Visite ministérielle
L'enseignement agricole, priorité du ministre Didier Guillaume

Le nouveau ministre de l'Agriculture, le drômois Didier Guillaume, a effectué son premier déplacement dans la Drôme et en Isère où il a visité la MFR de Chatte et la station expérimentale Senura.
L'enseignement agricole, priorité du ministre Didier Guillaume

Un ami, un voisin, un ministre, c'est un peu les trois à la fois qu'accueillait André Roux, maire de Chatte et directeur de la MFR à l'occasion, vendredi après-midi, de la première visite de Didier Guillaume en tant que ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, nommé mardi dernier. Le Drômois, ex-maire de Bourg-de-Péage, à un jet de noix de Chatte, a souhaité placer sa mission sous le signe de la promotion de l'enseignement agricole et de l'agroécologie, reprenant un thème fort défendu par l'avant-dernier ministre de l'Agriculture.

Vendredi, il a débuté son déplacement par le lycée agricole du Valentin à Bourg-lès-Valence, avant de passer l'après-midi à la MFR de Chatte, puis à la station expérimentale de la Senura, voisine de la maison familiale.

Transition écologique

Difficile pour le ministre, trois jours après sa nomination, de se lancer dans des annonces remarquables, mais il a fixé ses trois priorités en matière d'enseignement.

C'est d'abord « le droit et le devoir de former plus de jeunes », soulignant des secteurs « où il y a du travail : les métiers de l'agriculture, de la recherche, des services etc. »

Il a ensuite insisté sur la participation de la formation à la transition agroécologique « pour répondre à une demande sociétale ainsi qu'à une volonté de toute la profession agricole ». Interpelé dès sa prise de fonction sur la question du glyphosate, il a rappelé la volonté du gouvernement d'en sortir d'ici 2020. « Il faut l'assumer, a-t-il ajouté en promettant de « l'aide aux filières où il y a des difficultés ».

La troisième priorité concerne l'adaptation des établissements d'enseignement agricole, publics ou privés, aux besoin de leur territoire.

Lors de ses échanges avec les responsables d'établissements, il s'est voulu rassurant quant à la réforme de l'apprentissage. « Vous allez avoir encore plus de possibilités », a-t-il assuré. Ainsi, un plan national 2018-2019, à l'intention de toutes les familles d'enseignement agricole, prévoit une augmentation du budget de 5 millions d'euros par an pour l'enseignement privé et 2 millions d'euros pour les MFR.

Compétitivité

La rencontre avec les professionnels s'est voulue un temps d'écoute. Jérôme Crozat, le président de la FDSEA Isère, a attiré l'attention du ministre sur le sujet du TODE.

La prochaine loi de finances prévoit un abaissement de charges de 425 millions d'euros pour l'ensemble du secteur agricole, et le responsable syndical en appelle à la vigilance pour que soient privilégiées des filières en manque de compétitivité en raison de leurs forts besoins en main-d'oeuvre comme les filières fruits, les semences, la viticulure et les pépinières, qui pèsent pour 15% dans l'économie départementale.

Il a également fait part des difficultés liées à la sècheresse et aux calamités agricoles, pointant une nécessaire réforme des barèmes de calcul de calamités, notamment pour les pertes de fourrages.

Tirs de défense

Jérôme Crozat a enfin salué la décision du préfet de région de poursuivre les tirs de défense à hauteur de 8 loups supplémentaires, portant à 51 l'effectif total de loups pouvant être abattus durant cette campagne. La FNSEA n'a eu de cesse de réclamer le « zéro attaque » dans un climat demeuré très meurtrier avec près de 10 000 victimes cette année.

La Coordination rurale est revenue sur les difficultés liées à l'arrêt annoncé du glyphosate et le risque de « concurrence déloyale » avec des produits d'importation non exempts de cet herbicide.

« Je serai un défenseur inlassable des efforts de l'agriculture française », a promis le nouveau ministre de l'Agriculture et de l'Alimenation.

Isabelle Doucet
MFR de Chatte / Le ministre a invité les élèves à communiquer sur les atouts de l'enseignement agricole.

