Foire de Beaucroissant
Marc Fesneau au plus près du terrain

Isabelle Doucet
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Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, était présent samedi 20 avril à la Foire de Beaucroissant, consacrant un large temps d’échange avec la profession agricole.

Marc Fesneau au plus près du terrain
Le ministre de l'Agriculture a été invité à partager le repas préparé par les éleveurs charolais de l'Isère.

Rares sont les ministres qui foulent le sol de la foire de Beaucroissant et encore plus rares sont-ils ceux qui se déplacent pour l’édition de printemps.
Samedi dernier, 20 avril, c’est bien Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, qui est venu en Isère pour rencontrer les agriculteurs et les acteurs du monde rural.
« Crise de foi, crise de sens » du monde agricole, le ministre a pris du temps à la fois pour écouter, mais aussi pour expliquer comment, depuis le mois de février, l’action s’est mise en œuvre pour répondre aux demandes portées par les syndicats agricoles.
« Une crise permet de changer les choses », déclare Marc Fesneau en assurant que l’action publique saura apporter des réponses.
Avant cela « nous n’aurions jamais fait changer la PAC en deux mois », rappelle-t-il, tant sur les questions des prairies, que des jachères ou des contrôles. « Cela va se voir dans les exploitations agricoles », assure le ministre.
Aux demandes de simplification, il promet que dans le respect de l’État de droit, les procédures aboutiront, décrets après décrets.
Marc Fesneau a également précisé sa vision de la future loi d’orientation agricole (LOA), reconnaissant que le texte, imparfait « mérite d’être enrichi ». Il met cependant en garde contre la tentation d’un texte fourre-tout « qui ne ressemble à rien ».
« Nous devons avoir un objet partagé autour de la transmission, de l’installation, de la simplification et de la souveraineté », a enjoint le ministre.
D’autres sujets trouvent leur place dans d’autres cadres.

Un allié de la cause

Reprenant le propos de la députée Aurélie Jacquier-Laforge au sujet du statut du loup et du pastoralisme, il a confirmé être « un allié de la cause » œuvrant au rééquilibrage du plan loup, notamment sur les pertes indirectes, sur la conduite des troupeaux et sur la génétique.
Il préconise, « pour limiter la casse, des prélèvements en début de saison ».
Enfin, l’évolution du statut du loup qui pourrait se profiler au niveau européen, permettrait de « retrouver de la marge ». Soit une « gestion plus simple et la possibilité de réguler là où la pression est forte : sur les fronts de colonisation et dans les départements, comme l’Isère touchés depuis longtemps ».
Il invite aussi les détracteurs de l’activité d’élevage « à aller à la rencontre d’un éleveur prédaté ».
Il ajoute : « La présence historique d’un grand prédateur change la vie d’un éleveur » et conclut qu'« on ne fait pas de la biodiversité sans les gens et encore moins contre les gens ».

Des impatiences

Marc Fesneau n’était pas venu à la Beaucroissant pour faire des annonces, mais remplir sa besace des remontées de terrain.
Il a ainsi échangé avec les éleveurs de Charolais Sud-Est qui l’ont interpellé sur les retards de paiement des aides PAC, notamment en agriculture biologique, et sur les difficultés d’installation.


La crise ayant montré le désarroi des agriculteurs « qui ne savent plus ce qu’on attend d’eux », Marc Fesneau est venu leur dire que leur rôle est « d’assurer l’alimentation, chez nous et à l’extérieur des frontières », les dérèglements géopolitiques influant sur certains marchés comme celui des céréales dont ont besoin les pays du Maghreb.
Il a redit combien les agriculteurs « ont besoin d’être accompagnés dans les transitions » et qu’il « voit les impatiences ».
Les agriculteurs, par la voix du président de la FDSEA de l’Isère, Jérôme Crozat, lui ont en effet donné « 100 jours, d’ici aux Jeux olympiques, pour aller deux fois plus vite ».
Il a aussi pris rendez-vous avec le ministre pour dans un an, lors du congrès de la FNSEA qui se déroulera du 25 au 27 mars 2025 à Grenoble.


