.

« Nous devons assurer la préservation et un usage équilibré de l’eau. Sur ces questions, vous faites le job. Mais vous ne devez pas être les seuls à le faire et faire les frais de votre volontarisme. En outre, face au défi du changement climatique, il faut continuer de travailler sur cet enjeu collectif qu’est la gestion de l’eau, sans avoir peur d’employer certains mots, sans dogmatisme », a-t-il déclaré.

Isabelle Brenguier

(1)   Contre 40 millions en 2023, 60 en 2022 et 20 en 2021

(2)   Nommé par le préfet, porté par la Chambre d’agriculture de l’Isère, l’Organisme unique de gestion collective (OUGC) gère les autorisations volumétriques de prélèvements pour l’usage agricole. Ses missions consistent à établir les listes d’autorisation et les attributions de volumes, les modalités de gestion sur les ressources sensibles, les calendriers de gestion de crise et le bilan de campagne en fin de saison.

(3)   Commissions départementales de l’eau, rencontres avec le préfet, avec l’Office français de la biodiversité, avec les acteurs des différents bassins, réflexions sur la réutilisation des eaux de pisciculture, sur le projet de déploiement du réseau piézométrique…

(4)   Associations syndicales autorisées

Apprendre à « cultiver l’eau »
Samuel Bonvoisin, ingénieur et formateur en conception de systèmes régénératifs.

Apprendre à « cultiver l’eau »

Evoquant une nouvelle vision des cycles de l’eau, Samuel Bonvoisin, ingénieur et formateur, a encouragé une gestion de l’eau plus durable, mettant en avant notre pouvoir à les régénérer et à créer des paysages résilients.

« L’eau ne tombe pas du ciel, déclare Samuel Bonvoisin, ingénieur agronome de formation, consultant et formateur en conception de systèmes régénératifs, à l’occasion de l’assemblée générale de l’ADI, il faut arrêter de penser que c’est une fatalité, qu’on est étranger au cycle de l’eau. On y participe aussi ».

Au terme d’un exposé nourri détaillant les nouvelles représentations des cycles de l’eau et expliquant comment l’homme a cassé les cycles de l’eau douce dans le monde et en France (déforestation, remembrement, artificialisation des sols, perte de matière organique dans les sols, drainage des parcelles agricoles …), il présente le principe d’hydrologie régénérative, une pratique visant à restaurer les cycles de l’eau douce par l’aménagement du territoire. « L’eau n’est pas un gâteau à se partager. Si on ne fait rien, il n’y aura plus rien. C’est pour cela qu’il faut que nous apprenions à cultiver l’eau. Cela nous servira à nous et à toute la biodiversité », assure-t-il.

Ainsi, l’hydrologie régénérative s’appuie sur l’idée que la gestion de l’eau n'est pas qu’une question de « partage », où la quantité d’eau disponible serait une donnée fixe, mais que des bonnes stratégies d’aménagement des territoires peuvent améliorer la disponibilité de la ressource en eau pour tous.

Savoirs de bon sens

Pour l’ingénieur, « les quatre piliers de l’hydrologie régénérative sont : ralentir l’eau, infiltrer, stocker l’eau dans le paysage, et évapotranspirer, c'est-à-dire favoriser le retour de l’eau dans l’atmosphère via les végétaux ». Selon lui, les stratégies pour régénérer les cycles de l’eau douce sont multiples et concernent l’agriculture, la forêt, l’aménagement urbain et la gestion des rivières…

Et il y a déjà des bonnes pratiques mises en œuvre. L’agriculture de conservation, l’agroforesterie, la mise en place de pâturages tournants dynamiques, l’enherbement, en font partie. « En fait, nous n’avons rien inventé. Nous nous reconnectons à des savoirs de bon sens, soutient-il. Ces outils peuvent jouer un rôle déterminant et sont bien moins coûteux que la gestion d’affreux dégâts, conséquences de très grosses pluies », poursuit-il.

Isabelle Brenguier

Production d’électricité

Chef du service accompagnement des transitions des systèmes agricoles à la Chambre d’agriculture de l’Isère, Jean-François Perret a profité de l’assemblée générale de l’ADI, pour présenter une étude d’opportunité réalisée dans le but de développer du photovoltaïque dans les territoires de Bièvre Isère Communauté et Entre Bièvre et Rhône Communauté de communes.

Lancée il y a deux ans dans un contexte d’envolée des prix de l’électricité, elle a été imaginée pour permettre aux irrigants de devenir maîtres de leur production dans un objectif d’auto-consommation collective. Son objectif était de couvrir 50 % des besoins énergétiques des irrigants d’ici 2037. Ainsi, deux mix ont été étudiés : un assuré à 100 % par du photovoltaïque en toitures et au sol, et un autre composé de photovoltaïque et d’éolien.

« Etant donné la baisse actuelle du coût de l’électricité, l’étude ne révèle aujourd’hui pas un projet très motivant pour les irrigants. Pour aller plus loin dans cette démarche, il faudrait en outre se doter de moyens humains pour réaliser une étude de faisabilité plus concrète. En l’état, elle ne pourrait être portée ni par la chambre d’agriculture, ni par l’ADI, ni par une ASA (Association syndicale autorisée). Il faudrait une structure collective issue d’une structuration des ASA », détaille Jean-François Perret. Luc Armanet, qui a suivi le dossier pour l’ADI, estime cependant que « le dossier est en attente, et qu’il ne faut pas avoir la mémoire trop courte ».

IB