Manifestation
L’A7 bloquée, théâtre du malaise agricole

Isabelle Doucet
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Mardi matin, tracteurs et camions ont bloqué l’autoroute A7, à hauteur de Saint-Rambert-d'Albon dans ma Drôme, pour dénoncer le malaise de la profession agricole.

 

L’A7 bloquée, théâtre du malaise agricole
Une trentaine de tracteurs a investi l'autoroute A7 mardi matin pour bloquer les deux voies de circulation.

Il était 4 heures du matin, mardi 23 janvier, lorsqu’une trentaine de tracteurs épaulés par des chauffeurs routiers ont bloqué l’autoroute A7 dans les deux sens, à hauteur de Saint-Rambert-d’Albon, dans la Drôme.
Ce mouvement quasi spontané et d’ampleur, qui fait écho aux autres blocages d’autoroute qui se sont progressivement installés en France depuis le début de la semaine, est l’expression d’un ras-le-bol des agriculteurs.
Le groupe d’exploitants agricoles drômois à l’origine de l’action a été rapidement rejoint par des collègues isérois et ardéchois.
Durant toute l’occupation de l’autoroute, entre 50 et 80 agriculteurs et sympathisants se sont relayés pour tenir le barrage, en sorte qu’au cours de la première journée près de 200 personnes étaient venues apporter leur soutien.
Les agriculteurs, qui revendiquaient mardi un mouvement sans obédience syndicale ni politique, dénoncent « le millefeuille administratif » et veulent « des prix rémunérateurs et non des primes », ainsi que l’explique Laurent Guironnet, un des porte-parole, agriculteur à Albon.
« Nous voulons que le gouvernement revienne sur la fiscalité du GNR et l’aide au gasoil pour les chauffeurs routiers », ajoute-t-il. Il fait aussi part du désarroi de la profession prise en étau entre contraintes françaises et européennes. « Nous travaillons, toujours avec une épée de Damoclès au-dessus de notre tête. Il n’y a pas de durabilité. »

Dépasser les clivages

L’agriculteur insiste sur le fait que ce mouvement a été impulsé « par la base », qu’il est parti d’une réunion locale qui s’est déroulée dans le week-end et que seuls 30 SMS ont suffi pour une mobilisation d’une ampleur inattendue.
« L’A64 est bloquée depuis jeudi. Nous nous sommes dit, pourquoi pas nous », raconte Laurent Guironnet. Il rejette toute idée de récupération.
« Nous ne sommes pas tous d’accord, mais pour le fond, on est là. C’est un métier passion qui dépasse les clivages. »
De mémoire d’agriculteur, une telle mobilisation est rare dans le secteur, signe d’un malaise largement partagé.
« Que les politiques se réveillent, sinon nous irons à Paris », lance encore le porte-parole, sans augurer mardi soir de l’avenir de la manifestation.
« Mais que l’on soit déstructuré, cela perturbe », glisse-t-il encore. Pour autant, les manifestants pouvaient être certains d’un soutien sans faille sur les réseaux sociaux en dépit des blocages d’autoroute.
« C’est juste énorme ce que nous vivons. Il y a des gens avec lesquels nous n’avions jamais discuté ». Il exhorte encore ses concitoyens, s’ils « veulent une agriculture française, d’acheter des produits français et locaux, c’est encore mieux ! »

Isabelle Doucet

« Dégager un Smic pour deux est compliqué »
Laurence Vallier et Yoann Segura reprennent une ferme dans le Vercors et sont venus spontanément participer au mouvement de ras-le-bol des agriculteurs.

« Dégager un Smic pour deux est compliqué »

Les agriculteurs de l’Isère et de l’Ardèche ont rejoint la manifestation comme Laurence Vallier et Yoann Segura, éleveurs à Succieu.

« Nous nous battons. Notre première exploitation n’a pas fonctionné, nous l’avons revendue pour payer nos dettes et reprendre une ferme dans le Vercors, raconte Yoann Segura, éleveur à Succieu. Nous sommes là parce que nous avons travaillé longtemps sans pouvoir dégager de revenu. C’est un métier que nous aimons et nous voulons en vivre. »
Fermement décidé à prendre un nouveau départ avec sa compagne, Laurence Vallier, dans une nouvelle ferme, il mesure toutes les difficultés du métier jusqu’au renoncement.
Alors, lorsque mardi matin, ils ont entendu parler du mouvement des agriculteurs à la radio, ils ont sauté dans leur voiture pour les rejoindre sur l’A7. « Nous voulons être entendus. C’est le seul métier où l’on travaille sans regarder le coût horaire, où dégager un Smic pour deux personnes est compliqué », témoigne-t-il.
Mais si une action se met en place en Nord-Isère, ils répondront présents, conscients que se jouent leur avenir et celui de l’agriculture.

« Tout le monde partage les mêmes problèmes »

Sur l’A7, les deux agriculteurs isérois ont apprécié « le côté non étiqueté » du mouvement.
« On ne connaissait personne. Puis nous avons discuté avec différents producteurs du coin, qui font plutôt de la fraise et des petits fruits, et nous nous sommes rendu compte que tout le monde partage les mêmes problèmes. À un moment donné, il fallait faire quelque chose. »
L’éleveur de Succieu salue aussi « le courage des tracteurs de tête qui sont entrés directement sur l’autoroute » pour bloquer le sens de circulation Marseille/Lyon. Dans l’autre sens, ce sont les camions qui ont ralenti pour permettre aux agriculteurs de s’engager sur les voies.

ID