Crise du bio
De grands opérateurs encouragent les déconversions
Dans les filières biologiques en difficulté, de grand opérateurs encouragent les producteurs à se déconvertir afin de réduire les volumes et redresser les marchés.
Porc, lait, œuf ou volaille de chair : dans les filières biologiques en difficulté, de grands opérateurs encouragent les producteurs à se déconvertir pour réduire les volumes et redresser les marchés.
Des incitations allant de simples levées de pénalités jusqu'à des compensations financières, en passant par des demandes de soutien public auprès du gouvernement.
Mais les départs ne sont pas massifs et ces acteurs s’en remettent désormais au ministre, tant pour faire appliquer la loi Egalim que pour élaborer des plans d’urgence.
Alors que le chiffre d’affaires de la bio aurait reculé de 5 à 8 % au niveau national sur un an, « nous tentons de chercher des solutions pour soulager nos marchés », explique Jérôme Caillé, président de la Commission bio de la Coopération agricole.
L'objectif : réduire les volumes qui ne trouvent plus preneurs, au risque de devoir être déclassés, avec de lourdes pertes financières à la clé. Pour l’heure, « les départs ne sont pas massifs », insiste-t-il.
Estimées à quelques 2 174 producteurs entre janvier et août 2022 selon l’Agence bio, les déconversions montrent cependant une tendance claire, avec une augmentation de 42 % en un an.
La plupart d’entre eux s’en remettent désormais à l’aval, pour mieux répercuter les coûts de production, ainsi qu’au ministre, pour relancer la consommation.
« L’équation est insolvable tant qu’on ne fera pas appliquer la loi Egalim dans les cantines », martèle Jérôme Caillé.
Volaille de chair : l’argent ne parvient pas à convaincre les producteurs
Chez Bodin volailles (Terrena), qui fournit environ un tiers des volailles bio commercialisées en France, « nous avons proposé dès juillet 2022 aux producteurs qui le souhaitaient de repasser en label », confie Jérôme Caillé, également secrétaire de la commission des éleveurs de la SA.
Objectif affiché : renvoyer vingt producteurs de la production biologique vers le label rouge.
« Nous avons mis de l’argent de notre caisse de risque sur la table, en proposant une aide au mètre carré visant à compenser la baisse de marge sur dix-huit mois », détaille-t-il.
Lait : Lactalis ouvre la porte et propose de nouveaux contrats de déclassement
Il y a à peine trois ans, misant encore sur une progression du marché à deux chiffres, Lactalis accordait encore une prime de 40 € les 1 000 litres aux producteurs en conversion, ainsi que des aides à l’investissement.
Mais en 2019, comme le Gouessant, le géant du lait a arrêté d’accompagner les conversions. Un freinage d’urgence qui n’a pas empêché la collecte de grimper de 200 à 250 millions de litres annuels, dont 40 % seraient actuellement déclassés.
Pour faire face à une nouvelle situation du marché, qui « pourrait durer deux à trois ans » selon Fabien Choiseau, directeur approvisionnement lait chez Lactalis, Lactalis se tourne donc désormais vers de nouveaux leviers.
« Depuis six mois, nous ouvrons la porte dans les OP à ceux qui se poseraient la question de retourner vers le conventionnel, en garantissant de continuer à les collecter », explique Fabien Choiseau.
Pas d’incitation financière directe mais une double promesse : les pénalités prévues par les contrats de livraison ne seront pas appliquées, et les aides accordées par le passé n’auront pas à être remboursées.
« Peu de producteurs veulent cependant revenir en arrière : moins de 10 personnes ont fait ce choix sur les 650 que nous collectons », note Fabien Choiseau.
Œuf bio : du déclassement temporaire à la déconversion au Gouessant
En œuf bio, souligne Jean-Christophe Rodallec (Synalaf), la consommation aurait baissé de 3 à 4 % sur un an.
Au sein de la coopérative du Gouessant, deuxième plus gros acteur du marché de l’œuf bio, « 20 à 25 % de la production bio a été rebasculée en plein air entre 2021 et 2022 », illustre Patrice Sort, responsable du négoce œuf. Comme il confiait à nos confrères d’Ouest France, en décembre 2021, la coopérative a d’abord misé sur un système temporaire.
Les producteurs nourrissaient leurs poulettes bio avec de l’aliment conventionnel, mais les œufs leur étaient payés au prix du bio. « Sauf que le temporaire va durer », souffle Patrice Sort.
Loin d’être une loi générale, les difficultés de la coopérative pourraient être aussi selon lui liée à la grippe aviaire et aux dépeuplements dans l’Ouest.
Porc : les coopératives demandent des aides à la déconversion au ministre
C’est en porc que la demande a été la plus claire.
« Nous avons 30 à 40 % de volume en trop, et nous nous sommes donc joints fin octobre aux autres coopératives de Forébio pour demander au ministre des aides pour arrêter une partie de la production », confirme Jérôme Caillé.
Mais la rue de Varenne resterait actuellement sourde aux arguments des coopératives. « Le ministre ne veut pas entendre parler de déconversion », regrette Jérôme Caillé.
Selon les chiffres de l’Agence bio, la filière porcine certifiée comprendrait actuellement une cinquantaine d’éleveurs, représentant à peine 2 % de l’effectif national de truies.
Avec une hausse de 40 % des effectifs entre 2020 et 2021, la plupart de ces ateliers sont cependant très récents, développés par des exploitants qui viennent de réaliser les investissements pour construire ou aménager leurs bâtiments.