Actu vue par Jean-Claude Darlet
« Partir des attentes des riverains pour amorcer le dialogue »

Producteur de noix, le président de la chambre d'agriculture de l'Isère explique comment la filière a travaillé avec une association de riverains pour élaborer la charte de bon voisinage en nuciculture signée le 10 décembre dernier.
« Partir des attentes des riverains pour amorcer le dialogue »

Le 10 décembre, vous avez signé la « charte de bon voisinage en nuciculture en vallée de l'Isère » avec des représentants de la filière noix et une association de riverains, le tout sous l'égide du Département. Pourquoi cette démarche ?

La réflexion a débuté suite aux attaques auxquelles la filière noix a été confrontée en 2017. Des propos et des actes assez violents ont été commis contre les producteurs qui traitent leurs parcelles. Dans les journaux, on a parlé de la vallée de la mort... C'est aussi le moment où nous avons a vu fleurir les collectifs « Nous voulons des coquelicots ». Si nous ne réagissions pas, nous risquions de nous retrouver face à des conflits, voire à des actions qui pouvaient dégénérer. Nous avons été contactés par une association de riverains, Noix Nature Santé, qui avait déjà organisé plusieurs réunions d'information et d'alerte par rapport aux pratiques agricoles. Cette association voulait que nous travaillions sur un document. Nous avons convenu d'une rencontre à laquelle ont participé la DDT, des représentants de la filière, le tout sous l'égide du Département. C'est là que nous avons lancé la réflexion sur la charte et que nous nous sommes donné un cadre de travail et des règles pour négocier.

Sur quelles bases avez-vous travaillé ?

Nous avons décidé qu'au sein du groupe de travail, nous serions à égalité. A chaque séance, il y avait cinq représentants de la profession et cinq représentants des riverains. Nous avons entamé les discussions en partant des attentes de Noix nature santé. Sa présidente souhaitait que l'on s'inspire de la charte « Pomme du Limousin ». Il y avait trois points essentiels : le remplacement des produits les plus dangereux par des méthodes alternatives, les distances de traitement et l'information aux riverains. C'est ce qui a servi de base au dialogue. Ce point de départ est d'une importance capitale, car c'est ce qui a permis de désamorcer les tensions sur le terrain.

Comment cette charte de bon voisinage s'articule-t-elle avec la « charte départementale d'engagements des agriculteurs » signée en septembre dernier à la Foire de Beaucroissant ?

Les deux chartes ne sont pas vraiment comparables. Elles n'ont ni les mêmes bases, ni les mêmes objectifs. Pour la charte de bon voisinage, nous ne sommes pas partis sur une réflexion réglementaire. Le dialogue sur la zone de non traitement, qui a duré plusieurs mois, a été entièrement co-construit avec les riverains. Nous étions attaqués sur certains points : il fallait répondre et donner des éléments factuels. Pour la charte départementale, la base est nationale. Elle ne concerne pas une filière en particulier, mais l'agriculture dans sa globalité.

Comment la charte de bon voisinage va-t-elle être appliquée ?

Il s'agit d'un engagement collectif de la profession. Il revient à chacun de décider s'il veut y participer ou non. C'est une démarche volontaire, de bon sens. Elle n'a rien d'opposable ni de réglementaire. Nous n'avons aucun moyen de contrôle particulier. Cependant, en cas de conflit, nous avons prévu qu'une cellule de médiation puisse être saisie.

Quel est l'accueil de la charte sur le terrain ?

Avec tout ce que les producteurs ont vécu ces derniers mois, il faut reconnaître qu'elle n'est pas forcément bien comprise en tant que telle. Mais il faut avoir à l'esprit que nous devons reconstruire la filière. Avec les pertes de fonds importantes que nous avons subies, il va falloir se poser la question des variétés à replanter. N'est-ce pas le moment de produire une noix de haute qualité, qui se démarque, et qui nous donne accès à certains marchés ? Ces réflexions, tout comme la charte, sont le signe que notre filière sait se prendre en charge et préparer l'avenir tout en nouant le dialogue.

Propos recueillis par Marianne Boilève