Michel Fournier, président de l’association des maires ruraux de France (AMRF) qui se réunira en congrès à l’Alpe d’Huez (Isère) les 29, 30 septembre et 1er octobre, milite depuis de longues années pour la reconnaissance d’une ruralité dynamique, inventive et gardienne de la citoyenneté.
Celui qui a fait venir Emmanuel Macron dans son village vosgien de 300 habitants est, depuis 2020, président de l’association des maires ruraux de France (AMRF). Chantre de la ruralité, Michel Fournier est connu pour sa liberté de ton et reconnu pour son sens politique. Maire des Voivres depuis 1989, il œuvre depuis 1991 au sein de l’AMRF. Son credo : liberté, égalité, équité et fraternité. Le plan France ruralité, « c’est une bagarre que nous avons initiée depuis plusieurs années, déclare-t-il. La labellisation Village d’avenir est le troisième volet nécessaire de développement des territoires ruraux. Elle ne concerne pas les centralités. Nous avons rectifié le tir. Ce programme s’adresse à des collectivités de moins de 3 500 habitants, communes ou ensemble de communes, qui peuvent ainsi obtenir l’ingénierie nécessaire pour porter des projets ». Ce dispositif d’accompagnement par l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), complète les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain. La ruralité concerne 88 % du territoire français, 33 % de la population et autant d’habitants dont les attentes sont fortes. « Ils ont la volonté de démontrer que dans la ruralité, il est possible de porter de nombreuses initiatives pour développer les territoires », ajoute le président. Il insiste d’une part sur la prise en compte de cette dynamique, mais aussi sur les retombées au bénéfice de tous qu’elle engendre.
Des choix qui deviennent des exigences
Si la ruralité parvient à faire entendre sa voix, c’est sans doute parce que ses habitants et ses élus ont changé. Par choix ou par nécessité, les communes rurales ont accueilli de nouveaux résidents « avec de nouveaux besoins, la volonté de trouver un nouvel équilibre », posant la problématique de « l’équité pour chaque citoyen ». Avec le programme Village d’Avenir, pas question pour Michel Fournier de « singer les villes », mais plutôt de « mettre en place des choses plus raisonnées qui correspondent à la réalité de nos besoins ». Car les choix des populations vivant en milieu rural deviennent aujourd’hui des exigences, motivées par la prise de conscience « d’une dotation de l’État qui n’est pas équitable. Nous ne sommes pas traités de la même façon car depuis des dizaines d’années, la priorité a été donnée à l’urbanité ». Il ajoute : « Nous sommes encore dans une France à deux vitesses ».
Surtout, il constate combien les élus locaux sont moins enclins à accepter les différences de traitement. En témoigne le gonflement des effectifs de l’AMRF. « Notre association, représentative des communes rurales, compte aujourd’hui plus de 12 000 adhérents. Nous nous organisons. C’est un vrai mouvement ! » Il ajoute : « Nous avons gagné en poids, c’est incomparable. Nous représentons la France rurale, pas invisibilisée, mais oubliée. » Le président de l’AMRF rappelle que l’association s’est battue « pendant 20 ans pour avoir un secrétaire d’État à la ruralité. Et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, n’est que la deuxième à ce poste. Avant, nous étions confondus dans le ministère de l’Agriculture ».
Si la Première ministre a annoncé sa venue à l’Alpe d’Huez à la rencontre des maires ruraux, Michel Fournier a déjà échangé avec Élisabeth Borne à plusieurs reprises. Les discussions pour l’élaboration du plan France ruralité, ont été tantôt cordiales, parfois plus âpres. « Ce qui a été acté dans ce cadre est un premier pas. Nous devons aller plus loin », reprend Michel Fournier. Il cite en exemple le cumul des lois qui complexifient la vie locale, à l’image du zéro artificialisation nette (ZAN). « D’accord pour ne pas développer nos villages à l’extérieur, mais à condition d’avoir une politique forte pour la rénovation du bâti dégradé et la prise en compte de la potentialité des centres de villages déshérités. »
Une reconnaissance réelle de l’État
Des politiques fortes, mais aussi un statut de l’élu qui mérite d’être encore renforcé. « Il ne sera jamais parfait, mais améliorable. Il n’est plus concevable de devoir faire le choix entre prendre des engagements au service des autres ou renoncer pour des questions financières. La moyenne d’âge des élus est élevée, comme moi qui ai 73 ans. Il y a beaucoup de retraités ou de personnes issues de la fonction publique. Peu viennent de l’entreprise privée. Il faudrait une reconnaissance réelle de l’État pour les élus qui ont une mission locale, car c’est nous qui permettons la vie en société. Nous sommes la proximité, le premier contact, nous connaissons nos gens et parvenons à faire société plus facilement que dans d’autres secteurs organisés différemment. »
L’amélioration du statut de l’élu n’est pas seulement une question de rémunération, estime Michel Fournier, mais aussi de reconnaissance. Notamment celle de la violence vis-à-vis des élus. Une violence qu’il estime sociétale. « Elle prouve que nous avons loupé le volet de l’autorité la plus simple, c’est-à-dire la reconnaissance des droits de chacun sans omettre d’établir un équilibre avec les devoirs. Aujourd’hui, toutes les autorités sont contestées : enseignants, gendarmes, pompiers etc. Or, lorsque les choses se passent, il ne faut pas discuter. Et lorsque les enseignants se plaignent de ne pas se sentir soutenus pas leur hiérarchie, c’est la même chose que vivent les maires ruraux lorsqu’ils sont confrontés à la violence. »
Isabelle Doucet