Des territoires vivants

« L'enseignement agricole n'est pas une filière à part, il se situe au même niveau que les autres enseignements », a martelé le ministre devant les élèves de la MFR de Chatte et du LETP Bellevue à Saint-Marcellin. Par leurs témoignages, les jeunes ont largement abondé dans ce sens, soulignant tous les bénéfices qu'ils retirent d'un système d'enseignement au plus près des intérêts des élèves. « Faire une formation en alternance ou en apprentissage, c'est être au milieu des professionnels, lance un étudiant en BTS Acse(1). On voit les réalités du monde du travail. Cela permet d'acquérir une expérience, d'être réellement confronté aux problèmes, comme à la sècheresse aujourd'hui et de réfléchir aux pratiques agricoles pour les faire évoluer. »
Parce que la promotion de l'enseignement agricole passe avant tout par ceux qui le vivent, les élèves ont fait part au ministre de leurs retours d'expériences positifs. « Il y a plus de stages et c'est plus facile de s'orienter », déclare une jeune fille en Bac Pro Sapat(2) à Bellevue. « On va voir ailleurs », lance une autre en vantant le dispositif Erasmus, qui leur a permis à chacun de voyager à l'étranger. Ce dont s'est félicité le ministre qui a indiqué que « l'enseignement agricole est le champion de ceux qui en bénéficient le plus, avec 2% des élèves de France » A leur retour, les jeunes posent un autre regard sur le monde et assurent : « Nous sommes revenus tout changés, nous avons beaucoup reçu et nous avons beaucoup à apprendre. »
André Roux, le directeur de la MFR de Chatte parle de « fleurs qui s'ouvrent » lorsque les élèves, après un parcours délicat dans l'enseignement général, se révèlent dans ces lieux d'éducation à taille humaine. « Ce sont des établissements où l'on ne forme pas que des agriculteurs, mais à tout un tas de métiers », a mentionné le ministre, avant d'ajouter :  « ce qui compte, c'est la vie de la ruralité, le maintien de paysages et de territoires vivants. »
(1)Analyse, Conduite et Stratégie de l'Entreprise Agricole
(2) Services aux personnes et aux territoires

 

 

Noix / La station de recherche Senura a vu ses budgets d'Etat se réduire comme peau de chagrin alors que l'injonction sociétale de réduction des intrants n'a jamais été aussi forte.

Qui paye la recherche  ?

A l'heure où la pression sociétale est à son paroxysme concernant les traitements agricoles avec un point de crispation autour du glyphosate, le nouveau ministre de l'Agriculture est justement venu visiter la station expérimentale Senura à Chatte où, depuis plus de 20 ans, on décortique les noix pour en mieux connaître leurs maladies et leurs agresseurs. Portée par les agriculteurs, la station réalise une quarantaine d'essais chaque année et fait notamment porter ses recherches sur le colletotrichum, le champignon devenu l'ennemi public n°1 de la noix, causant jusqu'à 70% de dégâts sur une même parcelle.
Co-président de la Senura, Jean-Claude Darlet, par ailleurs nuciculteur et président de la chambre d'agriculture de l'Isère, a insisté sur les besoins de fonds de telles stations. En l'espace de 10 ans, « les fonds FranceAgriMer sont passés de 50% à 5% du budget de la station », a-t-il indiqué, le budget de la Senura passant de 600 000 à 850 000 euros. Les collectivités ont pris le relais, mais les professionnels dénoncent l'injonction de solutions et l'absence de moyens, notamment dans les petites filières dont se désintéressent les majors de l'industrie agrochimique dans leurs recherches appliquées de solutions alternatives.
Didier Guillaume a souligné combien « la recherche est indispensable pour le pays, la souveraineté alimentaire, la compétitivité passent par là ». Le ministre a donné rendez-vous aux représentants du monde agricole et aux élus présents pour cette première visite, en septembre 2019 pour le prochain salon Tech&Bio dans la Drôme et la 800e Beaucroissant en Isère.
ID