Premier bilan provisoire de l’activité de la Safer en Auvergne-Rhône-Alpes sur un marché de l’espace rural qui tend à se normaliser après des années 2021-2022 exceptionnelles.
Le décrochage est sans appel : la courbe traduisant l’évolution du marché de l’espace rural en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) en 2023 est nettement inférieure à celles des deux années antérieures. Les notifications des biens ruraux par les notaires à la Safer Aura accusent ainsi un recul de plus de 25 %, rétrogradant de 7 milliards d’euros en moyenne sur les années 2021-2022 à 5,2 milliards en 2023, un atterrissage qui rejoint la tendance nationale. « On retombe à une année normale d’avant Covid », analyse Bruno Pitot, directeur de la Safer Cantal. De fait, ce sont les deux années post-confinements qui revêtent un caractère exceptionnel, portées par la propension des urbains à renouer avec le doux air de la campagne en acquérant une maison avec un bout de terrain. Car, le marché de l’espace rural notifié à la Safer comprend certes les transactions relatives à des biens agricoles, libres comme occupés, mais également des biens forestiers, en zone naturelle (lacs...), des maisons à la campagne ainsi que des biens immobiliers non couverts par un document d’urbanisme. « Ce sont beaucoup ce type de maisons qui accusent la crise en 2023 », commente Bruno Pitot. Des propriétés, fermettes, dont les prix ont eu tendance à flamber mais qui, avec la hausse des taux d’intérêt, trouvent aujourd’hui moins facilement preneurs. C’est notamment le cas dans des départements comme la Haute-Savoie frontalière de la Suisse, où il n’est pas rare de voir passer des ventes de chalet en altitude dépassant les 4 millions d’euros au profit d’acheteurs étrangers… Et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce département alpin représente à lui seul, avec 1,18 Md€, quelque 17 % (en valeur) du marché de l’espace rural d’Auvergne-Rhône-Alpes, suivi par l’Isère (654 M€, - 30,5 %/2022), la Savoie (527 M€, - 22 %) et l’Ain (505 M€, - 27 %). Des locomotives qui enregistrent les plus fortes baisses en 2023.
Le nombre de candidatures en hausse
L’activité de la Safer Aura sur ce marché rural en repli a suivi le mouvement mais dans une proportion bien moindre (de l’ordre de - 6 %) du fait notamment de quelques grosses opérations, à l’image de ce domaine viticole sociétaire vendu plusieurs millions d’euros. Paradoxalement, ces tensions sur le marché ne se sont pas ressenties sur le nombre de candidatures, ces dernières étant même en hausse de 5 % sur l’année (237 candidats au total). Quant au prix moyen des biens notifiés, il est lui aussi en baisse, de près de 300 €/ha pour atteindre 6 032 €/ha en 2023, même si certains hectares se sont encore négociés au-delà des 10 000 €. « Malgré de faibles revenus agricoles, on reste sur des références de prix hautes que l’on a du mal à faire baisser », regrette Hervé Lavergne, président du comité technique, réaffirmant la volonté de la Safer de réguler les ventes spéculatives et d’empêcher une surenchère du prix du foncier agricole. Sur l’exercice écoulé, la Safer Aura a également procédé à 365 préemptions. Sur un marché toujours au ralenti en ce début d’année par le niveau des taux d’intérêt et une restriction des crédits, la Safer affiche son ambition de s’attaquer davantage à la consommation foncière dite masquée. « Il ne faut pas s’interdire d’aller sur ces anciennes fermettes de châtaigneraies avec 4 à 5 hectares autour qui se vendent à des non-agriculteurs », illustre le directeur. « Il faut qu’on aille sur ces marchés pour contrôler ces ventes avec un cahier des charges et éviter qu’il se crée de la précarité pour l’agriculteur qui reprendrait. On peut faire des choses bien, de petites installations, C’est un enjeu de développement rural qui fait partie nos missions », plaide-t-il.
Patricia Olivieri