Histoire
Les témoignages, gardiens de la mémoire collective

Isabelle Brenguier
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La lecture d’ouvrages relatant le quotidien de ceux qui ont vécu la seconde guerre mondiale représente un bon moyen de ne pas oublier. Certains sont à découvrir. D’autres à redécouvrir. 

Le temps passe. La deuxième Guerre mondiale est derrière nous depuis près de 80 ans et nous nous en réjouissons. Quel est l’intérêt de continuer à écouter, lire et partager les témoignages de ceux qui ont survécu à l’atrocité de cette période ? Nous avons le droit de nous poser la question. Mais nous avons le devoir d’y répondre aussitôt en nous disant que c’est pour ne pas oublier. Car, même si les générations se succèdent, nous avons le devoir de mémoire des actes commis - des actes difficilement imaginables mais bien réels - pour éviter qu’ils ne soient jamais reproduits.

Le temps passe et pourrait nous faire penser que la guerre ne peut plus avoir lieu en Europe. L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février dernier, nous a montré qu’il n’en est rien et qu’il ne faut pas baisser la garde vis-à-vis des discours qui suscitent la haine de l’autre. Ils créent aussi un cortège d’atrocités.

La lecture de nouveaux ouvrages - et la relecture d’anciens - peut nous aider à rester vigilants sur la portée de certains discours.

On peut avoir tendance à l’oublier aujourd’hui, mais la liberté n’est jamais acquise. Il en est qui l’ont payé de leur vie.

Comme Paul Gariboldy, plus connu sous le nom de Paul Vallier, résistants isérois. Ou comme Anne Franck, jeune allemande juive, déportée et morte de ses conditions de détention, pour ce seul motif.

Isabelle Brenguier

« La liberté à tout prix »
Pascal Estades, président de l’Association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, a écrit l'ouvrage « La liberté à tout prix ».

« La liberté à tout prix »

Le nouvel ouvrage de Pascal Estadès « La liberté à tout prix », revient sur la vie de Paul Gariboldy dit « Paul Vallier ». Il a été présenté à l’Hôtel du Département à Grenoble le 17 novembre, devant de nombreuses familles de résistants.

Il est né sous le nom de Paul Gariboldy. Il est connu sous celui de Paul Vallier, figure de la résistance iséroise. Le onzième et dernier opus de la collection « Parcours de résistants du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère », intitulé « La liberté à tout prix » et écrit par Pascal Estadès *, rend hommage à l’ensemble de son action. Par son engagement, il devient dès 1944 une légende, au point que, fait rare, son nom de guerre, « Vallier », se substitue dans les récits et les noms de rue, à son véritable patronyme.

L’ouvrage de Pascal Estades, lancé le 17 novembre dernier à l’Hôtel du Département, à Grenoble, permet de mieux connaître l’homme, son parcours et son combat, fruit d’une implication sans limite pour retrouver la liberté.

Actes de résistance

Né le 17 août 1919 à Ecully, dans le Rhône, Paul Gariboldy y a passé sa petite enfance avant de venir en Isère, à Saint-Martin-d’Hères. Après quelques années en Algérie qui lui ont donné un certain goût pour l’aventure, et un retour à Lyon, il apprend le 2 septembre 1939 que la guerre est déclarée. Mobilisé à Draguignan, il se révèlera avec l’« âme et l’esprit d’un chef ». Mais le 17 juin 1940, le maréchal Pétain annonce l’armistice. Paul Gariboldy ne supporte pas cette capitulation, ni la présence de l’armée allemande.

En mars 1941, il entre aux Établissements Merlin et Gerin en tant que dessinateur industriel. 

Face à la dictature qui s’est progressivement installée en même temps que la propagande du maréchal Pétain, il contribue aux actes de Résistance qui se multiplient un peu partout dans Grenoble, pour éviter que la population ne soit totalement acquise à la cause pétainiste. 

Pour rester dans la ville et s’engager un peu plus dans la Résistance, il devient d’abord Paul Passeron, puis Paul Vallier. Ses qualités seront vite reconnues par Gustave Estades. Elles lui vaudront de devenir le chef du Groupe Franc de Combat qui organise de nombreuses actions à l’encontre des collaborateurs, d’enlèvement d’armes et de matériels, de collecte de tickets d’alimentation… Elles sont décrites avec précision dans l’ouvrage de Pascal Estades, ainsi que les évènements auxquels il a participé avec ses amis, notamment Jean Bocq.

Restauration des libertés

En s’interrogeant sur l’intérêt de raconter cette histoire écrite grâce aux nombreux témoignages d’enfants de résistants, Pascal Estades souligne qu’il a été impressionné par les récits de ces personnes « si lumineuses », qui lui ont décrit « leur envie de vivre et de liberté ». 

Il estime que « l’engagement de ces jeunes femmes et de ces jeunes hommes ont permis la restauration des libertés, de la démocratie et de la République. Leur histoire est une incitation à prendre la mesure de la fragilité de ces valeurs et de ces principes, et de les faire vivre ». 

