Nuciculture
Le CING estime que la filière se dirige vers un « début de retour à la normale »

Isabelle Brenguier
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Le Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble a organisé son assemblée générale le 5 septembre à Chatte. Après plusieurs campagnes très difficiles qui ont contraint les dirigeants de la structure à diminuer les actions de promotion, un nouvel horizon semble se dessiner.

Le CING estime que la filière se dirige vers un « début de retour à la normale »
Producteurs et metteurs en marché étaient rassemblés le 5 septembre à Chatte, à l'occasion de l'assemblée générale du Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble. Photo : IB TD

De l’espoir. Et des perspectives. C’est ce qu’ont pu retrouver les nuciculteurs présents à l’assemblée générale du CING, tenue le 5 septembre à Chatte.
Après plusieurs années de crise qui ont entraîné de nombreux dommages, la filière nucicole se projette de nouveau. « La récolte de noix de Grenoble s’annonce correcte, même si on note une certaine hétérogénéité d’un verger à l’autre. Mais les voyants sont plutôt au vert. On espère un début de retour à la normale pour la filière, grâce à des volumes et à des prix supérieurs à ceux de l’an dernier. Au niveau commercial, les cours se présentent mieux que les années passées, il n’y a plus de stocks, les marchés se sont assainis. La récolte de noix du Périgord sera petite. Et sur le plan international, celle du Chili a aussi été faible. Sa commercialisation ne va pas peser sur les marchés. Quant à celle des Etats-Unis, de l’ordre de 600 000 tonnes à la place des 700 000 habituelles, même si on ne sait pas encore quelle sera leur stratégie commerciale, on peut penser qu’ils seront moins offensifs sur les prix que ces dernières années. Enfin, sur le marché intérieur, on peut imaginer que l’inflation entrera moins en ligne de compte, que le consommateur pourra davantage se libérer dans ses achats. Nous souhaitons retrouver un prix à la production convenable et rémunérateur », explique, confiant, Christian Nagearaffe, président du Comité interprofessionnel de la Noix de Grenoble (CING).

7 133 tonnes commercialisées en AOP

Evoquant la récolte 2023-2024, Nathalie Gaillard, directrice du CING, fait état de 6 551 tonnes de noix de Grenoble entrées en entreprise (contre 12 747 tonnes de moyenne entre 2012 et 2022).
« Après une année exceptionnellement élevée en volume en 2022, la chute de production est historique. Cette diminution peut s’expliquer par un phénomène d’alternance du noyer, qui peut engendrer une baisse de production l’année qui suit une forte récolte, et à cause d’épisodes de grêle qui ont touché la zone AOP (Appellation d’origine protégée) à plusieurs reprises », explique-t-elle.
De ce fait, le volume commercialisé en AOP cette campagne a été plus élevé que celui récolté, puisqu’il est autorisé au sein du cahier des charges d’écouler les volumes de l’année précédente jusqu’au 31 décembre de l’année qui suit.
« Ainsi, 7 133 tonnes de noix ont été effectivement commercialisées en AOP cette campagne », précise-t-elle. 3 570 tonnes sont allées à l’export et 3 563 tonnes sont restées sur le marché intérieur. « C’est un marché stable. Nous constatons que les consommateurs français sont fidèles. C’est bien l’export qui sert de variable d’ajustement », souligne Nathalie Gaillard.

Plan de communication revu

« Au niveau des marchés, l’année 2023 a été très compliquée pour l’ensemble de la filière. La conjoncture n’a pas été favorable du tout, avec des cours mondiaux très très bas. Certes, la petite récolte iséroise nous a permis de pratiquer des prix élevés sur le marché intérieur et de tirer notre épingle du jeu. Mais le préjudice a été très fort », assure Arnaud Rivière, metteur en marché, qui a présidé le CING jusqu’en juin dernier.
Le manque a conduit les responsables de la structure à décider d’une remise de 50 % de la part surfacique de la cotisation. Et du fait de la faible récolte, le montant des cotisations appelé aux entreprises, a aussi été mécaniquement réduit.
Ces deux paramètres ayant fait diminuer le budget du CING, les responsables du comité ont revu à la baisse son plan de communication et de de promotion. Mais ne voulant pas réduire à néant les actions préalablement mises en œuvre, ils ont adapté la stratégie pour conserver une présence à moindre coût.

