Campagne nucicole
Une noix de qualité après tri

Isabelle Doucet
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Les volumes étaient prometteurs, mais les conditions climatiques ont ajouté un bémol à la récolte de noix du Sud-est, qui a réclamé de très gros efforts de tri.

 

Une noix de qualité après tri
Cette année, tout s'est joué sur la table de tri. Photo : IB TD

« Des conditions de récolte difficiles et des écarts de tri importants », c’est ainsi que Ghislain Bouvet, technicien à la Chambre d’agriculture de l’Isère en charge de la filière noix et lui-même nuciculteur, qualifie la campagne de ramassage de noix 2024.
Elle s’achève ces jours-ci dans la vallée de l’Isère, à l’exception de parcelles résiduelles dans les coteaux. « Le ramassage a été compliqué et a demandé beaucoup de temps, avec des machines qui s’embourbaient, même à plat », décrit encore Ghislain Bouvet.

Déception à la table de tri

« Il y avait de la pluie tous les deux jours, c’était le bazar. D’ailleurs, ce n’est pas encore fini dans les coteaux », renchérit Alexandre Escoffier, nuciculteur à Beaulieu et vice-président de la Chambre d’agriculture de l’Isère.
À ces mauvaises conditions de récoltes se sont ajoutées quelques désagréables surprises sur les tables de tri.
Alors que les volumes semblaient au rendez-vous cette année, sont arrivées dans les bennes beaucoup de noix vides, creuses, pas remplies ou noires.
Résultat : « le volume est en deçà de ce qui était espéré et la qualité nécessite des tris conséquents afin de parvenir aux standards commerciaux », note Ghislain Bouvet.
C’est en tous les cas une récolte très hétérogène qui caractérise cette année 2024.

Optimisme

« C’est surtout dans une poignée de communes que ce n’était pas très beau, dans les secteurs de Tullins, Poliénas, la Rivière et Saint-Quentin-sur-Isère. C’est lié au climat. Il a trop plu au printemps, les noyers étaient dans l’eau, les volumes sont faibles et il y a beaucoup de déchets. Sinon, pour le reste, ce n’est pas trop mal. Il y a de grosses noix en plaine. C’est plus petit dans les coteaux », constate Alexandre Escoffier.
« L’année est marquée par une pluviométrie extraordinaire et les températures fraîches du printemps n’ont pas aidé. Toutes les cultures ont déçu. En nuciculture, les zones aux abords immédiats de l’Isère ont souffert d’importantes attaques fongiques et les arbres ont perdu leurs feuilles assez tôt », renchérit le technicien de la chambre qui se veut cependant optimiste. « Il ne faut pas avoir une vision catastrophique, car le bilan n’est pas encore fait. »

Une récolte correcte

Christian Nagearaffe, producteur dans la Drôme et président de l’Interprofession CING, observe que la récolte « a été variable en fonction des parcelles et des territoires. Elle ne s’annonçait pas trop mal en termes de volumes, mais il a fallu faire beaucoup de tri pour obtenir une qualité correcte. »
Pour les nuciculteurs, 2024 ressemble à 2013. « Il y avait eu une grosse récolte, mais de petits calibres et on n’avait pas pu passer dans certaines parcelles à cause de la pluie. Mais cette année, on a pu tout récolter, décrit Christian Nagearaffe. C’est un retour à des conditions d’avant le changement climatique. Il faut relativiser. Dans l’Ouest, il n’y a pas eu de récolte. Nous nous parvenons à avoir une récolte correcte. On ne peut pas toujours ramasser avec du beau temps. »

Convalescence

En amont de la récolte, la pluviométrie a réclamé de nombreux passages pour effectuer des traitements sanitaires dans les vergers.
« L’hétérogénéité observée se situe au-delà des conduites en bio ou en conventionnel, analyse le président du CING. Il fallait avoir de la trésorerie pour engager des frais. Et on comprend que certains producteurs ont pu lâcher prise sur les intrants. La filière est convalescente. »
Pour autant, certains vergers en agriculture biologique semblent avoir particulièrement souffert et la production observe quelques déconversions.

Des marchés porteurs

En termes de calibres, la récolte semble globalement moyenne à bonne avec environ « 17 à 20 % de sous-calibres », estime la station de recherche nucicole Senura.
Les producteurs nourrissent donc de sérieux espoirs du côté des marchés, même si rien ne filtre pour l’heure.
« L’année est plus porteuse que les précédentes, assure Alexandre Escoffier. Entre le Chili et le Périgord, il n’y a pas beaucoup de noix disponibles ce qui nous permet de placer les nôtres sur le marché. Les metteurs en marché et la coopérative sont optimistes. »
Christian Nagearaffe confirme : « Nous avons peu d’échos, mais la demande doit être assez forte. Je pense que le marché à l’export sera dynamique. Avec le CING, nous revenons du salon Fruit attraction en Espagne où nous avons été très sollicités par les pays étrangers. Nous espérons que mécaniquement cela va faire remonter les prix avec une répartition correcte de la valeur ajoutée, en particulier vers les producteurs. Il s’agit de retrouver de la valeur ajoutée pour toute la filière et pas seulement pour l’aval. »
Cette récolte moyenne en termes de volume intervient après que les stocks de 2023 ont été entièrement écoulés.
« Il nous reste à nous poser les bonnes questions lorsque nous sommes confrontés à une grosse production. Il faut gérer les stocks, mais pas dans l’urgence afin de bien rémunérer les producteurs », insiste le président du CING.

Isabelle Doucet

Les volumes et les calibres sont au rendez-vous de la récolte 2024, mais les écarts de tri sont très importants. Photo : ID TD