Installation
Préparer son installation à plusieurs

Morgane Poulet
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Afin d’aider les porteurs de projet à définir leur projet d’installation à plusieurs, la Chambre d’agriculture de l’Isère et le réseau des Fermes partagées ont organisé une journée pour discuter des points à régler en amont.

Préparer son installation à plusieurs
25 porteurs de projet se sont rencontrés pour parler des éléments à régler en amont de toute installation collective.

Mutualisation des équipements et des locaux, répartition du travail, complémentarité ou encore partage de la charge mentale et des prises de décision… L’installation à plusieurs représente divers avantages et, même si elle a toujours existé, elle a été accélérée par la crise sanitaire. Elle concerne « des associés, au-delà d’un lien familial, qui cherchent à faire une production agricole et qui sont dans une préoccupation environnementale dans le mode de production mis en œuvre », explique Céline Riolo, coordinatrice du réseau Fermes partagées.
Et pour aider les porteurs de projet à s’installer collectivement, la Chambre d’agriculture de l’Isère ainsi que le réseau Fermes partagées ont organisé une rencontre pour les conseiller sur les démarches à suivre en amont de toute installation collective.
 
Mutualisation
 
Les conseillers de la Chambre d’agriculture de l’Isère recommandent avant tout de définir le niveau de mutualisation souhaité dans l’exploitation collective. « Il faut voir ce que l’on veut avoir en commun ou pas, car il y a différents champs de mutualisation possibles », explique Céline Riolo.
Quatre aspects sont ainsi primordiaux à régler en amont pour qui souhaite s’installer à plusieurs. Il est important de définir comment le temps peut et doit être mutualisé, donc comment sont affectées les ressources humaines à telle ou telle activité. D’autant plus que le temps constitue une des principales sources de tension dans un collectif agricole.
« Il est extrêmement important de se rendre compte de la façon par laquelle chaque membre du collectif envisage son rapport à l’argent et à quel point il souhaite mettre en commun », constate Céline Riolo. Jusqu’à quel point chacun est-il prêt à mettre la même somme ou à investir différemment ? Est-ce que chacun souhaite porter son propre risque d’investissement ? Autant de questions sur lesquelles les futurs associés doivent se pencher avant de se lancer.
Le foncier est également une question à discuter. Il faut savoir sur quels critères son choix repose, se décider quant à l’argent investi par chacun, mais il faut aussi se mettre d’accord sur d’éventuels logements.
Enfin, la gestion et la gouvernance doivent être analysées au regard du niveau d’autonomie souhaité pour chaque atelier, si autonomie il y a. L’idée est avant tout de construire le projet avec les personnes qui composent le collectif.
Quoi qu’il en soit, les conseillers recommandent de connaître et de se fixer des priorités, de voir ce qui est le plus important pour soi. « Parfois, on s’associe en fonction d’une production qui nous intéresse alors que l’on n’a pas du tout les mêmes priorités et on s’en rend compte une fois que l’on y a déjà passé beaucoup de temps et de démarches », remarque Aymeric Bosnéagu, conseiller transmission à la Chambre d’agriculture de l’Isère.
 
Organisation
 
Les conseillers rappellent qu’il existe différents types d’organisation de ferme collective. La ferme intégrale sous-entend une mutualisation à 100 % du fonctionnement et des dépenses liées aux ateliers, mais également des prises de décision importantes et stratégiques. Dans ce cas-là, il n’y a qu’une seule structure juridique et toutes les formes sont adaptées, comme le Gaec ou la SCEA(1). Sont aussi envisageables des formes qui peuvent inclure un portage foncier, comme les Scop(2). Comme le rappelle Aymeric Bosnéagu, « lorsque l’on rejoint un collectif ou que l’on veut prendre la suite d’un cédant, on ne se pas forcément compte que déjà beaucoup de choses sont faites. Parfois, la société est propriétaire du bâtiment mais pas du foncier, qui est toujours au nom du cédant, et les baux sont parfois au nom de son frère qui vient de partir. Il faut bien décortiquer qui possède quoi, sans quoi on peut se retrouver face à de belles surprises ». Et de préciser qu’en Isère, les agriculteurs sont en général propriétaires à 30 % de ce qu’ils exploitent. Plus on va en montagne, plus les propriétaires qui louent aux agriculteurs sont nombreux. « Souvent, on fait du fermage et on est face à des propriétaires qui ne s’y connaissent pas en agriculture », ajoute-t-il. Le GFR(3) est quant à lui souvent utilisé dans le cadre familial lorsqu’il y a plusieurs enfants afin d’éviter la séparation des terres, ne laissant au repreneur plus que les parts sociales à racheter.
La ferme mutualisée, aussi appelée « collaborative », est un mode de gestion dans lequel une partie des éléments est mise en commun et un ensemble de structures se réunissent autour. C’est la configuration choisie par La Clef des sables, à Saint-Lattier. Une SCIC permet par exemple d’intégrer des associés et des investisseurs extérieurs. En revanche, il faut qu’il y ait trois catégories d’associés différentes pour constituer une SCIC.
Enfin, la coopérative d’activités constitue une unique structure juridique avec une mutualisation des services en son sein. L’autonomie est laissée à chaque activité (investissement, gestion des ateliers ou encore rémunération).
Quelle que soit la forme choisie, « il ne faut pas en faire un tabou, notamment en ce qui concerne les rémunérations, les besoins, les investissements et la finalité, car certains veulent constituer un patrimoine à transmettre, d’autres pas ».

Morgane Poulet

(1)Société civile d’exploitation agricole.
(2)Société coopérative de production.
(3)Groupement foncier rural.