Alimentation
La transition alimentaire iséroise face au principe de réalité

Isabelle Brenguier
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Organisé en décembre dernier, le Conseil inter-territorial de l'alimentation, l'instance au sein de laquelle se réunissent les membres du PAIT, s’est présenté comme une interface propice aux échanges entre élus et agents des collectivités, associations et producteurs.

La transition alimentaire iséroise face au principe de réalité
Le Conseil inter-territorial de l'alimentation, organisé le 19 décembre dernier au Stade des Alpes à Grenoble, a permis la tenue de nombreux échanges.

« Au-delà des actions portées par le PAIT (1), notre territoire est riche d’initiatives en faveur de la transition agricole et alimentaire. De nombreux acteurs locaux agissent sur ces thématiques et nous avons souhaité profiter de ce Conseil inter-territorial de l'alimentation pour les mettre en lumière, de façon à ce que ceux qui souhaiteraient les reproduire dans leur territoire puissent mieux appréhender leur mise en œuvre », indique Cyrille Pleynet, à l’occasion du Conseil inter-territorial de l'alimentation, organisé le 19 décembre dernier au Stade des Alpes à Grenoble.

Les élus et les agents du territoire du PAIT sont venus nombreux à cette rencontre, témoignant une nouvelle fois du grand intérêt qu’ils portent à l’agriculture et à l’alimentation. Grâce à l’organisation de différents ateliers, ils ont pu aborder plusieurs facettes de cette thématique. Ils ont aussi pu rencontrer des producteurs du territoire, en recherche de contacts, motivés pour contribuer à leur approvisionnement.

Approvisionnement bio et local

L’approvisionnement en bio et en local est un sujet sur lequel sont engagées de nombreuses collectivités du territoire, comme les communes pour les cantines des crèches et des écoles et le Département de l’Isère pour celles des collèges. Mais les volontés sont souvent confrontées à des réalités réglementaires, administratives logistiques et financières, qui complexifient la mise en œuvre.

L’atelier organisé sur ce sujet a fait connaître différentes initiatives telles que celle proposée par le portail collaboratif local Le Champ des cantines lancé par Mangez bio Isère, l’Adabio (2) et Nona (3), et porté par une quinzaine de structures. « Créé pour les cantines scolaires, les restaurants d’entreprises, les crèches, les Ehpad…, ce collectif d’acteurs vise à accompagner la transition alimentaire en restauration collective. L’idée est d’aider concrètement les organisations qui souhaitent passer à l’action, en leur donnant les clés pour comprendre le cadre réglementaire qui s’applique, en évaluant leurs besoins, en mettant en place des actions dans leurs cuisines… », explique Louise Skrzypczak, coordinatrice du portail collaboratif.

Marlène Brunet-Manquat, diététicienne et responsable du service restauration de Meylan et Antoine Naillon, conseiller municipal de la ville, délégué à l’alimentation et à l’environnement, sont aussi venus présenter le travail qu’ils ont accompli depuis quatre ans, pour améliorer la qualité de l’alimentation proposée dans leurs crèches, tout en équilibrant leur budget.

Favorisant un retour des produits de saison, rééquilibrant les grammages pour monter en qualité et baisser en coûts, travaillant avec des fournisseurs de proximité, ils ont réussi à ce que les 140 repas proposés, soient composés de 92 % de produits biologiques. S’ils n’envisagent pas de rester à ce niveau-là, ils s’estiment satisfaits de travailler exclusivement avec des fournisseurs de Meylan et d’avoir créé une belle dynamique au sein des équipes, qui ont changé leurs habitudes et leur état d’esprit sur ce sujet.

Logistique compliquée

L’atelier a aussi permis de donner la parole à des producteurs locaux en quête de débouchés. A l’image de Maxime Bocquentin, maraîcher installé à Vaulnaveys-le-Bas, au sud du massif de Belledonne, et d’Arthur Bachmann, venu représenter l’association Tero Loko, implantée à Notre-Dame-de-l’Osier, dans le Sud-Grésivaudan, productrice de légumes et en capacité de fabriquer plusieurs centaines de kilogrammes de pain par jour.

Comme l’indique Maxime Bocquentin, « on sent bien qu’il y a une envie. Mais dans les faits, c’est compliqué au niveau de la logistique. Il est plus facile pour une collectivité de s’approvisionner entièrement auprès d’une même structure que de plusieurs. D’autant que souvent, nous ne pouvons pas répondre à l’intégralité de leurs besoins, et nous ne parvenons pas à être concurrentiels sur tous les produits », reconnaît-il.

Faire comprendre les réalités agricoles

Pour répondre à ces problématiques, qui visent à atteindre les objectifs des lois Egalim, de plus en plus d’outils, de centrales d’achats, de regroupements d’agriculteurs, de plateformes, telles Mangez Bio Isère, voient le jour. Les animations visant à créer du lien entre l’offre et la demande, se multiplient également. Pour autant, force est de constater que pour les deux parties, les démarches demeurent compliquées, les écueils sont encore nombreux.