D’ici là, le syndicat attend des actions. Concernant l’Isère, il s’agit plus particulièrement « de la gestion efficace du plan loup ; d’une avancée sur l’IGP saint-félicien ; de la prise en compte du travail fait sur l’eau et sa gestion et de l’arrêt des contrôles abusifs car en Isère, il y a des compteurs à chaque bout de champ ».
« La simplification, le respect du monde agricole, la rémunération, c’est un travail de tous les jours », a répondu par la suite le ministre.
Il a aussi souligné les avancées sur la prochaine loi Egalim destinée à assurer un juste ruissellement de la valeur dans les exploitations.

Des sujets départementaux

La visite ministérielle s’est conclue par un temps d’échanges avec les organisations professionnelles agricoles où les grands sujets départementaux ont été abordés plus précisément.
« Le ministre était à l’écoute, note Aurélien Clavel, secrétaire général de la FDSEA de l’Isère. Mais le problème est que les choses tardent à arriver et que les réponses doivent être à la hauteur des mobilisations. Le système régalien prend du temps. »
Les sujets abordés allaient de la crise de la noix à celle de la viande en passant par l’énergie, les céréales et les aides PAC.


Les manifestations ayant servi de révélateur aux situations difficiles de nombre d’agriculteurs, des cellules d’accompagnement ont été mises en place, notamment en Isère.
« Nous aimerions un engagement de toute part pour repenser les financements de ces dispositifs et pouvoir aller au bout des choses », explique Aurélien Clavel.
Une autre demande concerne l’incorporation des marques locales dans les objectifs de loi Egalim au sujet des approvisionnements de la restauration collective.
Le syndicat demande que la marque IsHere, qui dispose d’un cahier des charges exigeant, soit considérée au même titre que les Signes officiels de qualité (Siqo).
Enfin, a été abordée la question du système assurantiel en arboriculture, « qui n’est pas adapté aux crises à répétition », explique le syndicaliste. Les conditions de déclenchement s’appuient en effet sur des moyennes olympiques qui ne correspondent plus à la réalité climatique.
Le ministre a pris le temps à Beaucroissant de se nourrir de ces échanges avec le monde agricole. Certes, il a reconnu que la rencontre s’inscrivait dans un temps de campagne électorale, mais qu’il ne souhaitait pas « mélanger les genres », se défendant de faire toute démagogie.
« La foire de Beaucroissant n’est pas un décor où tester sa popularité », a-t-il lancé avant de quitter le champ de foire en assurant revenir l’an prochain.
Isabelle Doucet

La vitrine d’un monde vivant
Lors des allocutions inaugurales en présence du ministre.

La vitrine d’un monde vivant

À Beaucroissant, théâtre de la campagne pour les élections européennes, les corps intermédiaires ont fait part au ministre Marc Fesneau de l’urgence de voir leurs demandes pour le monde agricole se concrétiser.

Un ministre de l’Agriculture, un député président de groupe à l’origine de la loi sur la revalorisation des retraites agricoles, un député européen : à quelques mois des élections européennes, la foire de Beaucroissant de printemps a attiré des personnalités politiques plus qu’à l’accoutumée.
André Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale, père de la loi sur les retraites agricoles, est candidat aux élections européennes, investi par le PCF.
L’Europe est son affaire car il siège à la commission des affaires européennes. « Mon domaine, c’est la PAC », résume-t-il. Et son mantra « faire en sorte que la PAC devienne une politique agricole et alimentaire ».
Il porte deux sujets : la question des revenus agricoles et celle des accords de libre-échange.
Le député s’est associé une partie de la journée à la visite ministérielle de Marc Fesneau venu pour l’inauguration, lequel a ensuité partagé un repas avec les éleveurs charolais et un temps d’échanges avec les représentants des organisations professionnelles agricoles.
Le lendemain, c’était le président du Rassemblement national et député européen Jordan Bardella, qui arpentait les allées de Beaucroissant.

