CONSEIL D’ÉTAT
La dissolution des Soulèvements de la terre suspendue

Le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative, a suspendu, le 11 août, le décret ministériel portant dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre. Les juges se prononceront sur le fond du dossier dans le courant de l’automne.

La dissolution des Soulèvements de la terre suspendue
Le 11 août, le Conseil d'État a décidé de suspendre la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre. ©DR

C’est un mauvais signe pour l’agriculture française que vient d’envoyer la haute assemblée du Palais Royal. En effet, le juge des référés du Conseil d’État, statuant dans une formation composée de trois conseillers d’État, a décidé le 11 août de suspendre la dissolution du collectif Les Soulèvements de la Terre. Celui-ci avait, dès la parution du décret au Journal officiel le 22 juin, saisi le juge administratif en estimant que « la mesure en cause caractérise une situation d’urgence et qu’il y a un doute sérieux sur sa légalité ». Le juge des référés est allé dans le sens des demandeurs.

Sur le premier argument, les juges observent « que la dissolution des Soulèvements de la Terre porte atteinte à la liberté d’association et crée pour les requérants une situation d’urgence. Ils estiment donc que la première condition nécessaire pour ordonner la suspension est remplie », écrivent-ils. Sans argumenter plus avant sur cette situation d’urgence. Pourquoi donc serait-il urgent de ne pas dissoudre le collectif Les Soulèvements de la Terre ? La question reste posée et la décision du Conseil d’État reste ici sujette à caution. Sur le second argument, les attendus du jugement sont plus explicites. Aux termes de la décision, les juges estiment « qu’il existe un doute sérieux quant à la qualification de provocation à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens retenue par le décret de dissolution ». Autrement dit, il se pourrait très bien que les violences commises à Sainte-Soline (notamment) n’aient pas été provoquées par ce collectif. Et qu’il n’en serait donc pas tenu pour responsable. « Ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l’audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d’une quelconque façon des agissements violents envers des personnes », soutient le Conseil d’État.

Décision sur le fond à l'automne

Les preuves apportées à l’audience du 8 août par la représentante de l’État, Pascale Leglise, directrice des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur, ont donc été purement et simplement balayés. Elle avait pourtant rappelé les « appels à tout brûler » et des « tutoriels pour détruire des canalisations ». Elle avait soutenu que les actes commis par le collectif étaient allés « au-delà de la simple désobéissance civile ». Pour preuve, les agressions subies par les forces de l’ordre, leurs véhicules incendiés, les nombreuses armes par destination retrouvées sur les activistes, les dégradations commises sur les systèmes d’irrigation… y compris chez des agriculteurs biologiques. Le plus étonnant est sans doute que le Conseil d’État reconnaît lui-même, dans ses attendus, que les « actions promues par les Soulèvements de la Terre ont conduit à des atteintes à des biens » et qu’elles « se sont inscrites dans des prises de position (…) en faveur d’initiative de désobéissance civile ». Mais elles ont été en « nombre limité ». Ce n’est donc pas suffisant pour dissoudre. Dont acte. Certes, la justice administrative n’est pas la justice pénale. On s’interroge cependant sur le fait que le tribunal correctionnel de Niort ait condamné, le 28 juillet, un manifestant contre les retenues d’eau de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) à un an de prison ferme… mais que ceux qui ont appelé à la manifestation restent impunis. Dans les faits, ce jugement pris en référé n’annule pas le décret du 21 juin. Certes, la décision définitive, c’est-à-dire sur le fond, sera rendue « rapidement, vraisemblablement à l’automne », écrit le Conseil d’État dans son jugement. Les juges examineront avec une précision d’horlogers la légalité du décret de dissolution. Le Conseil d’État ne s’est cependant que rarement dédit entre les jugements de référés et ses décisions finales.

Christophe Soulard

Réaction

La FNSEA veut voir cesser les violences

La FNSEA veut voir « cesser les violences et les dégradations » sur les exploitations, a déclaré le 11 août son président, Arnaud Rousseau, quelques heures avant que le Conseil d'État ne suspende la dissolution prononcée par le gouvernement. Cette procédure de dissolution avait été engagée le 28 mars, quelques jours après les violents affrontements entre gendarmes et opposants aux retenues d'eau destinées à l'irrigation agricole de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), dont l'exécutif avait imputé la responsabilité au mouvement. « La décision du Conseil d'État lui appartient (...). Pour nous ce qui compte c'est de voir cesser les violences et les dégradations qui ont lieu sur nos exploitations », a déclaré Arnaud Rousseau le 11 août au matin sur Europe 1. « Ce genre d'actions, ça crée inutilement de la tension, ça donne parfois dans certains endroits l'envie de se faire justice soi-même. Ce qu'on ne souhaite pas, absolument pas », a-t-il poursuivi. « On fait en sorte que la pression ne monte pas et que les réponses soient apportées par le gouvernement », a-t-il conclu.