Stratégie digitale 

Co-fondatrice de la société « Ginette et compagnie » avec laquelle travaille le CING depuis trois ans, Florence Bisch explique que « la promotion est un travail de fond nécessaire, mais peu visible ».  
Après une deuxième année « catastrophique » qui n’a pas permis de dérouler le plan de communication prévu, les professionnels du sujet veulent davantage se tourner vers le grand public. « Notre stratégie reposait en premier lieu sur la mise en avant des nuciculteurs, du label, du renforcement de l’appartenance territoriale. Maintenant, nous allons nous attacher à faire aimer l’AOP, à créer de l’affect. Nous devons avoir un discours clair, publicitaire, dynamique, accessible. Tout cela repose sur le travail qu’effectuent les nuciculteurs pour obtenir un produit de qualité. Dans les paquets AOP noix de Grenoble, il n’y a pas de place pour une mauvaise noix. Et on ne peut pas tenir de mauvais discours », expose Florence Bisch.
« C’est un travail de longue haleine, mais nous avons la chance d’avoir un produit qui, grâce à ses qualités nutritionnelles et son terroir, plaît aux journalistes. Ils viennent nous voir, nous n’avons plus besoin d’aller les chercher et de les payer pour qu’ils parlent de la noix de Grenoble. Cela nous permet de consacrer ces budgets à d’autres actions », poursuit Nathalie Gaillard.
Parmi les axes de travail, il est prévu de former des nuciculteurs à parler de la noix, de leur métier, de façon à ce qu’ils soient à l’aise avec les médias et deviennent de véritables ambassadeurs du produit.
Il est prévu aussi d’avancer sur la stratégie digitale et de se rapprocher d’influenceurs pour aller chercher une cible plus jeune. Et localement, Christian Nagearaffe compte sur la Confrérie de la noix pour que ses membres continuent de porter la bonne parole de la noix de Grenoble.

Isabelle Brenguier

La durabilité dans les Siqo
Amélie Genay est ingénieure à l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité).

La durabilité dans les Siqo

L’assemblée générale du Comité interprofessionnel de la noix de Grenoble fut l’occasion pour Amélie Genay, ingénieure à l’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), de présenter les travaux en cours visant à intégrer les enjeux environnementaux et sociétaux, les principes de durabilité, dans les cahiers des charges des produits sous signe de qualité (Siqo). 
Pour l’instant, il s’agit d’orientations optionnelles. Mais le propos est de réfléchir aux conditions de production des AOP, dans les domaines de la fertilisation, des variétés, des modes de conduite, dans l’entretien des parcelles, des traitements phytosanitaires…
Selon Christian Nagearaffe, le président CING, qui participe à ce groupe de travail, « l’important est de se poser les questions, même si nous n’avons pas encore toutes les réponses. La noix dispose de nombreux atouts. Sur le plan environnemental, nous avons déjà beaucoup fait évoluer nos pratiques. Il y a des choses qui pourraient être inscrites dans le cahier des charges ou davantage mises en avant », indique-t-il.

IB

Récolte semblable à celle de 2018

Depuis plusieurs années, la Senura et la société Technivue travaillent de concert pour mettre au point une nouvelle méthodologie de prévisions de récolte, qui conjugue l’utilisation de photos aériennes prises par drone pendant l’été et le traitement de l’image par intelligence artificielle. Les noix sont comptées grâce à un algorithme et les données sont extrapolées dans toute la zone pour obtenir un chiffre final qui donne une estimation de la quantité de noix.
La campagne 2024 est la première à révéler des résultats aboutis. Pour autant, si le protocole est opérationnel, il est nécessaire d’attendre encore deux ou trois années pour bien affiner la méthode et avoir des résultats totalement fiables. Comme l’évoque le président du CING, Christian Nagearaffe, « il peut y avoir encore quelques biais, mais on va vers une récolte semblable à celle de 2018 ».

IB