Un sujet trop important

Lors des allocutions inaugurales, samedi 20 avril, Antoine Reboul, le maire de Beaucroissant,  a souligné la rareté d’une présence ministérielle à la foire « qui n’est pas le salon de l’agriculture mais compte parmi les plus importantes et les plus anciennes ».
Il a aussi fait valoir la double fonction de cet événement qui entretien le lien étroit de la grande famille agricole et sert de vitrine « d’un monde vivant » à tous les citoyens.
Jérôme Crozat, est intervenu en tant que vice-président de la Chambre d’agriculture de l’Isère.
Il a d’abord salué la qualité du dialogue entre le ministre et les corps intermédiaires. Puis il a partagé le propos du maire souhaitant faire évoluer la foire tant sur le volet agricole que sur la communication.
Il a aussi alerté le ministre sur les difficultés des exploitations en raison de l’augmentation du coût de l’énergie, de la main-d’œuvre, de la surtransposition des normes environnementales, de la baisse de la compétitivité. 187 mesures proposées par la FNSEA, 67 retenues, un tiers actées, « d’autres seront transformées dans le cadre de la LOA ou de négociation avec l’Union européenne » : Jérôme Crozat donne rendez-vous au ministre dans 100 jours pour répondre à toutes les demandes.
« Quand cela ira mieux, on remettra les panneaux à l’endroit », a lancé à son tour René Gallifet, maire de Bizonnes et vice-président de la communauté de communes de Bièvre Est.
Cyrille Madinier, le vice-président du Département en charge de l’agriculture, a fait valoir la capacité d’innovation de l’agriculture iséroise qui est en tête des équipements de méthanisation agricole en région.
« Nous avons besoin que toutes les annonces se concrétisent : la souveraineté alimentaire en dépend », a lancé à son tour Jean-Claude Darlet, en qualité de conseiller régional.
La sénatrice Frédérique Puissat a fait appel aux corps intermédiaires pour enrichir le projet de LOA et annoncé qu’elle déposerait un amendement pour que le financement des MAEC puisse retrouver un niveau départemental.
Enfin, la députée de la circonscription, Élodie Jacquier-Laforge, soulignant tous les bouleversements qu’a connus le monde agricole ces dernières années, a dit « stop aux discours fatalistes et négatifs, l’agriculture est un sujet trop important pour ceux qui ont des réponses à tous et des solutions à rien ».
Prenant la parole en dernier, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a dit apprécier « ces moments de rencontre entre agriculteurs et citoyens », qui répondent à « un besoin de la société qui connaît moins le monde agricole ».
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Un débat aux allures de meeting

Les représentants de tous les syndicats agricoles de l’Isère étaient présents pour participer au débat organisé à Beaucroissant par le PCF autour du député André Chassaigne, lequel a exposé sa conception de la politique agricole. Mais rapidement, les échanges ont versé dans le meeting politique. Il a certes été question de revenus agricoles, un sujet dans lequel le député Chassaigne s’est largement investi. Mais Annie Noëlle Coudurier, vice-présidente de la Section des anciens exploitants agricoles (SDAE) de la FDSEA, est revenue sur la question du montant de ces retraites qui ne sont toujours pas réellement valorisées à 85 % du Smic. Elle a aussi dénoncé l’injustice de la bonification pour trois enfants, calculée sur les 10 % des revenus au détriment des plus faibles retraites. Ces éléments sont contenus dans une motion remise au député.
Jérôme Crozat, le président de la FDSEA de l’Isère, a fait observer combien d’autres pays européens parvenaient à dégager plus de valeur ajoutée pour les productions agricoles en raison d’un tissu d’entreprises agroalimentaires « plus riche », comparé à la France où la valeur est captée par des industries agroalimentaires surdimensionnées et par la GMS. Il a aussi demandé des précisions à André Chassaigne sur sa conception des échanges internationaux, la France étant un pays exportateur de productions agricoles.
Le député Chassaigne a d’une part reconnu qu’il y avait « encore du chemin » à faire au sujet des retraites agricoles. Quant aux échanges internationaux, il défend un modèle de coopération humaniste qui « tient compte des populations locales ». « Nous avons une autre conception des échanges internationaux, a expliqué le député. Mais nous avons des niches, comme la noix, le vin ou le cognac et nous n’avons jamais dit qu’il ne faut pas les exporter. » Par ailleurs, il réclame « plus de contrôle de l’État » car « il y a des déperditions énormes en raison des nombreux intermédiaires dans la chaîne de valeur dans toutes les filières ».