Maraîchage
S’adapter par monts et par vaux

Morgane Poulet
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A Pierre-Châtel, La Ferme des vents, qui pratique le maraîchage de montagne, ouvrira ses portes au public lors de Prenez la clé des champs, les 4 et 5 mai. 

S’adapter par monts et par vaux
Alix Cosson et Dianysis Bayoumy, maraîchers à Pierre-Châtel, cultivent leurs micropousses sous serre pour les protéger du froid.

Installé depuis 2017 à Pierre-Châtel, à la Ferme des vents, Alix Cosson pratique le maraîchage de montagne avec sa compagne, Dianysis Bayoumy, qui devrait s’installer avec lui dans l’année.
Ils ouvriront leurs portes à l'opération Prenez la clé des champs, les 4 et 5 mai par les chambres d’agriculture de l’Isère et des Savoie.
9 000 m2 de légumes en bio, 140 poules pondeuses, petits fruits, plantes aromatiques, fleurs comestibles et micropousses, 600 m2 de serres, vente à la ferme en direct ou sous forme de paniers… L’exploitation fourmille d’idées pour s’adapter à son espace.
 
Pallier le manque de place
 
Le couple a fait le choix d’allier diverses méthodes de production.
« Nous pratiquons l’agriculture biologique intensive et nous sommes inspirés des écrits de Jean-Martin Fortier, précise Alix Cosson. Mais aussi le maraîchage sur sol vivant, qui consiste à prendre davantage soin de la vie du sol en le travaillant très peu et en lui apportant beaucoup de nutriments grâce à l’utilisation de couverts organiques ». Ces deux méthodes sont ainsi combinées pour tenter de trouver un « compromis ».
L’exploitation mise également sur l’agroforesterie, donc à la plantation d’arbres fruitiers entre les jardins pour en favoriser la biodiversité locale, mais aussi pour obtenir une production plus importante.
En effet, « cette méthode nous permet d’apporter directement au sol tous les bienfaits de la présence d’arbres, comme le transfert d’information, des effets de pompe hydraulique ou encore un ombrage en plein été pour les légumes », ajoute-t-il.

Micropousses

Les exploitants cultivent également des micropousses, c’est-à-dire le stade qui suit celui de la graine germée. « Nous semons directement dans des barquettes avec du terreau et le cotylédon est mangé », explique Dianysis Bayoumy.
Les micropousses ont pour principales caractéristiques d’être « bien concentrées en goût, en couleurs et en nutriments, on peut presque parler d’alicament », précise-t-elle.
Très cultivées au Royaume-Uni, notamment, elles sont utilisées comme des compléments alimentaires « alors que nous connaissons très peu ce produit en France », constate Dianysis Bayoumy.
L’idée est alors venue aux exploitants de cultiver cette production pour pallier le manque de foncier, car « elle ne nécessite que de petites surfaces et nous avons une clientèle à Grenoble. Les micropousses sont effectivement souvent cultivées en milieu urbain, en indoor avec des lampes horticoles ou même sur des toits car elles ne prennent pas de place et la production est renouvelable rapidement », confirme-elle.
 
Faire face aux éléments
 
Mais il s’agit aussi pour la Ferme des vents de composer avec une spécificité matheysine : le climat. Les gelées tardives rendent le démarrage tôt des légumes difficile, le temps adéquat pour cela n’apparaissant pas avant mi-mai.
« Nous avons entre trois semaines et un mois de décalage avec la plaine, explique Alix Cosson, et dans une société où tout doit aller vite, nous ne pouvons pas nous le permettre, d’autant plus que même l’été, les nuits restent fraîches, ici ».
Les exploitants pratiquent aussi l’association de cultures afin de densifier la production. Cette méthode peut permettre d’amener plus de rendements au mètre carré tout en prenant moins de place.
« On peut par exemple associer du chou et de la betterave, ou bien des pommes de terre et du haricot, explique Dianysis Bouyamy en précisant que cette méthode est inspirée d’une ferme normande pratiquant cela pour étaler ses récoltes. Il faut choisir des cultures ne se récoltant pas en même temps, comme la salade, qui en plus sert de couvert végétal, et qui laisse ensuite la place à la culture suivante ».
Même s’il faut un certain temps de mise en place, les efforts sont finalement payants, car les rendements sont bons et la réduction des adventices grâce aux cultures agissant comme couverts végétaux constitue un gagne-temps.
« Nous n’avons pas constaté de grande concurrence entre les légumes, car les cultures sont complémentaires », précise Alix Cosson.
Il a également réalisé un travail important sur ses tomates. « Les graines sont acclimatées au terrain depuis sept ans, car à chaque saison, nous utilisons les graines des tomates de l’année précédente », explique-t-il.
La variété sélectionnée est adaptée au froid, au climat matheysin et d’année en année, les tomates deviennent plus grandes, mais aussi de meilleure qualité.
 
Conserver une empreinte locale
 
L’exploitation ne pouvant pas produire suffisamment à l’année, car il lui faudrait davantage d’espaces couverts, l’idée est venue aux maraîchers d’ouvrir une épicerie sur place pour proposer à la clientèle des produits locaux.
La création d’une nouvelle association maraîchère en Matheysine, prévue avec trois autres agriculteurs, permettrait d’ouvrir l’épicerie tous les jours de la semaine.
« En début de saison, nous n’avons pas beaucoup de légumes, donc cette épicerie permet aux clients de tout de même accéder à des produits locaux en tout genre sans avoir à faire le tour des fermes ou des épiceries pour faire leurs courses », relève Alix Cosson.
Dans cette même volonté de faire du local, les exploitants font faire leurs plants à la carte à Claix par De chenille à papillon.
« Nous aimons procéder ainsi pour faire fonctionner le commerce de proximité et l’agriculture locale. Ça nous coûte un peu plus cher, mais la qualité est meilleure et c’est aussi plus pratique pour nous, car nous nous approvisionnons tous les quinze jours plutôt que trois fois dans la saison, ce qui nous permet de mieux répartir la charge de travail », confie le maraîcher.

Morgane Poulet

Prenez la clé des champs

29 fermes ouvriront leurs portes lors de l'opération Prenez la clé des champs, certaines accueilleront des agriculteurs voisins et leur production. Temps fort annuel permettant au public de venir à la rencontre des exploitants, cet événement sera l'occasion de visiter les fermes, de goûter aux produits ou encore d'échanger avec les agriculteurs sur leur travail et leurs pratiques.
Les 4 et 5 mai, de 10 heures à 18 heures.