* Pascal Estades est aussi président de l’Association des amis du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère

IB

« Le journal d’Anne Franck »
Le Journal d'Anne Franck relate la vie clandestine d'une jeune fille juive pendant la Seconde guerre mondiale.

« Le journal d’Anne Franck »

Quand elle l’a écrit durant ses longs mois de clandestinité, cachée dans l’« Annexe » de l’entreprise de son père aux Pays-Bas, sa jeune autrice n’a certainement jamais pensé que son journal intime connaitrait une telle destinée. Connu dans le monde entier, traduit dans plus de 70 langues, « le journal d’Anne Franck » est devenu un classique, qui permet de connaître le quotidien des personnes obligées de se cacher pour échapper aux nazis.

S’il peut tout aussi bien être lu à l’adolescence qu’à l’âge adulte, ce livre détaille l’absence de liberté, la privation de nourriture et d’objets du quotidien, la promiscuité subie par la jeune fille et ses compagnons d’infortune, ses tourments exacerbés par l’enfermement, la dépendance vis-à-vis de leurs protecteurs et aidants, ainsi que la peur permanente d’être découverts.

Il est l’un des rares témoignages qui a été écrit au moment même des faits et non plusieurs années après, et qui relate avec autant de sincérité la vie de nombreux clandestins durant cette période.

Comme l’a indiqué Rosemary Sullivan dans le livre « Qui a trahi Anne Franck ? », sa lecture se révèle particulièrement troublante dans la mesure où le lecteur connaît la fin tragique de l’autrice, alors qu’elle-même l’ignore.

IB

« Qui a trahi Anne Franck ? »
L'ouvrage « Qui a trahi Anne Franck » expose les travaux menés par une équipe internationale de scientifiques et d'experts pour connaître l'identité de ceux qui ont dénoncé la famille Franck.

« Qui a trahi Anne Franck ? »

Le livre « Qui a trahi Anne Franck ? » écrit par Rosemary Sullivan, restitue avec fidélité l'enquête qu’a mené pendant cinq ans, une équipe de scientifiques, d’historiens, de policiers, et même de bénévoles, pour découvrir la cause probable de la rafle qui a coûté la vie à Anne Franck et à sa famille. L’objectif a été atteint. L’équipe conduite par Vincent Pankoke, agent spécial du FBI à la retraite, qui a parcouru le monde, cherché des rapports perdus ou mal archivés, retrouvés des témoins jamais consultés, a réussi à mettre en lumière ce qui a déclenché les événements du 4 août 1944.

L'ouvrage évoque ainsi l'ensemble des pistes qui ont été suivies et les raisons pour lesquelles elles n'ont pas abouti. Il permet d'avoir accès à une multitude d'informations qui permettent de mieux comprendre cette période de l'histoire. Mais il va bien au-delà.

Lu dans la continuité du « Journal d'Anne Franck », il permet de mieux comprendre la vie à Amsterdam durant l'Occupation, le lourd tribut payé par le pays, et l'admirable engagement des protecteurs des Juifs à cette période.

Le responsable de l'enquête, Vincent Pankoke, fait partie de la génération des baby-boomers, ces fils et filles de militaires, hommes et femmes, qui ont combattu pendant la seconde guerre mondiale. En contact direct avec les histoires des uns et des autres, ces « récits de première main », il estime que « tant que les témoins sont encore vivants, il faut raconter leurs histoires ». Et il faut les lire.

IB

Extraits de « Qui a trahi Anne Franck ? »

« Otto Franck savait que sa fille, Anne, était un symbole pour les millions de Juifs et de non-Juifs assassinés. Son journal et l'Annexe secrète sont gravés dans tous les esprits, à la fois comme un avertissement du passé et un espoir en l'avenir. Le monde ne doit pas oublier pour que cela ne se reproduise jamais. Otto voulait faire comprendre que le fascisme procède d'une lente construction et qu'un jour, il se dresse devant vous telle une monstrueuse muraille, impossible à contourner. Il voulait rappeler au monde que tout peut basculer du jour au lendemain ». 

Miep Gies était, parmi les bienfaiteurs d'Anne Franck, celle qui était la plus proche d'Otto Franck, le père d'Anne. Devenue la porte-parole du Journal d'Anne Franck à la mort de celui-ci elle a tenu le propos suivant quand le le film « Anne Franck remembered », adapté du livre, a été nommé aux Oscars du meilleur documentaire en 1996 :

« Le message que l'on doit retenir de l'histoire d'Anne est qu'il faut lutter contre les préjugés et les discriminations. Les préjugés commencent quand on évoque LES Juifs, LES Arabes, LES Asiatiques, LES Mexicains, LES Noirs, LES Blancs. Cela donne l'impression que tous les membres de ces groupes pensent et agissent de la même manière ».