AGROALIMENTAIRE
Des négociations commerciales tendues

Le gouvernement, sous l’égide de trois ministères, tente toujours tant bien que mal de faire appliquer la loi Egalim 2 dans un contexte économique compliqué. Analyse des principaux points de blocage encore observés.

Des négociations commerciales tendues
Le 1er septembre, Marc Fesneau a demandé aux GMS de prendre leurs responsabilités, sans quoi « nous allons vers des drames humains ». ©AP

Àen croire l’entourage du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, il semble toujours très difficile de trouver un terrain d’entente au sein de la chaîne agroalimentaire. Même si la plupart des neuf enseignes de la grande distribution « jouent le jeu », certaines paraissent plus récalcitrantes que d’autres à vouloir appliquer la loi Egalim 2. Si les négociations semblent avoir assez bien avancé au cours de l’été, le compte n’y est toujours pas, aussi bien pour les agriculteurs que pour les transformateurs et les industriels. À la fin des négociations commerciales le 1er mars dernier, une hausse des prix de 3,5 % avait été actée. Mais la guerre en Ukraine est venue rebattre les cartes économiques et le 18 mars, une première réunion exceptionnelle s’était tenue pour ajuster les demandes des uns et des autres et obtenir une hausse supplémentaire. Après quelques mois d’âpres discussions, les demandes d’augmentation des prix ont varié « autour de 12-13 %, en fonction des productions et des outils industriels. Mais les transformateurs n’ont finalement obtenu que 6 à 7 % », explique un proche du ministre.

« Un danger »

Au ministère on ne cache d’ailleurs pas que les enseignes ont fait traîner les négociations avec l’aval. Au point qu’aujourd’hui, il existe « un danger pour les industries et leurs fournisseurs ». Un conseiller cite l’exemple du lait, dont les prix rémunérés aux producteurs sont de 50 à 100 €/tonne inférieurs aux pratiques européennes. Sur cette production, « on est à un tournant », explique-t-on au ministère, tout en appelant les distributeurs à « passer les hausses nécessaires et assurer la pérennité du secteur laitier français ». Car à terme, les grandes enseignes pourraient être contraintes d’acheter du lait étranger. Citant la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, un proche de Marc Fesneau rappelle que 100 € de plus pour une tonne de lait ne font en bout de chaîne que 8 centimes de plus pour un ménage. Le gouvernement se désole des pénalités logistiques appliquées « quasi systématiquement » aux entreprises, petites ou grandes. Le panel va de quelques milliers d’euros à plusieurs dizaines de millions d’euros pour certains grands groupes. « Ce sont des chiffres incroyables », lâche ce conseiller qui voit ici « le moyen pour les enseignes de se refaire une santé financière sur le dos des fournisseurs ». Au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, on estime cependant avoir assez bien agi et su préserver l’essentiel, sinon « les producteurs auraient été écrasés ». Au cours de la 19e réunion qui s’est tenue le 1er septembre, Marc Fesneau a insisté sur le risque de « rupture de confiance » et a demandé aux GMS de prendre leurs responsabilités, sans quoi « nous allons vers des drames humain »

Christophe Soulard

SYNDICALISME

La FNSEA et les JA mettent la pression

« Il est plus qu'urgent d'appliquer la loi EGalim 2 dans son intégralité », ont indiqué la FNSEA et les JA dans un communiqué commun du 2 septembre. Dénonçant « le cynisme de certains distributeurs », les deux syndicats agricoles mettent en avant les hausses de coût de production que les agriculteurs enregistrent dans leurs exploitations. Leur « prise en compte est une urgence vitale pour les producteurs. Rien que sur l'énergie, les hausses jamais atteintes sur les marchés de l'électricité et du gaz sont extrêmement préoccupantes et vont amputer très clairement les comptes d'exploitation de toutes les entreprises à chaque maillon », précise le communiqué. Craignant des ruptures de stocks sur certains produits, la FNSEA et les JA appellent les parties prenantes à prendre leurs responsabilités, et demandent au gouvernement d’appliquer des « sanctions dissuasives » envers les enseignes récalcitrantes.