L'actu vue par Hervé Lapie
Il faut retrouver des espaces de dialogue et d'échanges

Isabelle Brenguier
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Agriculteur dans la Marne, Hervé Lapie est président de la FDSEA de son département et de la FRSEA Grand Est. Il est aussi secrétaire adjoint de la FNSEA en charge de l’environnement. Il participera au congrès de la FDSEA organisé le 29 mars prochain.

Il faut retrouver des espaces de dialogue et d'échanges
Agriculteur dans la Marne, Hervé Lapie est président de la FDSEA de son département. Il participera, en visio, au congrès de la FDSEA organisé le 29 mars prochain.

Que ce soit pour s’adapter à de nouvelles contraintes, préserver l’environnement ou répondre aux attentes de la société, les agriculteurs ont beaucoup fait évoluer leurs pratiques. Néanmoins, ils ont le sentiment de ne jamais en faire assez, d’être toujours montré du doigt et même de devoir sans cesse se justifier. Que faut-il faire pour améliorer cette situation ?

Malheureusement, nous n’avons pas de baguette magique pour contrer tout ça. L’agriculture a beaucoup évolué, mais peut-être de manière trop silencieuse. Aujourd’hui, il faut retrouver des espaces de dialogue et d'échanges. Chaque fois que nous avons des occasions de parler de ce que nous faisons de bien en agriculture, il faut les saisir. Il ne faut surtout pas abandonner, même si c’est une tâche de longue haleine. Au niveau national, il y a un important travail de communication qui est réalisé. Par exemple, pendant la semaine durant laquelle se déroule normalement le Salon de l’agriculture, nous avons essayé de proposer à France Télévisions des émissions plutôt équilibrées (comme « Nous paysans »), avec des espaces de dialogue. C’est aussi ce qui sera fait pendant la semaine de l’agriculture, du 15 au 24 mai, et pendant le Tour de France qui, grâce au partenariat qui unit la FNSEA et ASO, nous permet également de faire passer les messages que nous portons. Mais c’est un travail qui doit aussi être effectué au niveau local. Il faut trouver d’autres relais de communication pour montrer que l’agriculture est en transition et qu’elle est pourvoyeuse de solutions. Ce peut être fait grâce à de bonnes relations avec les collectivités locales et grâce à la publication dans leurs revues, d’articles qui mettent en avant les initiatives agricoles innovantes et l’accompagnement qu’elles réalisent dans certains projets, comme ceux intégrés dans le PCAE (Plan de compétitivité et d’adaptation des entreprises).

De nouvelles actions syndicales sont organisées en ce moment pour « obtenir des prix rémunérateurs ». Il ne s’agit pas d’un nouveau combat. La loi Egalim avait cet objectif et date déjà de 2017…

Oui, en effet. Il faut que cette loi se mette en place et crée du revenu dans les fermes. Nous continuons de pousser très fort pour qu’elle se concrétise et qu’elle soit renforcée au niveau des indicateurs sur les coûts de production. Nous constatons quand même que le consommateur est de plus en plus sensible à son acte d’achat, à l’origine des produits. Il faut que la grande distribution cesse de communiquer sur « le moins cher »  et privilégie « la qualité des produits ». Et il faut arrêter de faire croire qu’on va augmenter les prix des produits agricoles en GMS. Pour le consommateur, il ne s’agit que de quelques centimes d’euros qui permettraient aux producteurs de vivre. Il n’est pas question d’une explosion des prix.

La crise sanitaire n’a-t-elle pas joué un rôle pour une meilleure perception de l’agriculture ? Les consommateurs ont, semble-t-il, apprécié pouvoir acheter des produits locaux. 

C’est vrai qu’il y a tout juste un an, nous voyions des images de magasins pris d’assaut et dévalisés par une population prise de panique à l’idée de manquer. La chaîne alimentaire a fait un travail remarquable. L’agriculture A résisté mais elle pourrait ne pas résister longtemps. Les circuits courts se développent et c’est une bonne chose, mais ils tiennent à cause des grandes filières. Il faut donc aussi répondre à leurs enjeux. Tous les marchés sont divers et variés. Il faut y répondre de manière globale. A la FNSEA, nous voulons faire de la croissance durable, mais nous avons face à nous des personnes qui prônent la décroissance. Il faut trouver le bon équilibre. Nous sommes capables de tenir le triptyque qui allie l’économie, le social et l’environnemental.  

Propos recueillis par Isabelle Brenguier