Politique
Les tendances de consommation et la structuration des filières alimentent les réflexions économiques de la Chambre d'agriculture de l'Isère

Isabelle Brenguier
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La dernière session de la Chambre d’agriculture de l’Isère a centré son propos sur l’économie en faisant le lien entre une consommation qui laisse la part belle à l’alimentation et une nécessité de structurer encore plus les filières.

Les tendances de consommation et la structuration des filières alimentent les réflexions économiques de la Chambre d'agriculture de l'Isère
Florence Reiner de la Chambre d'agriculture de l'Isère, Cécile Villard, de la CCI de Grenoble, Marine Raffray, de Chambre d’agriculture France et Aurélien Clavel, le président du PAA, ont parlé économie pendant la dernière session de la chambre d'agriculture.

Pour sa dernière session de l’année tenue le 23 novembre à Moirans, la Chambre d’agriculture de l’Isère a mis l’accent sur l’économie avec en points centraux les tendances de consommation et la structuration des filières.
« Le département de l’Isère dispose de deux grandes forces : une diversité de productions unique et un potentiel d’1,2 million de consommateurs. Les enjeux sont de mailler productions et consommation de façon à redonner de la valeur à l’alimentation et aux agriculteurs », expose Florence Reiner, conseillère économique à la Chambre d’agriculture de l’Isère.

Part alimentaire 

Pour alimenter la réflexion, Cécile Villard, chargée d’étude à la CCI de Grenoble a présenté l’enquête (1) effectuée au printemps dernier par l’organisme consulaire.
« Réalisée auprès de 2 500 ménages, son objectif était de savoir qui achète quoi, où, comment et pour combien ? », indique la technicienne. Les données récoltées (2) révèlent que les dépenses de consommation courante pèsent pour un tiers des dépenses totales des ménages, et que parmi ces dépenses, 52 % concernent l’alimentation, soit 16 % de leur budget général.
« Elles mettent aussi en exergue que c’est une part qui évolue peu et que dans des budgets contraints, les foyers n’arbitrent pas sur la part alimentaire mais sur d’autres biens de consommation courante », détaille Cécile Villard.
S’agissant des lieux d’achat, les hypermarchés restent le principal canal de distribution pour l’alimentation, mais ils sont plutôt en perte de vitesse. Les petits formats gagnent du terrain. La vente directe est encore une tendance très minoritaire mais elle se maintient à 2% des dépenses alimentaires.

Ambivalence

L’étude montre aussi que les consommateurs sont de plus attentifs à réaliser une consommation responsable, vis-à-vis de l’environnement et de la société, qu’ils recherchent davantage de proximité.
Cela se traduit par des achats de produits bio, et surtout locaux. « Il y a une vraie prise de conscience que consommer n’est pas un acte anodin, que cela engendre un impact au-delà de la seule satisfaction d’un besoin », estime Cécile Villard.
L’étude montre aussi un fort développement de l’e-commerce (3), une augmentation du hard-discount sur l’ensemble des achats réalisés et une tendance des gens à consommer à proximité de chez eux, ce qui interroge sur la place que va conserver la métropole sur ces questions.
« L’ensemble de ces travaux révèlent, qu’il s’agisse d’alimentation ou d’autres produits, que la consommation est devenue plurielle, qu’il n’y a pas de réponse générale, qu’il faut s’adapter à chacun. Il y a des ambivalences, notamment entre le dématérialisé et l’envie de revenir au local. Il faut offrir quelque chose de différent qui retienne le consommateur sur place », conclut Cécile Villard.

Outils de transformation essentiels

Avec sa grande diversité de productions et des organisations de commercialisation en filières longues ou en circuits courts, les 4 800 exploitations agricoles iséroises devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu.
Mais ce n’est pas facile. Même s’ils développent des stratégies pour recapter le maximum de valeur ajoutée, des partenariats…, les agriculteurs du département sont confrontés à des problématiques de revenus, car leurs coûts de production et leurs charges sont élevés.
Florence Reiner a présenté les différentes initiatives iséroises mises en place dans les filières bovines et laitières comme les Éleveurs  des saveurs iséroises et Plein Lait Yeux ou dans les filières légumes et légumineuses avec des structurations de groupe de producteurs.
Mais le constat est là : « même lorsqu’on produit et consomme sur un même territoire, il y a de nombreuses étapes du champ à l’assiette », estime-t-elle. « Les outils de transformation sont essentiels », ajoute-t-elle.
Créé pour pénétrer le marché des GMS, pour augmenter la visibilité et la part de marché des produits locaux pour améliorer la rémunération des agriculteurs isérois, le Pôle Agroalimentaire (PAA) a joué un rôle dans tous les derniers projets lancés.

S’adapter à chacun

Président de la structure, Aurélien Clavel reconnaît qu’« il n’est pas facile de savoir comment s’y prendre pour faire retrouver du revenu aux exploitants. La grande diversité des productions iséroises est une force, mais cela nécessite d’être un peu de partout, de s’adapter à chacun. Il faut aider les agriculteurs à travailler sur les circuits courts ou intermédiaires. Mais il faut aussi accompagner ceux en filière longue à s’investir dans les Organisations de producteurs, dans les coopératives, pour qu’ils inversent le pouvoir de négociations. Dans les filières végétales, c’est encore compliqué. Et puis, il faut aussi réfléchir à l’opportunité qu’aurait la chambre d’agriculture à s’investir dans le PAIT (4), de façon à mettre plus de cohérence dans un approvisionnement global ».
Et l'agriculteur de conclure : « Tous les acteurs concernés doivent être mis autour de la table pour se dire : quelle alimentation voulons-nous demain pour mettre en face les bonnes orientations politiques, de façon à ce que tout aille dans le même sens ? ». Ces réflexions ne sont pas nouvelles. Mais elles ont montré que ce sujet de l’alimentation intéressait au plus haut point agriculteurs, politiques et… consommateurs. De quoi donner envie aux responsables de poursuivre leur engagement.

