Territoire
Le Trièves veut nourrir ses abeilles

Initiée par la MFR de Vif et rejointe par le comité de territoire Sitadel, l'initiative vise à développer la ressource mellifère du secteur, notamment pour préparer les abeilles à passer l'hiver.
Le Trièves veut nourrir ses abeilles

Le Trièves produit-il suffisamment de ressources mellifères ? La question a été posée par un groupe d'étudiants en BPREA de la MRF de Vif dans le cadre de leur projet de territoire en collaboration avec l'association Les pouces vertes. De leur rencontre avec différents acteurs locaux, ils ont identifié certaines périodes où les ressources mellifères (pollen et nectar) pouvaient faire défaut aux apiculteurs. Pour répondre à cette problématique d'un point de vue agricole, ils se sont rapprochés du comité de territoire Sitadel, en lien avec des observatoires de la diversité constitués d'une dizaine de fermes volontaires. Le volet particuliers et collectivités a par ailleurs été pris en charge par la communauté de communes du Trièves. Il consiste en l'implantation de vivaces en partenariat avec les pépiniéristes locaux. Une plaquette indiquant des choix de variétés dont la floraison couvre toute l'année est en cours de réalisation.

 

Un groupe de travail déterminé à faire avancer le projet de cultures mellifères.


« Le volet agricole qui recouvre de grandes surfaces est plus impactant et mieux mesurable sur les abeilles domestiques, précise Véronik Lebay, enseignante à la MFR de Vif. Le souhait est que la démarche présente un intérêt pour les apiculteurs et les agriculteurs. L'accent est porté sur les floraisons en fin d'été et début d'automne, au moment où les abeilles manquent de nourriture. » Il semble en effet que des apports suffisants pourraient permettre aux apiculteurs de limiter leurs charges en sucre avant l'hivernage des abeilles. Plusieurs pistes ont été avancées par le groupe de travail qui s'est réuni vendredi 6 novembre dans le Trièves. On a beaucoup parlé de retard de fauche, d'intercultures et de semis sous couvert.

Choix variétaux

Avec un groupe de volontaires, Sitadel a tenté de brosser une estimation de l'apiculture locale : entre 2 à 3 000 ruches pour une production qui tournerait autour de 10 tonnes. Mais il convient de tenir compte des mouvements de transhumance : apiculteurs venus du sud de la France et locaux qui déplacent leurs ruches. Au mois de juin, entre 5 et 600 ruches supplémentaires arriveraient ainsi dans le Trièves. Agnès Jousseaume, du GDS apicole, apporte quelques précisions sur le profil des apiculteurs départementaux : 90% sont de petits producteurs qui ont moins de 20 ruches fixes et les 10% restants sont des professionnels qui ont autant de ruches que tous les petits réunis. Ils sont considérés comme tels à partir d'une cinquantaine de ruches.
Un premier constat tiré par les agriculteurs et apiculteurs est le manque de communication dans les pratiques des uns et des autres. Cela commence tout simplement par la connaissance des fleurs* butinées tout au long de l'année. Le colza bio est très recherché et, en intercultures, la phacélie, le trèfle blanc, le sainfoin, voire le lotier et la luzerne lorsqu'elle n'est pas coupée trop tôt après la fleur, sont également appréciés. La moutarde, très bonne et bon marché, est également sollicitée. Il apparaît qu'un conseil technique et agronomique serait le bienvenu dans les choix variétaux. « Il faudrait des plantations de fleurs qui attirent les abeilles ailleurs que sur les maïs en juin et juillet », mentionne un apiculteur du groupe.
Plusieurs hypothèses de travail ont émergé de cette réunion. Les agriculteurs en prairie naturelle pourraient par exemple décaler la floraison d'une quinzaine de jours en procédant au « déprimage », c'est-à-dire en faisant un premier rapide passage des animaux au début de la pousse. « Attention, a cependant prévenu Olivier Baup, président de Sitadel, que cette pratique ne vienne pas en contradiction avec des mesures agro-environnementales retard de fauche ». Une autre proposition qu'il est possible de rapidement mettre en œuvre est de permettre aux apiculteurs d'entrer en contact avec les agriculteurs qui souscrivent à la MAE retard de fauche via le site de Sitadel. Les cultures intermédiaires, comme l'implantation de méteil et les cultures sous couvert devront encore faire l'objet de réunions.
Si le projet est pertinent aux yeux des apiculteurs et des agriculteurs, il pourra se convertir en appel à projet pour mobiliser des financements dans le cadre du CDDRA.

Isabelle Doucet

*Des fleurs : saule, noisetier, crocus, perce-neige, buis, pissenlit, aulne, accacia, cornouiller, aubépine, prunier, tilleul, érable, sapin, vigne vierge, fleurs des prairies etc.

 

 

Olivier Baup

« Le sud Isère a souvent été pionnier »

« Nous travaillons avec tous les agriculteurs et donc les apiculteurs. Cette initiative va dans le sens d'un progrès de l'agriculture, soulignait Olivier Baup au nom de l'association Sitadel qui a soutenu le projet dès le départ. L'apiculteur a besoin de miel et l'agriculteur a besoin de toutes les cultures pollinisatrices. Or, en France, on assiste à une baisse de la production de miel en raison des traitements et de l'émergence de problèmes liés au réchauffement climatique. Nous avons intérêt à travailler ensemble à travers ce type de journée, afin qu'il y ait une entente entre les professionnels et pour aller dans le bon sens. En tant qu'organisme de territoire concerné, Sitadel suit cela de près. Le sud Isère a souvent été pionnier dans la mise en place de nouvelles pratiques. C'est un état d'esprit ». Le président de Sitadel défend l'idée d'une MAE apicole et cherche à ce titre un soutien « car c'est aussi important que la protection des oiseaux ». Face au varroa, au frelon asiatique, l'abeille est fragilisée. « Nous avons intérêt à lutter contre ces fléaux, car sans les insectes, nous allons à la catastrophe. »