Chambre d'agriculture
Le futur se construit aujourd’hui

Morgane Poulet
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Lors de sa session du 29 novembre, à Moirans, la Chambre d’agriculture de l’Isère a évoqué de premières pistes pour construire l’agriculture de demain.

Le futur se construit aujourd’hui
La Chambre d'agriculture de l'Isère s'est réunie le 25 novembre à Moirans.

Le 29 novembre, la Chambre d’agriculture de l’Isère tenait une session dans les locaux de son siège, à Moirans. Au regard du réchauffement climatique et de la multiplication des difficultés d’accès à l’eau, l'organisme souhaite développer son conseil stratégique en termes de produits phytosanitaires. Cela nécessitera d’apporter un accompagnement renforcé aux agriculteurs. Des plans d’épandage seront également réalisés. La Chambre lancera en 2023 des « Label haies », accompagnera les filières dans le cadre de Projets agro-environnementaux (PAEC) ou encore de la lutte contre l’ambroisie.
Pour 2023, l’objectif de la Chambre est finalement de tenter d’amorcer les évolutions climatiques des prochaines années. Si des modifications de culture se sont déjà fait sentir et nécessitent des adaptations, il s’agit désormais pour la filière de mettre en œuvre des essais pour trouver les cultures qui résisteront le plus au climat de demain.
 
Constat
 
Des défis structurels sont désormais imposés par le changement climatique. L’agriculture et la forêt émettent des gaz à effet de serre mais ce sont aussi des solutions car elles forment des puits qui stockent ces gaz. Si le climat a été relativement stable ces 10 000 dernières années et a permis à l’agriculture de se développer, cela fait désormais quelques années qu’il dérive. Il continuera de le faire pendant encore plusieurs générations, il faudra donc que nous nous adaptions.
L’Isère se méditerranéise. Entre 2030 et 2050, par exemple, la période de gel pourrait être divisée par deux à Mens. Et en 2035, la température moyenne de Virieu pourrait équivaloir à la température moyenne de Chatte en 1990. Jean-Paul Sauzet, conseiller énergie et climat à la Chambre d’agriculture de l’Isère, précise qu’en 2050, l’Isère et la Durance perdraient 75% d’eau en été. « Mais pour 2050, nous ne pourrons pas modifier grand-chose dans l’espoir de réduire l’impact des gaz à effet de serre, car les gaz qui seront responsables des changements climatiques sont déjà présents », ajoute-t-il.
En moyenne, les moissons françaises sont précoces de dix jours par rapport à 1950. « D’ici 2050, nous risquons d’atteindre les quinze jours de précocité », affirme Yann Janin, conseiller grandes cultures à la Chambre d’agriculture de l’Isère. Les risques de gel tardif sont tout de même encore présents, « il faudra donc prévoir une baisse de rendement et de qualité en raison de l’échaudage des plantes », ajoute le conseiller. Il est en revanche difficile de prévoir les attaques de ravageurs car ces derniers ont un cycle très dépendant des températures. Cette année, des pucerons ont colonisé les tournesols, au printemps. Du jamais vu dans la région.
« Tous ces aléas climatiques conduiront à des pertes de références pour les agriculteurs, qui avaient l’habitude de semer à telle ou telle époque », ajoute Yann Janin. L’observation sera donc primordiale, dans les années à venir, afin d’acquérir de nouveaux repères.
 
Maîtriser les énergies
 
La France souhaite atteindre la neutralité carbone avec un point de départ situé en 2015 et un point d’arrivée en 2050. Pendant cette période, les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites, les énergies renouvelables multipliées et la consommation d’énergie également réduite. Tous les secteurs d’activité sont concernés et la compensation de ces émissions devra se faire par absorption du carbone dans les sols.
En ce qui concerne l’agriculture, les émissions de gaz à effet de serre sont surtout liées au méthane et au protoxyde d’azote. Il est ainsi difficile de limiter leur émission, car en arriver là signifierait qu’il n’y a plus de production agricole, rappelle Jean-Paul Sauzet. L’objectif fixé à l’agriculture est donc de réussir à diviser ces émissions par deux.
L’eau tend également à devenir une ressource limitée. Le conseiller cite l’exemple de Chatte, où le déficit hydrique se décale au mois de septembre. Cette année, le Sud Isère a été particulièrement touché, avec des restrictions d’irrigation dès le mois de juillet et avec une interdiction de prélèvement dès le 22 juillet. La Chambre d’agriculture de l’Isère propose de remplacer certains matériels d’irrigation par des systèmes plus performants afin d’économiser entre 15 et 25% d’eau. Le stockage peut également être envisagé, de même que la réutilisation. Mais, comme le rappelle Jean-Claude Darlet, président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, quelque 800 hectares agricoles proches de zones de captage pourraient être placés sous contrainte de réduire leur production et de suivre différentes directives environnementales. « L’agriculture va payer les pots cassés liés à certains choix politiques, même si le département est très soucieux de la qualité de l’eau depuis les années 1970 », avertit-il.
 
Agir sur les cultures
 
Concrètement, le maître mot de l’adaptation au changement climatique doit être la diversification des cultures.
« Des intercultures de sorgho et de méteil sont mises en place, de même que de silphie et de betterave », explique Amandine Roux, conseillère agro-environnement à la Chambre d’agriculture de l’Isère. L’expérimentation Pépit Sécufourrage, qui travaille sur l’autonomie du développement fourrager, en mêlant des intercultures fourragères, des doubles cultures de méteil et de sorgho et des prairies temporaires, permet de mettre à l’épreuve des démarches de composition innovantes. « Pour chaque plateforme de test, des espèces résistantes au sec ont été introduites, comme la fétuque élevée », précise la conseillère.
Il faut, grâce à cette diversification, répartir le risque entre les différentes variétés et espèces, car elles auront des périodes de sensibilité différentes. Il est conseillé de cultiver entre trois et quatre variétés de céréales pour réussir à esquiver les périodes de sécheresse grâce à une floraison à des dates différentes.
Qui plus est, les moyens qui peuvent être mis en œuvre sont le développement des méthaniseurs, l’utilisation de bois énergie et du photovoltaïque. Mais il est également possible de planter davantage de légumineuses, de réduire les distances entre les parcelles pour limiter la consommation de carburant pour s’y rendre et de mieux contrôler les épandages.
 
De l’inquiétude à l’espoir
 
Pour Jean-Claude Darlet, « il faut absolument dépasser tous les dégâts subis cette année, qu’il s’agisse de ceux subis en raison de la canicule ou encore la sous-production connue dans certaines exploitations ». Il rappelle que la souveraineté alimentaire est en jeu et que certains pays sont déjà touchés par des problèmes d’approvisionnement, limitant ainsi leurs exportations.
Il est important pour lui d’insister sur le nombre record d’installations de cette année, dont 116 ont eu lieu grâce à la Dotation jeune agriculteur. « C'est le signe que l’agriculture attire, car les métiers concernés ont du sens, ils nourrissent la population. »

Morgane Poulet