Isabelle Brenguier

(1)   Cette étude vise à être un outil tant pour les commerçants que pour les acteurs publics

(2)   issues de l’année 2021, avant l’emballement de l’inflation

(3)   il représente désormais ¼ des dépenses non alimentaires

(4)   Projets alimentaires inter-Territorial de la grande région Grenobloise

 

En bref

En bref

Jean-Claude Darlet

Le président de la Chambre d’agriculture de l’Isère a évoqué les difficultés rencontrées par les filières tout au long de l’année, en insistant sur la hausse des coûts de production et les calamités qui ont porté un lourd préjudice aux exploitations iséroises. Il a indiqué que « la réforme de l’assurance récolte ne répondait pas aux problématiques, d’autant que les aides calamités seraient en baisse ». Pour autant, malgré ces perspectives économiques fragiles, il a fait état « des bons chiffres de l’installation avec des projets de qualité, permettant au département de l’Isère de compter aujourd’hui pour trois départs, deux installations ».

Jérôme Crozat 

Vice-président de la Chambre d’agriculture, il a regretté que les politiques considèrent qu’en cas de crise, l’agriculture soit la variable d’ajustement et que les médias ne cessent de s’en prendre aux agriculteurs.

Xavier Céréza

Représentant le préfet, Xavier Cereza, le directeur de la DDT, a indiqué que ses services s’étaient inscrits dans le nouveau dispositif assurantiel, et que si le Comité départemental d’expertises n’avait plus la même autorité, il convenait de le réunir pour établir un bilan du nouveau fonctionnement. « Le sujet n’est pas clos », a-t-il souligné.
Abordant la crise de la filière noix, il a admis que les dispositifs d’aide, conçus rapidement en s’appuyant sur le dispositif cerises, présentaient des faiblesses, notamment parce que l’aide d’urgence n’est pas cumulable avec l’indemnité de solidarité nationale (ISN), qui remplace le dispositif de calamités agricoles. Un courrier est en cours.
Pour les aides à la bio, il a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’aides instruites au niveau départemental mais régional. Il a précisé que les dossiers ne répondant pas aux critères ne seraient pas admis et que les autres devraient voir arriver le paiement FranceAgriMer prochainement.
Et s’agissant de la PAC, il a reconnu « une fin de campagne difficile avec un aléa informatique pour l’Isère. Mais le retard sur le national a été rattrapé. Aujourd’hui, entre 85 et 86 % des agriculteurs ont été payés. Je sais que le réseau bancaire a travaillé pour accompagner les agriculteurs à passer le cap ».
Enfin, il a annoncé la mise en œuvre d’un plan de territorialisation de la planification économiques pour 2024 qui a pour objectif la décarbonation des différentes filières économiques. « Ce sont des dossiers sur lesquels il faudra être très présents », a-t-il insisté.

Cyrille Madinier

Pour sa première participation à une session de la Chambre d’agriculture de l’Isère, le nouveau vice-président en charge de l’agriculture au Département s’est montré très enthousiaste vis-à-vis de sa nouvelle délégation, indiquant qu’il poursuivrait « l’action engagée par Fabien Mulyk et que le Département serait toujours aux côtés de l’agriculture iséroise ».

Motion

La motion relative au développement de la protéine cellulaire, dite viande « in vitro », proposée par la Confédération paysanne, a été adoptée.

IB

« Dans la continuité »

En présentant le plan d’actions de la Chambre d’agriculture de l’Isère pour 2024, Jean-Claude Darlet, son président et Héloïse Gonzalo, sa directrice, ont indiqué qu’il était « dans la continuité du projet de mandature ». La structure va poursuivre le travail engagé sur l’installation, la transmission et le développement des exploitations, l’accompagnement sur la PAC, les projets dans les domaines de l’énergie et la stratégie bas carbone, le développement de l’agroforesterie.
Elle maintiendra également l’accompagnement prodigué sur les circuits courts, les démarches collectives initiées pour déployer le « Label haies », ainsi que les contractualisations avec les EPCI.
A l’instar du diagnostic réalisé cette année sur la filière lait, un autre devrait être effectué sur la filière bovins viande, de même qu’une étude de marché sur la noix et ses débouchés.
Enfin, les responsables de la chambre d’agriculture prévoient de mettre davantage l’accent sur la communication.
Outre une remise à jour du site Internet de l’organisme consulaire et la mise en œuvre de relations plus étroites avec la presse, Jérôme Crozat, en tant que premier vice-président, a expliqué la nécessité que la structure soit aussi présente dans le milieu rural, au travers des nombreux évènements organisés tout au long de l’année, que dans le monde urbain « qui concentrent des politiques et des attentes ».
Il cite le PAIT (Projet alimentaire inter-territorial) de la grande région grenobloise « qui promeut certaines politiques ». « Mon avis est que nous devons maintenir toutes les productions et qu’on défende les deux jambes de l’agriculture iséroise que sont la production végétale et la production animale ».

IB