Montagne
Un modèle basé sur l'agriculture vertacomicorienne

Isabelle Doucet
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Le lait, le foncier et l’entretien du territoire ont été parmi les sujets abordés lors de la réunion avec les agriculteurs qui s’est déroulée le 10 janvier à Villard-de-Lans.

Un modèle basé sur l'agriculture vertacomicorienne
Rencontre avec les agriculteurs du Vercors, vendredi 10 janvier. Photo : ID TD

La rencontre de territoire qui s’est déroulée le 10 janvier à Villard-de-Lans a réuni une dizaine d’agriculteurs. Initiée par la FDSEA et les JA de l’Isère, elle a permis d’aborder les points importants de la vie agricole du plateau.

Les agriculteurs locaux ont mis l’accent sur les problématiques d’entretien du territoire, à l’image des cours d’eau sur lesquels pèsent de plus en plus de contraintes. « Il faudrait que la chambre d’agriculture nous aide, réunir la communauté de communes et le parc du Vercors, pour travailler ensemble et ne pas refermer les cours d’eau », a déclaré Paul Faure, agriculteur à Autrans et président de la coopérative Vercors lait où se déroulait la rencontre.

Entretien des ruisseaux, abreuvement des bêtes, les agriculteurs font état d’interdictions « vite contraignantes au quotidien », ainsi qu’en témoigne Dylan Rochas, éleveur à Méaudre. « Du temps de l’Apap (1), il y avait une veille des agriculteurs sur ces sujets », rapporte Guy Durand, son ancien président.

Il cite en exemple l’alpage de la Molière que les chardons envahissent désormais, faute d’une intervention suffisante. Le constat est la nécessité que les agriculteurs réinvestissent les instances communautaires.

« Entre le tourisme et l’agriculture, nous ne faisons pas le poids, regrette Dylan Rochas. Il n’y a pas de prise de conscience que ce sont les agriculteurs qui font tourner le territoire et sans eux, il y a un risque d’effondrement du modèle. »

Spéculation foncière

« Redevenons militants même si nous sommes moins nombreux, a exhorté Jérôme Crozat, le président de la FDSEA de l’Isère en dénonçant les incohérences. Nous devons défendre les bienfaits des productions ancestrales. Les alpages existent depuis 6 000 ans et il ne faudrait pas mettre moins de moutons au prétexte qu’il y a trois épines à garder. C’est grâce à l’agriculture que la faune et la flore sont encore présentes. »

Le sujet du foncier a aussi largement été évoqué, car le Vercors est un territoire sous pression. « Comment arrêter la spéculation sur les terres ? Que fait la Safer ? » s’interroge Paul Faure.

Jérôme Crozat rappelle qu’il est possible de demander une révision des prix, auquel cas, le vendeur est aussi libre de retirer son terrain de la vente. Il indique : « Si nous avons en France le foncier le moins cher d’Europe, c’est aussi parce que nous avons des outils comme la Safer ou le fermage. Mais si la Safer ne fonctionne pas, vous pouvez interpeller son président, David Gallifet, que l’on soit adhérent à la FDSEA ou pas. »
Cependant, Jérémy Jallat, éleveur à Saint-Nizier-du-Moucherotte et secrétaire de la Chambre d’agriculture de l’Isère, indique que la Safer ne peut pas intervenir en révision de prix sur de petites parcelles au milieu d’îlots urbanisés.

Il en profite pour revenir sur le travail de prévention fait avec les JA du canton, notamment pour installer des panneaux à l’entrée des prairies afin que les visiteurs respectent ces espaces de travail.

La surfréquentation touristique est à double tranchant sur le plateau où elle apporte certes une clientèle mais aussi son lot de désagréments.

C’est l’exemple des pistes de VTT sauvages dans les forêts privées. « la communauté de communes a établi une convention, mais cela s’est mal passé avec la profession, rapporte Jérémy Jallat. Nous allons proposer, avec Fransylva et le CRPF, notre propre convention. Les gens se croient chez eux partout. Il faut faire attention lorsque les champs ne sont pas fauchés. L’hiver, quand il y a de la neige, ce n’est pas un problème. »

Il manque du lait

Un des gros soucis sur le plateau reste la transmission des fermes. Paul Faure s’en inquiète.

« Il faut 5 à 600 000 euros pour reprendre une ferme laitière. Comment les jeunes peuvent-ils s’installer même si la DJA est conséquente ? »

La coopérative a manqué de 600 000 litres en 2024. Et risque encore d’en perdre beaucoup en 2025.

Son président regrette le blocage d’une installation à Villard-de-Lans parce que le repreneur ne peut pas construire un nouveau bâtiment.

« De plus, les gens ne veulent pas forcément se mettre en Gaec, alors que c’est plus facile de prendre des parts plutôt que d’acheter une ferme et c’est bien d’avoir ses week-ends », argumente-t-il.

Aurélien Clavel, secrétaire général de la FDSEA de l’Isère et vice-président de la Chambre d’agriculture de l’Isère, reconnaît qu’il « faut faire de la pédagogie auprès des porteurs de projets ».

Il souligne également qu’il y a « une différence entre la valeur économique d’une exploitation et sa valeur patrimoniale ». Ce dont les vendeurs doivent avoir conscience.

Il conclut la réunion en rappelant que le congrès de la FNSEA, qui se déroulera du 25 au 27 mars à Grenoble, sera l’occasion pour les agriculteurs de communiquer auprès des Isérois sur ce qu’est l’agriculture du département, dans toute sa diversité, de tailles, de productions et de conduites.
Isabelle Doucet

(1) Apap : Association pour la promotion des agriculteurs du Parc du Vercors