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Une ferme bien vivante à La Morte

En créant sa chèvrerie, Astrid Lescure a réimplanté une exploitation agricole à La Morte.

Une ferme bien vivante à La Morte
Astrid Lescure a installé ses chèvres dans son nouveau bâtiment courant novembre.

La Ferme du Grand Rif est la seule exploitation agricole de la commune de La Morte (1). Astrid Lescure vient juste de s’installer en élevage caprin. La chèvrerie qu’elle a fait construire, un vaste bâtiment en bois de 450 m2, est lovée au pied des pistes de la station de ski de l’Alpe du Grand Serre. 

La nouvelle exploitante s’est installée avec sa famille à La Morte en 2015. « Nous aimons beaucoup l’endroit, nous sommes bien intégrés dans le village, mais nous avons mis très longtemps à trouver un terrain. » C’est avec l’aide de la mairie que l’éleveuse a pu finalement acquérir une parcelle sur laquelle faire construire et accéder à la cinquantaine d’hectares d’alpages où les chèvres pourront monter aux beaux jours. 

Installée hors cadre familial, elle retrace un parcours long et intense, voire « rude ». Cuisinière dans son premier métier, Astrid Lescure, se décrit comme une ex-citadine. Mère de deux enfants de 9 et 10 ans, elle « ne voulait pas les voir grandir en bas ». 

De la place pour les chèvres

« On voulait une ferme, poursuit-elle, mais on ne savait pas trop vers quel atelier s’orienter. Les deux premières chèvres ont été un déclencheur. » Le couple met alors « tout en œuvre » pour créer son exploitation. « C’est beaucoup de sacrifices. Mais je suis contente d’avoir sauté le pas. Je suis retournée pendant un an à l’école, à la MFR de Vif pour passer mon BPREA. Les enfants étaient encore petits. Mon conjoint a pris le relais. Seule, je n’aurais pas pu le faire. C’est un projet familial. »

Les premiers coups de pelle ont été donnés fin juillet 2020, le projet prenant enfin corps. « J’ai tout fait, tout décidé, explique Astrid Lescure. J’ai visité plusieurs chèvreries. Ce sont des heures de recherche pour effectuer les choix techniques. Je voulais que les chèvres aient de la place. » Elle y a installé une vingtaine de chèvres des Savoie, une race à faible effectif qui vient tout juste d’être reconnue (1), ainsi que les alpines et saanen de son troupeau d’origine. L’effectif est appelé à augmenter. « La construction bois est un choix en raison de  l’ambiance de travail à l’intérieur, pour moi et pour les chèvres », indique l’éleveuse. 

Le bâtiment est composé d’une stabulation, d’un laboratoire, d’une laiterie et d’une grange. Il représente un investissement de 250 000 euros financé par un emprunt. L’exploitante a déposé un dossier PCAE (2) pour bénéficier d’une aide financière pour le bâtiment et la fromagerie. Elle a déjà obtenu la DJA qui lui a permis de tenir pour finaliser son projet d’installation. « Il va falloir en vendre des fromages », glisse-t-elle avec un trait d’humour.

Le couple se réserve un volume important de travaux pour aménager le bâtiment. «  Il y aura un point de vente à la ferme. J’ai fait une demande d’ERP dans le cadre du permis de construire afin d’accueillir des jeunes sur des ateliers pédagogiques pour la fabrication des formages ou pour la visite de l’élevage », annonce l’éleveuse. Son modèle économique sera basé sur la vente directe à la ferme, complété par la présence dans des magasins de producteurs, des Amap ou chez un fromager. Elle explore aussi d’autres pistes comme les comités d’entreprise ou les restaurants.

De la raclette et de la féta

Astrid Lescure veut proposer une gamme originale de fromages avec lesquels elle s’est déjà fait une petite notoriété dans la vallée de la Roizonne. « Les lactiques sont des basiques, mais sont très demandés. Les gens adorent les fromages frais. Mais je ferai aussi des tommes de chèvre au lait cru classiques, des raclettes – qui sont très prometteuses -, de la féta, du reblochon ou encore des fromages à l’ail et aux herbes dans un deuxième temps. Et pourquoi pas aussi des plats cuisinés. Mais il y a de grosses contraintes sanitaires. » La productrice n’a pas engagé de démarche pour être certifiée en agriculture biologique « car j’achète tout : le foin, la paille, le lait pour les chevrettes. Je n’ai rien pour autoproduire. J’achète localement un foin sans intrants et les céréales sans OGM à la coopérative. En bio, ce serait beaucoup trop cher. Les gens se rendent compte de la qualité d’un produit à partir du moment où ils le goûtent. »

Sur la parcelle de 7 200 m2 où est installée la chèvrerie, Astrid Lescure introduira également des cochons qui pourront bénéficier d’un parc dans le sous-bois et une vingtaine de poules pondeuses. En contrebas, une roselière permettra de retraiter les eaux usées de l’exploitation. Avant l’hiver, les chèvres ont pu intégrer leur nouveau bâtiment, laissant l’éleveuse et son conjoint avec beaucoup d’interrogations en particulier parce qu’ils n’habiteront plus à côté de leurs animaux. Comme dans de nombreux systèmes agricoles montagnards, Astrid Lescure est aussi perchman à la station de l’Alpe du Grand Serre. Elle lancera toute la production au mois de mars, après la mise-bas des chèvres. Un nouveau grand départ.

Isabelle Doucet

(1) 158 habitants permanents et 560 résidences secondaires.

(2) Cette race rustique a été reconnue le 31 juillet 2020. L’effectif s’établit aujourd’hui à 1 100 têtes dans 40 élevages. 

(3) Plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations

 

 

La ferme du Grand Rif
Le bâtiment de la Ferme du Grand Rif est lové aupied de la station.
Ferme du Grand Rif
Astrid Lescure a installé ses chèvres dans son nouveau bâtiment courant novembre.