Depuis 2020 qu’il a été labellisé, le PAIT contribue aussi à créer des initiatives visant à « mettre davantage de qualité et de local dans les assiettes des habitants ».

Producteur de lait, élu au sein de Saint-Marcellin-Vercors-Isère communauté, Franck Rousset suit ses avancées depuis ses débuts. Il reconnaît que « les choses n’ont pas toujours été faciles, qu’il n’est pas évident de faire comprendre les réalités agricoles à l’ensemble des membres du PAIT, qu’on n’est pas forcément d’accord. Mais, au final, on trouve toujours le moyen d’avancer. Depuis cinq ans que nous avons démarré ces travaux, on constate que l’ensemble des territoires jouent le jeu et s’impliquent. Il faut continuer ainsi. Et il faut que les agriculteurs restent engagés. Nous ne pouvons pas ne pas être présents dans cette instance », insiste-t-il.

Isabelle Brenguier                                                          

(1)   Le projet alimentaire inter-territorial de la grande région grenobloise rassemble les territoires de Grenoble-Alpes-Métropole, Saint-Marcellin-Vercors-Isère Communauté, la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais, la Communauté de communes du Trièves, la Communauté de communes Le Grésivaudan, les parcs naturels régionaux du Vercors et de la Chartreuse, la ville de Grenoble et Espace Belledonne.

(2)   Association pour le développement de l'agriculture biologique dans l'Ain, l'Isère, la Savoie et la Haute-Savoie.

(3)   Nona est un outil de gestion de restauration collective qui accompagne les collectivités à l’intégration de l’ensemble des bonnes pratiques identifiées, plaçant l’expérience du menu au centre de l’outil.

« Une démarche qui a du sens »
Stéphanie Laheurte, gérante d’un magasin de proximité Franprix à Grenoble, à côté de Geoffrey Lafosse, directeur du PAA, Thomas Huver, conseiller à la Chambre d'agriculture de l'Isère et Anaëlle Jacquin, productrice de lait, adhérente à Plein lait yeux.
Circuits de proximité

« Une démarche qui a du sens »

Geoffrey Lafosse, directeur du Pôle agrolimentaire de l’Isère et Stéphanie Laheurte, gérante d’un magasin de proximité Franprix à Grenoble, ont présenté le Pôle agroalimentaire et son intérêt. 

« Notre but est de développer la part de marché des produits locaux dans la distribution alimentaire, de façon à assurer une juste rémunération aux agriculteurs, explique Geoffrey Lafosse, directeur du Pôle agroalimentaire de l’Isère (PAA), à l’occasion du Conseil inter-territorial de l'alimentation, tenu le 19 décembre à Grenoble.

Pour cela, nous menons une action de commercialisation et de distribution de produits auprès de grandes et moyennes surfaces et de petits magasins de proximité. Grâce à une organisation commerciale et une plateforme logistique, nous achetons des produits, les revendons et les livrons. Nous assurons le rôle de plateforme de centralisation et apportons un service aux clients. En nous présentons comme un seul interlocuteur pour la prise de commande, la facturation, la distribution, nous leur donnons accès à un large catalogue de produits labellisés IsHere. Pour mettre en œuvre cette action de commercialisation, nous nous consacrons également à une activité de structuration de filières, en partenariat avec les acteurs du développement, telles les chambres consulaires. Nous avons besoin que les choses soient organisées pour apporter un produit satisfaisant à la distribution alimentaire ».

Produits sains

Stéphanie Laheurte est gérante d’un magasin de proximité Franprix à Grenoble. Depuis deux ans, elle travaille avec le PAA. Pour faire connaître ces produits auprès des consommateurs, elle a fait le choix de ne pas prendre de marge dessus, car elle sait que pour sa clientèle populaire, si ses produits sont trop chers, ils ne se vendront pas.

Mais maintenant qu’ils commencent à être mieux connus, elle commence à marger. « Ayant eu la chance enfant de manger les produits de mes grands-parents agriculteurs au Portugal, j’ai toujours voulu proposer des produits sains à mes clients. La démarche portée par le PAA revêt donc beaucoup de sens pour moi. »

IB

Plein lait yeux

La démarche Plein lait yeux est directement issue de la nécessité du Pôle agroalimentaire (PAA) de structurer les filières agricoles iséroises. Elle prend la forme d’un collectif de 26 producteurs de lait du Sud-Isère rassemblés au sein d’un projet de lait collecté, embouteillé par la coopérative Sodiaal à Vienne et commercialisé dans les grandes surfaces iséroises par le PAA. Si le projet présente de nombreux avantages pour les agriculteurs, et notamment un complément de prix de 0,05 euros par litre, une très forte reconnaissance des consommateurs, et une ouverture sur l’extérieur, il se heurte dans le même temps à des stratégies d’entreprise parfois compliquées (concurrence des flux sur les lignes de fabrication, exigences qualité…) L’accompagnement des producteurs par les chambres consulaires s’avère donc précieux.

IB